Ces destinations qui ont battu des records en 2023… et revoient leurs ambitions à la hausse
Egypte, Grèce, Arabie saoudite… De nombreuses destinations annoncent avoir dépassé les performances de 2019 l’an dernier. Et ne comptent pas s’arrêter là.
Les unes après les autres, les destinations étrangères livrent leurs bilans de fréquentation pour l’année 2023. Et c’est une déferlante de records. Au point de balayer 2019, solidement campée jusqu’à présent comme année de référence pré-pandémique ? Trop tôt pour le dire, même si les chiffres publiés par certaines destinations depuis le début de l’année dessinent une première tendance.
Du côté de l’Egypte, la performance est d’autant plus appréciée que le dernier record remonte même à… 2010. La destination a frôlé les 15 millions de touristes l’an dernier. Même tendance au Maroc, où le tourisme a franchi un cap historique en 2023, avec 14,5 millions d’entrées, soit un million de plus que l’objectif fixé par le gouvernement sur sa feuille de route 2023-2026. Le précédent record avait été enregistré en 2019 avec 13 millions de visiteurs.
Autre « best-seller » de 2023, la Grèce, qui a enregistré 32,7 millions de touristes étrangers, dépassant le précédent record établi à 31,3 millions. De solides chiffres, donc, pour ces destinations, d’autant plus significatifs qu’elles ont été touchées par des événements politiques ou des catastrophes naturelles qui ont menacé leur activité touristique. Ni la guerre aux frontières de l’Egypte, ni le séisme au Maroc ou les violents incendies ayant ravagé la Grèce l’été dernier n’auront eu raison de ces performances. D’après les estimations de l’Egypte, 600000 voyageurs ont effectivement manqué à l’appel au quatrième trimestre de 2023, par rapport aux objectifs initiaux, en raison de la situation en Israël.
Egypte : deux fois plus de touristes dans 5 ans ?
Et nombre de ces destinations ne comptent pas s’arrêter là. L’Egypte prévoit ainsi de doubler le nombre de touristes d’ici 2028. Pour atteindre la barre des 30 millions de touristes, le pays entend multiplier par trois la capacité d’accueil de ses aéroports. Un nouveau terminal d’une capacité de 30 millions de passagers supplémentaires doit être construit d’ici 2027 au Caire. Le gouvernement entend également favoriser les investissements et doubler la capacité d’accueil de ses hôtels.
Le Maroc ne cache pas non plus de fortes ambitions. Ainsi que le rapporte La Tribune Afrique, le royaume prépare son prochain « boom touristique », avec un objectif de 26 millions de touristes annuels à l’horizon 2030. Nouvelle venue sur l’échiquier des destinations mondiales, l’Arabie saoudite, qui s’est ouverte il y a quelques années aux touristes étrangers, a déjà décidé de relever ses objectifs, et largement. Après avoir accueilli 27 millions de visiteurs étrangers en 2023, le royaume ambitionne de porter ce nombre à 70 millions d’ici 2030, soit plus du double de son objectif initial. Le pays mise notamment sur les stations balnéaires développées le long des ses côtes, ou sur des projets XXL comme le Rig, futur spot de tourisme d’aventure… sur une réplique de plateforme pétrolière. Si elle a fait du tourisme un des piliers de sa vision 2030 pour diversifier son économie, l’Arabie saoudite ne renie visiblement pas son son statut de deuxième plus gros producteur de pétrole au monde.
Booster les recettes
L’Espagne, de son côté, a fait encore mieux que prévu l’an dernier avec quelque 85,1 millions de touristes étrangers, dont 11,8 millions de Français. De quoi permettre à l’Espagne d’engranger 108 milliards d’euros de recettes, soit 17% de plus qu’en 2019. « Les dépenses sont un élément fondamental et le seront de plus en plus dans notre stratégie », a insisté le ministre du Tourisme espagnol lors de la présentation de ces résultats, en rappelant que l’objectif de l’Espagne était de faire monter en gamme son secteur touristique. La France a pour sa part maintenu son leadership mondial avec près de 100 millions de visiteurs étrangers en 2023. Une concurrence qui s’aiguise, relançant au passage la bataille des chiffres, ainsi que les débats sur la méthode et les critères retenus par les destinations pour comptabiliser le nombre de touristes.
La tendance est similaire pour des destinations plus « confidentielles » qui ont elles aussi publié leur chiffres : Malte annonce « un record historique de 3 millions de touristes en 2023 », en hausse de 8% par rapport à 2019, renouant avec les performances pré-pandémiques un an plus tôt que prévu. Au total, les touristes ont dépensé 2,7 milliards d’euros à Malte l’an dernier, marquant une augmentation d’un cinquième par rapport à 2019. « La stratégie de MTA va cibler un profil de voyageur plus expérimenté et aux revenus plus élevés. Centrée sur l’expérience des visiteurs, elle va s’ajuster à leurs attentes afin d’obtenir les meilleurs résultats », a expliqué Carlo Micallef, le PDG de Malta Tourism Authority (MTA).
Un discours similaire à celui de la Croatie, qui revendique elle aussi un positionnement de destination « Premium ». Si elle a elle aussi dépassé les performances de 2019 l’an dernier, la Croatie veut faire évoluer son tourisme. « Notre but n’est pas de voir sortir de terre des mastodontes, mais plutôt des hôtels plus petits, dont l’implantation respecte l’environnement. Cela reste notre priorité, expliquait en début d’année Daniela Mihalic-Durica, qui dirige l’office de Tourisme de la Croatie en France. Depuis plusieurs années, la destination s’efforce de mieux répartir le flux des voyageurs, encourageant la découverte de nouvelles régions encore méconnues en diversifiant l’offre et les expériences touristiques.
Un curseur difficile à positionner
Même stratégie pour le Maroc, qui veut emmener les voyageurs au-delà de Marrakech, capitale touristique du royaume. C’est pour cette raison notamment que le Seto a choisi d’organiser son prochain forum à Rabat, en avril prochain. D’importants projets ferroviaires devraient contribuer ces prochaines années à la diversification de l’offre touristique. La compagnie Ryanair a également obtenu le feu vert des autorités marocaines pour opérer des vols intérieurs à partir de l’été 2024. Onze nouvelles lignes intérieures seront opérées. De quoi changer significativement la donne.
Mieux répartir les flux et les recettes : c’est désormais l’objectif affiché pour la plupart des destinations. Même si tous les problèmes ne sont pas encore résolus, loin s’en faut. En Grèce, certains dénoncent le fléau du « surtourisme » sur certaines îles et les prix exorbitants sur certaines autres comme Mykonos et Santorin, dans les Cyclades en Egée. La prise de conscience est pourtant là depuis de longues années. Mais le curseur est difficile à positionner. « Le tourisme représente presque 20% du PIB du pays, rappelait la ministre du tourisme grec lors de son passage à Paris l’été dernier. Il fait vivre un million de personnes dans notre pays. Il est très important de penser le tourisme comme un secteur qui peut soutenir l’économie grecque pour les années à venir. Nous devons avoir une stratégie à long terme. »
Sans doute les destinations ne sont-elles pas toutes logées à la même enseigne, toutes n’ont pas encore publié les chiffres pour l’année 2023. Mais à en croire le dernier baromètre de ONU Tourism (ex-OMT), 2024 ne devrait que confirmer cette tendance. Le nombre total de touristes internationaux devrait dépasser cette année les niveaux pré-pandémiques grâce à la reprise du secteur en Asie. L’an dernier, 1,3 milliard de touristes ont voyagé à l’étranger, contre 1,4 milliard en 2019. « Les dernières données de l’OMT mettent en lumière la résilience et le rebond rapide du tourisme », soulignait dans un communiqué, le secrétaire général de l’OMT, Zurab Pololikashvili. En 2024, le niveau d’activité devrait être supérieur de 2% à celui de 2019. Une prévision qui reste néanmoins tributaire de « l’évolution des risques économiques et géopolitiques » auxquels le secteur semble s’adapter avec une rapidité croissante, tirant les leçons des crises qui ont jalonné ces dernières années.