Alliance France Tourisme : « Le tourisme n’est pas une rente »
Si la destination France affiche de très bons résultats sur l’année 2023, pour le président de l’Alliance France Tourisme, rien ne doit jamais être considéré comme acquis.
Les très bonnes performances du tourisme de la France pourraient-elles finir par lui jouer des tours ? C’est en tout cas un risque à ne pas négliger, a mis en garde Dominique Marcel lors de la présentation du bilan de l’industrie touristique de l’année 2023 établi par MKG Consulting. Pour l’ex-patron de la Compagnie des Alpes, désormais à la tête de l’Alliance France Tourisme, la destination France ne doit surtout pas se reposer sur ses lauriers. Sous peine de se voir ravir sa très convoitée première place sur le podium des destinations mondiales.
« Le tourisme a manifesté une très belle résilience, mais ce n’est pas une rente, martèle-t-il. Il faut préparer l’avenir et les nombreux défis qui sont à relever. L’enjeu, ce n’est pas d’être la première destination touristique. C’est d’être la première destination touristique dans quinze ans ! »
Des signaux d’alerte en provenance de l’Espagne
« C’est une maladie française, qui va bien au-delà du tourisme, de se dire que puisque ça va, ça ira toujours, a-t-il déploré. C’est comme ça sur toute une série de secteurs, où nous étions totalement dominants, et où nous avons fini par nous faire devancer. Pour ce qui est du tourisme, il ne serait pas normal de se faire doubler par les Espagnols ou les Italiens. Nous avons une économie puissante, des acteurs qui sont de grands acteurs, ça ne doit pas arriver », martèle-t-il.
« Il n’y a pas de vision industrielle du développement du tourisme, abonde Vanguelis Panayotis, le CEO de MKG. C’est dommage, on pourrait avoir un vrai effet d’amplitude s’il y avait une meilleure coordination, s’il y avait un vrai pilotage d’une stratégie industrielle pour faire émerger des champions. » « Ce que nous demandons, c’est d’avoir une cohérence de la stratégie nationale qui croise toute une série de sujets », ajoute Dominique Marcel.
D’autant que des signaux d’alerte clignotent déjà du côté de l’Italie ou de l’Espagne, qui pourrait décrocher cette première place, en termes de volume. Pas forcément l’indicateur le plus pertinent, souligne Dominique Marcel.
« On nous fixe l’objectif d’atteindre les 100 millions de touristes étrangers mais le vrai sujet, ce sont les recettes », estime le patron de l’Alliance France Tourisme, regrettant au passage que le secteur soit, en termes d’outils statistiques, « sous-développé ».
Le RevPAR au vert
Pendant la crise sanitaire, la France aura en tout cas été une très bonne élève, comptant parmi les premiers marchés à rebondir. « L’Hexagone se situe toujours dans le peloton de tête des meilleures performances de RevPAR par rapport à 2019 (+25%), même si les pays qui étaient encore en retard en 2022 se sont en partie rattrapés en 2023 », observe MKG. « Les établissements haut de gamme ont bénéficié au maximum de leur « pricing power » avec des progressions de prix moyens de +48% par rapport à 2019 et + 9,6% par rapport à 2022 pour luxe, ainsi que +27,4% vs 2019 et +9,8% vs 2022 pour le haut de gamme. »
Dans l’Hexagone, les évolutions de RevPAR ont été positives sur tous les segments l’an dernier. De bons résultats qui demandent tout de même à être nuancés. « Ces performances sont une très bonne nouvelle pour notre secteur, relève Dominique Marcel. Il est néanmoins important de rappeler que ces évolutions se font dans un contexte inflationniste qui touche les coûts de personnel, les matières premières et les énergies. Ainsi si les performances ont tout pour nous réjouir, les marges quant à elles doivent être préservées pour la pérennité de nos activités. »
Les dynamiques peuvent également être différentes selon les régions, et les situations très disparates. En témoignent le pic de défaillances dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration l’an dernier. En cause notamment, l’augmentation des charges, ou le remboursement des PGE, pour lesquels les entreprises le plus en difficulté viennent d’obtenir un sursis de trois ans.
Les JO, un booster d’activité
« Après un solide rebond post-Covid, qui confirme la solidité des fondamentaux du secteur et rappelle l’attractivité du marché français, nous devrions voir sur 2024 et 2025 une phase de normalisation de l’activité », prévient de son côté Vanguelis Panayotis, le CEO de MKG Consulting. Après une longue phase de Revenge Travel, « les arbres ne montent pas au ciel », résume-t-il.
L’année 2024 sera toutefois forcément un cru particulier, marqué par l’organisation des jeux Olympiques. « Bien que les allotements des pays participants, qui avaient jusqu’à début d’année pour annuler sans frais, aient été en partie rétrocédés, le taux de réservation pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques est solide, observe MKG. Paris Île-de-France, qui voit habituellement son activité ralentir pendant la période estivale, bénéficiera de la demande liée aux JOP comme le démontre l’état des réservations et l’impact d’une année JOP versus une année sans événement d’envergure internationale », analyse MKG. Un effet JO qui devrait continuer à porter la destination au moins pendant les deux années à venir, estime MKG, se référant à l’exemple de Londres, en 2012.
A condition, peut-être, d’avoir une communication moins anxiogène autour de l’événement, espère Vanguelis Panayotis. Dans une lettre ouverte adressée par le GHR au gouvernement, les professionnels de l’hôtellerie s’inquiétaient eux aussi des messages négatifs autour de cet événement qui porte en lui de lourds enjeux, aussi bien en termes d’image que de retombées économiques.
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