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Les compagnies africaines à l’ombre des géants du ciel

Avec les défaillances de Cameroun Airlines et d’Air Gagon, le ciel africain traverse une nouvelle crise, laissant le champ libre aux compagnies européennes. Mais de nouveaux transporteurs pourraient venir jouer les trouble-fêtes.

Le 10 juin, la compagnie Air Gabon suspendait ses vols au départ de Paris, suite à l’annonce en avril de sa cessation de paiement. Cette nouvelle faillite d’une des plus anciennes compagnies africaines sonne comme le rappel d’un autre retentissant naufrage, celui d’Air Afrique, en février 2002. Plombée par une dette cumulée de plus de 510 ME, la compagnie avait jeté l’éponge à l’époque, en laissant 4 000 salariés sur le carreau. Depuis, le ciel africain est entré dans une période de grandes turbulences, et les éclaircies se font rares.

Sur les décombres d’Air Afrique, tous les gouvernements africains ont tenté de tirer leur épingle du jeu en relançant leurs propres compagnies nationales et publiques, ou en accompagnant la création de nouveaux transporteurs comme Nas Air (Mali), Faso Airways (Burkina Faso), Finalair (Togo) ou Panafrican Airways (Côte-d’Ivoire), avec l’aide notamment de français comme Euralair (devenue depuis Air Horizons). L’aventure n’aura duré que quelque mois pour ces pseudo-compagnies, qui ont depuis disparu purement et simplement. Ce faisant, elles ont laissé un véritable boulevard aux transporteurs européens : British Airways, SN Brussels Airlines, Swiss, et surtout Air France pour l’essentiel, qui ensemble assurent désormais plus de 70 % du trafic vers l’Afrique.

Sous-capitalisation, manque de notoriété…

Selon la DGAC, le trafic des compagnies africaines, sur les liaisons France-Afrique, a augmenté de 2 % de 2000 à 2004, alors que celui des compagnies françaises (menée par Air France) a, dans le même temps, connu une croissance fulgurante de 45,8 % ! Et ce n’est pas fini, puisqu’en mai, le trafic du groupe Air France-KLM était encore en progression de 7,2 % sur le réseau Afrique-Moyen-Orient, pour une offre de sièges en hausse de 11,7 % ! Face à la globalisation et la pénétration du marché africain par les grandes compagnies internationales (…), le risque de voir mourir les compagnies africaines, les unes après les autres, est réel, constatait Christian Folly-Kossi, le secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa), lors de la 36e assemblée générale de l’organisme à Dakar, en décembre dernier.

Le problème est que, face à la puissance de feu des majors européennes, épaulées par la Commission européenne qui cherche à réviser les accords bilatéraux de droits de trafic à leur avantage, beaucoup de compagnies africaines privées ne disposent que de peu de marge de manoeuvre pour réagir. Sous-capitalisées de manière chronique, elles n’ont pas les moyens de posséder leurs propres avions et sont obligées de recourir à des sous-traitants. Quand à l’été 2004, elles ont ouvert des vols au départ de Paris vers Abidjan (Côte-d’Ivoire) d’une part, Lomé et Cotonou (Togo) d’autre part, Ivoire Airways et Air Togo ont ainsi utilisé des avions fournis par Eagle Aviation, une compagnie charter basée à l’aéroport de Saint-Nazaire. Suite à une mauvaise passe financière, Eagle Aviation a été placée en redressement judiciaire, avant de reprendre des couleurs en décembre 2004, mais a, du même coup, entraîné dans sa chute les deux transporteurs africains.

Depuis, Air Togo a repris ses vols, à raison de deux fréquences hebdomadaires vers Lomé, avec cette fois l’aide de Blue Line. De son côté, Ivoire Airways opère, avec son propre B 767, deux vols hebdomadaires Paris-Abidjan. Un seul avion qui interdit tout problème technique !

Côté commercialisation, le manque de notoriété constitue un frein évident. Les compagnies africaines (maintenant toutes présentes dans les GDS) ont souvent recours à un GSA (agent général de ventes), là encore pour des raisons évidentes de réduction de coûts.

La concurrence oblige Air France à baisser ses tarifs

En France, la société APG (Air Promotion Group) représente ainsi plusieurs transporteurs, comme Air Mauritanie, Air Ivoire, Air Burkina, et plus récemment la congolaise Hewa Bora Airways. Pour cette dernière, nous joignons tous les dimanches Bruxelles par bus, au départ de la gare du Nord, à 4 heures du matin, précise Tatiana Delhumeau, chef de produits Afrique chez APG. Hewa Bora Airways assure ensuite un vol vers Kinshasa, très intéressant pour les passagers « résidents », puisqu’ils ont droit à 60 kg de bagages, avec des tarifs inférieurs de près de 130 E à ceux d’Air France. Même compliquée, ce type d’alternative constitue une solution, entre autres pour répondre au manque d’offres en périodes de vacances.

Un manque d’autant plus sensible que certaines compagnies proposent des programmes très fluctuants, annulant régulièrement des vols. Du coup, les agences de voyages spécialisées ne veulent plus prendre de risque. Nous utilisons Air France pour 75 % de notre billetterie vers l’Afrique. Pour les autres compagnies, notamment toutes celles qui se sont créées récemment, nous préférons attendre de voir si elles sont fiables avant de les proposer à nos clients, explique Konaté Seikhna, chez KCB Voyages, à Paris XXe.

Malgré tout, cette concurrence naissante fait peur à Air France. Pour la contrer, le transporteur, qu’on a longtemps accusé de profiter de son monopole vers l’Afrique pour vendre ses billets plein pot, baisse cet été ses tarifs économiques (Tempo 5), avec des rabais allant de 12 à 39 %. Soit, par exemple, des allers-retours vers Ouagadougou et Abidjan à 552 et 532 E TTC. Nos prix vers l’Afrique ont beaucoup évolué. C’est nécessaire, avec le développement de la concurrence, particulièrement des compagnies du Maghreb, ainsi que des autres transporteurs européens. Notre part de marché ne tourne plus qu’autour de 35 à 40 % vers la seule Afrique de l’Ouest. Elle est encore plus faible vers le Sénégal, assure Jean-Claude Cros, directeur Afrique-Moyen-Orient pour Air France.

On trouve heureusement encore quelques bonnes surprises du côté des compagnies africaines. Toutes ont derrière elles des actionnaires puissants. Même si elle a connu de grosses difficultés depuis la fin de l’année 2002 à cause de la guerre civile en Côte-d’Ivoire (avec une interruption des vols au départ de Paris entre le 17 novembre et le 27 mars dernier), Air Ivoire (détenue à 51 % par la compagnie Air France) maintient ainsi son activité tant bien que mal.

Une renaissance pour Air Sénégal International

Après le naufrage d’Air Mali et les difficultés de STA Airlines (qui a suspendu tous ses vols Paris-Bamako depuis septembre 2004), l’Agha Khan est, quant à lui, venu au secours des compagnies du continent. Déjà action- naire principal d’Air Burkina depuis 2001, il est à l’origine de la création de la Compagnie aérienne du Ma-li (CAM), dotée d’un capital de 3 milliards de francs CFA (4,6 ME), réparti entre le groupe Agha Khan (51 %), l’Etat malien (20 %) et des investisseurs privés (29 %). La petite nouvelle a déjà lancé des vols intérieurs et ambitionne d’intégrer prochainement, dans sa flotte, un Airbus long-courrier. Elle devrait ainsi programmer des vols vers l’Europe dans quelques jours.

Mais l’exemple le plus frappant reste la renaissance d’Air Sénégal International, sous les auspices de Royal Air Maroc. Relancé en mars 2002, le transporteur africain est maintenant filiale à 51 % de la compagnie marocaine, et a profité de son savoir-faire (notamment pour sa commercialisation et la maintenance de sa flotte). Résultat : elle a dégagé ses premiers bénéfices dès 2003. Nous détenons désormais 50 % du marché sur les liaisons France-Sénégal, et nous réfléchissons à ouvrir Toulouse et Bordeaux en plus de nos lignes de Paris, Marseille et Lyon, se félicite Patrice Le Doaré, responsable tarification en France. Le taux de remplissage d’Air Sénégal atteint 80 % et les préventes pour juillet et août affichent une hausse de 10 % par rapport à l’année dernière. Cette coopération réussie avec Royal Air Maroc est maintenant présentée comme un modèle, qui pourrait permettre à d’autres de sortir de l’ornière. Ainsi, Cameroun Airlines et Air Gabon, plombées par des dettes respectives de 76,2 et 91,5 ME, envisageraient elles aussi un partenariat avec le transporteur marocain.

Main-d’oeuvre et avions contre droits de trafic

Ces démarches s’effectuent parallèlement à la négociation engagée depuis quelques années avec les Etats membres de la Cémac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), qui regroupe des pays comme la République centrafricaine, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad, en vue de la création d’une nouvelle compagnie régionale. En février 2005, un protocole d’accord a même été signé entre ces Etats et Royal Air Maroc, pour lancer Air Cémac d’ici la fin de l’année. Le modèle retenu prévoit que Royal Air Maroc mette des appareils à disposition du transporteur et en assure la maintenance à Casablanca, en fournissant également le personnel technique. Les pays membres devraient, en retour, céder des droits de trafic pour les vols intercontinentaux et en donner, pendant dix ans, l’exclusivité à la compagnie marocaine, qui détiendrait dans un premier temps 100 % du capital d’Air Cémac (avant une éventuelle ouverture à d’autres capitaux privés). Parallèlement, Air Cémac prendrait une participation majoritaire dans les compagnies nationales, resserrées sur le trafic local.

Regagner le terrain cédé

Reste à savoir si ce modèle, séduisant sur le papier, pourra passer au-dessus des rigidités étatiques qui, en leur temps, avaient déjà été à l’origine de la mort d’Air Afrique.Les récents exemples de compagnies contrôlées par des capitaux privés semblent toutefois plaider en faveur d’un renouveau du ciel africain. Avec la prise de conscience que seule une réelle concurrence aboutira à une offre améliorée et à des tarifs plus compétitifs. Deux conditions indispensables pour regagner une partie du terrain cédé aux compagnies européennes.

Les compagnies

africaines en bonne

santé ont derrière elles des actionnaires

puissants, comme l’Agha Khan ou Royal Air Maroc.

Stimulés par la réussite d’Air Sénégal,

les Etats membres de

la Cémac envisagent la création d’une

compagnie régionale.

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