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Les litiges, pilier de la politique qualité

Les agences font de plus en plus face à l’inflation procédurière. Et si distributeurs et fournisseurs se renvoient la balle, dans le jeu de la réparation financière à accorder au client, la profession reconnaît son intérêt à capitaliser sur ce volet…

Avec les nouvelles technologies de communication, et dans leur quête hédoniste de voyages de divertissement et de développement personnel, les clients n’hésiteront plus à se plaindre au moindre inconvénient. Dans le tourisme, les litiges vont se multiplier, prévoit le sociologue Gérard Mermet. Un avenir sombre pour les agences et les tour-opérateurs ? Pas forcément, reconnaît cet analyste des modes de vie des Français. Les clients veulent être assistés mais ils ne sont pas immatures. L’exigence croissante et le rééquilibrage des forces à leur profit ne doivent pas engendrer une réaction défensive de la part des professionnels. S’ils prennent la mesure de cette évolution, sans partir du principe que toute réclamation est une agression, ils pourront investir sur les mécontents, et les transformer en ambassadeurs.

La profession est peu normée

La lecture des statistiques du service juridique du Syndicat national des agences de voyages (Snav) ne traduit pas encore la flambée annoncée par Gérard Mermet. La tendance révèle même un léger recul depuis 2004. Nous intervenons en dernière ligne, explique Valérie Boned, directrice des affaires juridiques et de la formation du Snav. A la Direction générale de la concurrence, de la consom-mation et de la répression des fraudes (DGCCRF), au baromètre de mesure des plaintes des consommateurs, le secteur du tourisme n’arrive qu’en sixième position, loin derrière la téléphonie et l’alimentaire. Il est vrai que ces deux secteurs concernent quasiment toute la population, alors que les clients des agences de voyages sont bien moins nombreux. La profession touristique n’est pas très normée, mais l’information semble déjà circuler de manière fluide entre les agences et les tour-opérateurs, observe Valérie Boned. Absents des certifications ISO 9000, qui rendent obligatoire la prise en compte des réclamations dans les process d’amélioration continue, les industriels du tourisme misent sur le règlement à la carte de chaque litige. La méthode, a priori artisanale, se trouve surtout adaptée aux attentes qualitatives à la carte des réseaux haut de gamme. Chez Austral Lagons, les 200 cas de litiges enregistrés en 2007 se sont soldés sans l’assistance experte d’un service qualité, inexistant dans l’entreprise jusqu’à sa reprise par Jet tours. Nous nous imposons de répondre en 8 à 15 jours aux problèmes les plus simples, rapporte Olivier Larue, DG adjoint d’Austral Lagons. Dans l’aérien, où les problèmes sont récurrents pour des retards, des reports ou des annulations, nous offrons une réponse équitable à l’ensemble des passagers concernés. Ce que l’on donne à l’un, on le donne à tous. La gestion des réclamations peut commencer par le coup de fouet d’une gestion de crise. Fin 2007, à la veille de Noël, nous avions 40 clients sur le vol annulé d’Air Seychelles, raconte Olivier Larue. La compagnie a rempli ses obligations contractuelles en hébergeant ces clients. Nous avons prévenu les prestataires sur place. Les vols du lendemain et du surlendemain étaient pleins. Tous les passagers sont repartis, certains via Rome. Les nuitées manquées ont été remboursées. Sur place, les problèmes de qualité donnent lieu à une enquête. Si la faute est confirmée, en fonction de sa nature nous demandons un geste commercial au prestataire. Dans ces conditions, il ne sera jamais possible de promettre une grille préétablie d’indemnisation, comme par exemple 5 % de réduction si la nourriture n’était pas bonne, 10 % si les voisins étaient bruyants, reconnaît Olivier Larue. La seule règle, chez Austral Lagons, est liée au mode de remboursement : du cash pour le client, plutôt qu’un bon d’achat, pour ne pas le contraindre à repartir sur un catalogue de destinations trop réduit. En intégrant Jet tours, nous passerons à l’étape supérieure, avec un référent attitré pour les litiges sur nos produits. La réponse individualisée au client devra rester la règle, annonce Olivier Larue.

Dans la distribution, la gestion des litiges est facilitée par la mise en place systématique de fiches juridiques, consultables en ligne. Selectour permet aux agents de dégrossir les réclamations en se référant aux informations sur son intranet. Un juriste, en interne, prend le relais en cas d’hésitation. Le réseau volontaire, en cours de certification Qualicert (105 agences certifiées sur 541), a mis en place une procédure de gestion des litiges, dans laquelle la première étape consiste, pour l’agent de voyages, à contacter directement le tour-opérateur. Jean-Marc Guneau, responsable du développement de Selectour, se dit inquiet de la montée en puissance des réclamations sur l’aérien. Il y a de plus en plus de retards, et aussi des politiques tarifaires susceptibles de générer du litige. On est confronté à la loi du marché, et les clients rencontrent tous les tarifs. En période de hausse sur les carburants, il faut travailler en préventif, et rappeler au client que l’annulation du voyage est rendue possible par la loi.

Jouer la carte de la prévention

Pas d’envolée, toutefois, sur le nombre de dossiers de réclamations : sur 160 000 dossiers (400 000 clients) l’année dernière, le réseau a enregistré environ 200 litiges. Les chiffres sont stables, et seulement deux à trois dossiers finissent chaque année en procès, indique Jean-Marc Guneau. D’autres mettent en garde contre le risque de double débit dans l’hôtellerie, une cause en croissance de réclamations au retour de voyages aux Etats-Unis. Le personnel sur place est très procédurier, et nous les avertissons sur le ton de l’humour qu’il faudra peut-être insister pour ne pas avoir à payer une seconde fois les nuitées. La prévention doit aussi tenir compte de ce genre d’évolution, estime Richard Soubielle, DG de Directours.On parle davantage de service qualité que de service litiges, observe Emmanuel Toromanof, secrétaire général de l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (APS). Le service après-vente (SAV) fait partie intégrante du métier, dans tous les réseaux. Cela vaut aussi pour la vente en ligne, qui oriente désormais sa communication sur des garanties exclusives, ou sur la gestion personnalisée des dossiers. Les agences ont intérêt à mettre en avant leur service après-vente. C’est également ce qui justifie les frais de dossier.

L’extension des réclamations

L’observatoire des litiges commun à l’APS et au Snav, prévoit une hausse des réclamations liées à l’aérien, et attend l’émergence d’une nouvelle catégorie de réclamations plus subjectives liées au développement durable et aux qualités environnemen-tales d’une prestation touristique. Attention au gâchis d’eau dans les hôtels, prévient Emmanuel Toromanof.

La DGCCRF place la publicité mensongère au premier rang des griefs des consommateurs : elle représente un quart des plaintes. Au Snav, elle représente moins de 5 % des cas soumis au service juridique, mais les griefs relatifs aux descriptions non conformes se retrouvent dans la catégorie des prestations non respectées. D’où la prudence, recommandée par Valérie Boned, aux rédacteurs des sites Internet et des brochures. Les tour-opérateurs s’emploient à donner de plus en plus de détails, pour répondre à l’attente des clients. C’est un risque. Il faut trouver un équilibre entre la description factuelle et ce qui relève du commentaire ; ne jamais aller trop loin vers l’inutile, conseille-t-elle.

Pour faire valoir ses droits, le client n’hésite plus à ouvrir rapidement des dossiers de réclamations. Certains envoient un premier courrier alors qu’ils se trouvent encore sur place. Les relances, par tous les canaux de saisine (écrits, téléphoniques ou électroniques) sont de plus en plus étayées juridiquement. Là aussi, les tour-opérateurs se défendent. Starter, le TO régional alsacien, mise sur ses équipes permanentes à l’Euroairport de Bâle-Mulhouse pour dédramatiser les retards d’avions au départ, et promet une solution sous 30 jours aux voyageurs lésés par un séjour incomplet.

Les associations de consommateurs proposent des lettres types à envoyer à l’agence de voyages. La menace des clients procéduriers n’a pas encore mis la pression sur la direction commerciale, en charge de la gestion des litiges. Une réclamation ne signifie pas toujours que l’on va devoir payer. Au contraire, les clients sont plus matures qu’il y a dix ans, et ils nous envoient des remarques pour aider à améliorer les prestations, remarque Sylvie Streicher, responsable du service clientèle chez Starter. L’UFC-Que Choisir a mis en ligne une centaine de lettres types de réclamation, dont une inévitable sélection liée aux voyages et à l’hôtellerie. L’article L 121-1 et suivants du Code de la consommation définit, sans doute permis, les circonstances d’une pratique commerciale trompeuse : confusion avec un autre bien ou service, induction en erreur sur la disponibilité ou la nature du bien ou du service, mode de calcul du prix…

Pas encore de class actions

Malgré l’incitation procédurière, la France reste loin des class actions nord-américaines ou scandinaves. Ce type de procédure permet à un avocat de s’emparer d’une cause, de faire de la publicité autour d’un procès pour rassembler le plus grand nombre de victimes d’un même cas et demander ensuite des réparations à grande échelle.

En France, le législateur se détourne pour l’instant de cette perspective. La loi de modernisation de l’économie, votée fin mai, a une nouvelle fois écarté les actions de groupe à la française réclamées par la fédération des associations Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) et UFC-Que Choisir. L’évolution consumériste leur sera-t-elle finalement favorable ? Le livre vert communautaire de la protection des consommateurs, en cours de rédaction sous la responsabilité de la commissaire bulgare Meglena Kuneva, ira dans le sens des clients procéduriers. Les entreprises de biens et de services doivent s’y préparer, estime aussi Valérie Boned, au Snav.

Toutefois, les professions du tourisme ne seraient pas les plus impactées par ce nouveau type de relations avec la clientèle : 200 passagers victimes d’un retard d’avion ne pèseront jamais autant que 400 000 victimes d’un fournisseur d’accès à Internet ou d’un prestataire de téléphonie incapable d’honorer ses promesses.

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