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Les nouveaux enjeux

Bousculés par la conjoncture, une concurrence toujours plus forte et la double révolution du web et des low cost, les géants du tourisme européens sont entrés l’an dernier dans une phase de concentration accélérée qui devrait toucher tous les marchés.

À ma gauche TUI Travel, 15,2 mil-liards d’euros de chiffre d’affaires et 23,9 millions de clients. A ma droite, Thomas Cook PLC, son challenger, 11,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 19 millions de clients. Les premiers chiffres consolidés, publiés pour l’exercice 2007, par les deux nouveaux géants du tourisme européen constitués l’année dernière à la faveur des rapprochements entre les nos 1 et 5 (TUI AG et First Choice) d’un côté, et les nos 2 et 3 (Thomas Cook et My Travel) de l’autre, ont de quoi donner le vertige. Indiscutablement, la course au gigantisme dans le tour-operating est repartie de plus belle. Un ralentissement généralisé de la croissance dans le secteur a présidé à ces opérations. Mais la valse des fusions-acquisitions ne fait sans doute que commencer, conjoncture et évolutions structurelles obligent. Elle n’a toutefois plus rien à voir avec le mouvement amorcé au début des années 2000. Le contexte a beaucoup changé en 8 ans et la pre- mière phase de consolidation quand TUI, qui s’appelait encore Preussag, avait donné le coup d’envoi des grandes manoeuvres.

Cette année-là, le groupe allemand s’offrait Thomson Travel juste avant que C&N (alliance de Condor et Neckermann), son rival de toujours outre-Rhin, ne rachète également en Grande-Bretagne, Thomas Cook, puis le pôle tourisme d’Havas Voyages en France. Dans l’Hexagone, c’est ensuite Nouvelles Frontières qui tombait dans l’escarcelle du futur World of TUI quand plus modestement, mais sans doute plus avisé, First Choice rachetait successivement Marmara et Tourinter. A l’époque, concentration et intégration étaient les leviers évidents du succès, garanties de volume, de contrôle des coûts et de maîtrise des stocks.

Le pilotage est plus subtil

Le 11 septembre est passé par là révélant les failles du modèle. Il a, par ailleurs, été mis à mal par les bouleversements structurels des modes de consommation, influencé par le développement d’Internet et l’arrivée des low cost. Après quelques années d’austérité et d’adaptation, les grands groupes européens enclenchent donc, depuis l’année dernière, la deuxième phase de consolidation. Une concentration plus rationnelle, moins conquérante qu’il y a 8 ans mais pas moins nécessaire au regard des enjeux, notamment sur les marchés allemands et britanniques. Jusqu’en 2001, le succès des grands voyagistes européens reposait sur une formule magique, qui combinait concentration et intégration. Elle répondait aux besoins d’un marché en pleine croissance. Le 11 septembre et les bouleversements structurels du secteur ont changé la donne en modifiant le comportement des clients, analysait en 2007, au lendemain du mariage de TUI et First Choice, Georges Vialle, associated partner chez Olivier Wyman. La concentration est toujours de mise, impérative pour contrôler les achats et les coûts, mais les ingrédients du succès ont changé. Il faut plus de flexibilité pour satisfaire des besoins de plus en plus divers. Cela passe par des marques fortes mais aussi des produits et des canaux de distribution différenciés. Le pilotage est donc plus fin et plus subtil. C’est le paradoxe que doivent gérer ces nouveaux grands groupes.

Au vu des dernières déclarations, leur stratégie semble porter ses fruits. Les premiers résultats consolidés publiés et, surtout, la tendance sur les premiers mois de 2008 sont encourageants. Selon Peter Long, DG de TUI Travel, la fusion devrait dégager au moins 190 millions d’euros de synergies, soit plus que budgété. Par ailleurs, le no1 européen table sur un chiffre d’affaires de plus de 18 milliards d’euros en 2008 contre 15,2 mil-liards en 2007. Le début d’année est présenté comme satisfaisant, car le chiffre d’affaires pour le premier semestre de l’exercice s’affiche en hausse de 9,1 % et la perte est réduite de 14 %, à 380 millions d’euros. Pour l’été 2008, les ventes du mainstream qui comprend l’activité des grands tour-opérateurs du groupe (dont Nouvelles Frontières) sont en hausse de 8 %. Il reste 21 % de produits à écouler en moins qu’en 2007 et les prix de ventes sont restés élevés sur les six dernières semaines, indiquait un communiqué du 13 mai dernier, ajoutant que les vacances d’hiver 2008/09, en vente précoce en Europe du Nord, ont déjà engendré 15 % de ventes en plus par rapport à l’an dernier. Bref, tous les indicateurs sont au vert d’autant que TUI Travel s’estime bien couvert pour les variations du prix du carburant et de change. Même optimisme chez Thomas Cook PLC qui a engrangé des résultats supérieurs aux attentes du marché pour son premier exercice avec un chiffre d’affaires de 11,7 milliards d’euros, en léger repli de 1,3 %, mais a surtout dégagé un bénéfice opération-nel de 375,3 millions d’euros au 31 octobre, en hausse de 26 % par rapport à l’année précédente.

Deux prédateurs à l’affût

Sur le papier, les regroupements de TUI-First Choice et de Thomas Cook-MyTravel confèrent dorénavant des parts de marché respectives aux deux groupes de 34 % et de 23 % en Europe. Et, évidemment, de nouvelles marges de manoeuvre. Mais les marchés européens ne sont pas tous au même stade de développement. D’autant que le changement de comportement des consommateurs se poursuit et n’a pas fini d’imposer des évolutions et adaptations. Le recul sur une année est insuffisant pour faire un bilan de ces fusions. Sachant que la taille n’est pas toujours la recette miracle surtout si elle engendre moins de flexibilité, moins de réactivité, considère Bruno Despujol, associated partner chez Olivier Wyman. Pour lui, l’avenir est lié à la prise en compte de quatre tendances fortes : On constate une désintermédiation continue du secteur avec une forte croissance des ventes directes, principalement en ligne, poussées par les transporteurs et les hôtels, et facilitées par les comparateurs qui donnent un accès direct aux transporteurs. L’auto-packaging est le produit qui progresse le plus vite, montrant la maturité croissante des internautes. Face à la baisse structurelle des offres packagées cannibalisées par les low cost ou Internet, les TO vont devoir se repositionner vers des produits avec plus de barrières à l’entrée comme les clubs ou les circuits. Quant à Internet, il va sans doute devenir le canal prin- cipal de vente dans les 5 ans, au détriment des réseaux de distributions classiques. Dans le mix de distribution des voyages, la part d’Internet va donc encore grimper. Cela avoisine 20 % en France, mais déjà 45 % aux Etats-Unis, où près d’un voyage sur deux se fait via Internet. Nous n’en sommes qu’à la moitié ! De quoi influer donc encore largement sur les stratégies des mastodontes.

Une chose est sûre, les rôles sont désormais bien définis. Avec d’un côté des prédateurs, comme les nomme René-Marc Chikli, président de l’Association de tour-opérateurs (Ceto), et de l’autre les cibles potentielles. Ainsi le groupe suisse Kuoni, le plus grand des petits ou le plus petit des grands, no 4 européen avec ses presque 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, offrirait une complémentarité parfaite à l’un des deux grands avec son portefeuille de destinations long-courrier, son position-nement haut de gamme, ses produits de niche et son peu d’intégration verticale. Aucun rapprochement n’est à l’ordre du jour, indique Emmanuel Foiry, PDG de Kuoni France, même si des rumeurs de discussions avec Thomas Cook ont circulé il y a quelques mois. Il est évident que le groupe Kuoni suscite des convoitises, mais notre capital est bien verrouillé et aucune opération inamicale non souhaitée ne peut aboutir. Signe des temps et d’une plus grande ouverture internatio-nale, le groupe suisse vient toute- fois de se doter, en avril, et pour la première fois de son histoire d’un Chief Executive Officer britannique et non plus suisse, qui n’est autre que Peter Rothwell, ancien cadre supérieur de… TUI Travel. Longtemps membre du conseil d’administration de TUI AG et rompu aux arcanes du tour-operating européen, il a suivi de près la fusion avec First Choice en 2007. Il souhaite continuer à amener Kuoni au sommet. En 2008, le groupe poursuit donc sereinement sa stratégie de rachats pointus qui lui va bien : un spécialiste du golf en Suède, un voyagiste suisse positionné sur les Balkans en début d’année puis, il y a quel-ques jours, un autre TO helvétique destiné à la clientèle gay, après quatre acquisitions en 2007 (au Royaume-Uni, en Russie, au Danemark et en France avec les Ateliers du Voyage) et six en 2006. Il aurait même étudié, à l’instar de Thomas Cook, le dossier de Jet tours en début d’année. Nous avons publié pour 2007 des résultats records, la preuve qu’il n’y a pas lieu de changer de politique. D’ailleurs, le cours de bourse de notre action s’affiche en hausse de 5 % depuis le 1er janvier quand celle du Club Méditerranée a chuté de 21 % ou celle de TUI de 18 %, constate Emmanuel Foiry.

L’impact du coût du carburant

La politique d’acquisitions d’opérateurs de niche, chère à Kuoni mais aussi à First Choice, devrait se poursuivre également au sein de TUI Travel, la valeur ajoutée des TO pour l’avenir se situant incontestablement sur ce créneau d’une offre différenciée. Le groupe réunifié souhaite s’étendre en Asie-Pacifique ainsi qu’en Amérique latine et consolider sa position sur le marché des voyages étudiants aux Etats-Unis, indiquait le no1 européen au lendemain de sa constitution. Il devrait aussi prochainement s’intéresser à la Russie, un marché encore en devenir, selon le souhait du nouvel actionnaire de référence de TUI AG, le milliardaire russe Alexeï Mordachov. Sous son influence, le groupe allemand s’apprête d’ail-leurs à se séparer de sa filiale de transport maritime Hapag Lloyd pour se renforcer dans le tourisme. La vente des activités de containers devrait faire tomber dans les caisses du groupe touristique près de 5 milliards d’euros d’argent frais. De quoi trouver de nouvelles marges de manoeuvres quand la conjoncture promet d’être plus difficile. Le vrai grand souci du moment est le renchérissement du coût du carburant avec un baril de pétrole qui pourrait atteindre 200 dollars, remarque René-Marc Chikli. Les places d’avion vont devenir de plus en plus rares et de plus en plus chères. Face à cette équation, seuls les grands groupes pourront s’en sortir et acheter cash longtemps à l’avance. Cette logique va accélérer le processus de concentration qui aura des conséquences inévitables sur tous les marchés, y compris français.

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