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Les chaînes étrangères font le siège de Paris

Les grandes chaînes internationales, en particulier américaines, multiplient les projets pour prendre pied au coeur de la Ville lumière. Avec, en ligne de mire, la mise sur le marché des six établissements de luxe de Louvre Hôtels, qui devrait intervenir en 2006.

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans le Landernau de l’hôtellerie parisienne. Trois mois après avoir acquis, en partenariat avec la banque Lehman Brothers, les 36 établissements détenus en propre par le groupe britannique Le Méridien, le fonds d’investissement américain Starwood Capital Group rachetait le 21 juillet dernier le groupe Taittinger, pour 2,8 milliards d’euros (dettes comprises). Dans l’escarcelle de cet empire du bon goût à la française figurait, outre les champagnes Taittinger, la cristallerie Baccarat et les parfums Annick Goutal, la division Louvre Hôtels. Elle est composée d’une branche économique (enseignes Campanile, Première Classe et Kyriad) plutôt implantée en périphérie de Paris, et d’une branche luxe avec le Crillon, le Lutétia, les Concorde Lafayette et Saint-Lazare (à Paris), l’Ambassador et l’hôtel du Louvre.

Ce rachat a créé un véritable appel d’air dans la capitale sur un marché fermé depuis plusieurs années, explique un professionnel du secteur. Et de fait, coïncidence ou pas, on observe depuis cet été un intérêt croissant des chaînes hôtelières américaines pour la Ville Lumière, y compris de celles disposant déjà d’un ou plusieurs établissements dans la place. Le phénomène n’est pas nouveau mais il s’accélère, confirme Marc Watkins, directeur de Coach Omnium, qui s’étonne que les groupes étrangers n’aient pas jeté leur dévolu plus tôt sur la première ville touristique au monde. Le poids du groupe Accor n’y est peut être pas étranger…

Starwood finalise le rachat de Méridien

Ce retard est en passe d’être rattrapé. Après Hilton International qui a inauguré l’an dernier un deuxième établissement parisien de 550 chambres, portant ainsi à cinq le nombre de ses unités en Ile-de-France (avec celles ouvertes à La Défense et sur les aéroports de Roissy et Orly), c’est au tour du groupe hôtelier Starwood Hotels & Resorts de renforcer sa présence dans la capitale. Le 24 novembre, ce dernier a finalisé le rachat de la marque Le Méridien, assorti de la reprise des contrats de gestion et de franchise, ajoutant ainsi à son inventaire près de 130 hôtels et complexes de loisirs dans une trentaine de pays, dont deux à Paris (Etoile et Montparnasse). Ces deux établissements garderont l’enseigne Le Méridien, précise Vanina Sommer, en charge de la communication pour Starwood Hotels & Resorts en France. 15 jours auparavant, le même groupe reprenait la gestion de l’Intercontinental Paris (rue de Castiglione), inaugurant ainsi son premier hôtel à l’enseigne Westin dans le centre de la capitale. Avec le Prince de Galles situé avenue George-V, le Trianon Palace & Spa (Westin) à Versailles, et le Sheraton implanté au coeur du terminal 2 de Roissy, la chaîne américaine dispose aujourd’hui de six établissements à Paris et sa proche banlieue.

Même chose du côté du groupe Marriott, qui a décidé de passer à la vitesse supérieure. Présent sur les Champs-Elysées depuis 1997, le deuxième groupe hôtelier mondial a racheté au printemps 2005 l’hôtel Plaza Paris- Vendôme, désormais exploité sous l’enseigne Renaissance. Il devrait encore renforcer sa présence dans la capitale en 2006, en reprenant cette fois le Sofitel Forum Rive Gauche. Confirmée par les deux parties, cette cession devrait être effective au premier semestre 2006. L’américain est par ailleurs présent à Neuilly (Courtyard), à La Défense (Renaissance), à Roissy (Courtyard) et à côté de Disneyland Paris (Marriott’s Village).

Paris, sinon rien

Cette stratégie d’encerclement souligne combien il est difficile pour les groupes hôteliers de s’implanter dans Paris. A l’image d’Hyatt qui, pour mener à bien son projet de Park Hyatt Vendôme (178 chambres) inauguré en août 2003 rue de la Paix (le groupe possède également deux hôtels Hyatt Regency boulevard Malesherbes et à Roissy), a dû réunir pas moins de cinq immeubles haussmanniens et faire procéder à la surélévation de plus d’un mètre de l’une des façades classées…

Créé il y a 11 ans, le scandinave Rezidor SAS (Radisson, Park Inn, Regent), après avoir ouvert un boutique hôtel de 46 chambres sous sa marque Radisson à deux pas de l’Etoile, peine ainsi à dénicher un nouvel emplacement. Il y a très peu ou pas de projets de construction à Paris, regrette Olivier Jacquin, vice-président du groupe Rezidor dans le monde. Pourtant, notre objectif est clairement d’avoir le plus de chambres possibles à Paris. Notre priorité est d’ouvrir un établissement de 250 chambres dans le quartier de l’Opéra. Un développement qui passera donc nécessairement par l’acquisition d’un hôtel existant. Le groupe devrait annoncer de nouveaux développements courant 2006. En attendant, Radisson a ouvert un hôtel de 70 chambres en juillet dernier, porte de Saint-Cloud (côté Boulogne) et vient d’inaugurer (le 5 décembre) un établissement 4b de 250 chambres (dont 139 de trois ou quatre personnes pour les familles) sur le site de Disneyland Paris.

Trouver l’oiseau rare

C’est également à Marne-la-Vallée que Mövenpick a élu domicile en juillet 2004 pour son premier établissement dans l’Hexagone. Même si notre objectif n° 1 reste Paris, explique Francis Bertrand, directeur commercial Europe. Sans oublier le groupe Fairmont qui, après avoir inauguré en septembre son premier hôtel vitrine européen à Monaco, souhaite acquérir un hôtel à Paris. Il faudra que le site soit conforme à notre image haut de gamme, précise Chris Cahill, président et chef des opérations de la chaîne hôtelière de prestige implantée en Amérique du Nord. Nul doute qu’il regardera de près le dossier du Crillon dans les semaines à venir.

Car dans ce contexte de grande concurrence, pour mettre la main sur le site tant recherché, tous les regards sont tournés vers Starwood Capital. Six mois après avoir acquis le parc hôtelier du groupe Taittinger, le fonds d’investissement américain n’a pas encore statué sur l’avenir de la branche luxe qui pourrait être cédée. Aujourd’hui, les paris restent ouverts. Donné favori par certains, le groupe Starwood Hotels & Resorts (créé par Starwood Capital) est aujourd’hui complètement indépendant, mais les relations entre les deux entités ne seraient pas au beau fixe. Jean-Marc Gros Fort, vice-président du développement pour Marriott International, reconnaît avoir été approché sur ce dossier, pas par Starwood Capital, mais par des investisseurs travaillant pour des fonds européens. L’autre question qui se pose est de savoir si Starwood Capital cédera la gestion de ces six hôtels en bloc ou par appartements. Pour Marc Watkins, de Coach Omnium, ces hôtels sont tellement différents en termes de prestige, de positionnement et d’emplacement qu’il y a fort à parier qu’ils soient cédés un à un.

Accor étrangement silencieux

Interrogé sur les conséquences que pourrait avoir cette redistribution des cartes en faveur de chaînes internationales absentes ou sous-représentées sur le marché parisien, le groupe Accor reste étrangement silencieux. Si le leadership du français, avec 16 000 chambres dans Paris intra-muros, n’est pas menacé sur le créneau de l’hôtellerie économique et moyen de gamme, il en va autrement pour l’enseigne Sofitel, qui ne bénéficie pas de la même image de marque sur le haut de gamme que les chaînes américaines, note encore Marc Watkins. C’est un vrai défi à relever pour Accor, qui va devoir remettre en question son modèle économique, insiste pour sa part un professionnel du secteur.

Car outre le fait que l’arrivée de nouvelles chaînes générera sûrement une hausse des prix dans les mois à venir, il n’y aura plus de place pour les hôtels 4b et 4b supérieur proposant des prestations inférieures au niveau des standards des chaînes concurrentes. Au-delà, on peut s’interroger sur la pertinence pour Accor de disposer de dix Sofitel dans Paris.

Davantage d’avantages…

Une chose est sûre, la constitution de tandems investisseurs-opérateurs, conjuguée à l’arrivée de nouvelles chaînes internationales, est jugée très positive par l’ensemble de la profession. Ces enseignes vont contribuer à renforcer l’attractivité de Paris en drainant des populations étrangères plus larges, insiste Gabriel Madar, directeur tourisme chez le consultant KPMG. A commencer par les touristes nord-américains, qui aiment retrouver les mêmes chaînes que chez eux lorsqu’ils voyagent à l’étranger. Directeur du groupe Hilton en France, Jean Faivre y voit également un autre avantage. Si des groupes américains ont des intérêts financiers en France, cela peut atténuer les retombées liées à des tensions politiques, comme celles qui ont durement pénalisé les hôteliers parisiens au moment de la guerre en Irak. Ainsi, fin 2003, le taux d’occupation avait chuté à 59,4 % dans les hôtels 4b sup., et à 63,9 % dans les 4b, contre un taux de 77,4 % enregistré dans les deux catégories trois ans auparavant. Depuis, la profession peine à refaire son retard.

Enfin, outre de permettre à Paris de refaire son retard sur des capitales comme Londres ou Berlin, cette internationalisation du parc parisien pourrait également avoir des retombées positives sur le tourisme d’affaires, à un moment où Paris doit faire face à une concurrence de plus en plus vive de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume-Uni sur le marché des congrès.

C’est un vrai défi pour Accor qui va devoir remettre en question son modèle économique.

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