Les agences dans le sillage deFram

Difficile d’échapper à l’énorme enseigne de la rue Lapeyrouse. C’est ici, dans l’une des artères les plus commerçantes de Toulouse, que Fram a hissé pavillon. L’aventure a débuté en 1949, lorsque le TO s’appelait Fer-Route-Air-Mer. L’entreprise était spécialisée dans les voyages collectifs économiques et employait quatre salariés. Cinquante-quatre ans plus tard, elle fait voyager 600 000 clients par an, emploie 3 500 personnes, pour un chiffre d’affaires de plus de 400 M E, et rayonne sur toute la France. Elle demeure néanmoins omniprésente dans le Sud-Ouest et son succès a entraîné dans son sillage bien d’autres entreprises de tourisme de Midi-Pyrénées. Une performance au vu des caractéristiques de la région. Aussi grande que la Belgique mais avec le quart de ses habitants (2,552 millions), Midi-Pyrénées voit l’essentiel de son activité économique cannibalisé par Toulouse, sa capitale.

Malgré une attractivité forte liée à ses industries de pointe, comme l’aéronautique et le spatial, la Ville rose conserve une taille modeste comparée aux métropoles régionales que sont Lyon, Marseille ou Lille : 400 000 habitants intra-muros, 750 000 avec l’agglomération. C’est sans doute ce qui explique cette douceur de vivre si particulière à la ville, qui a aussi appris à composer avec huit départements très ruraux (Aveyron, Ariège, Gers, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne).

Entre ville et campagne, deux types de clientèle

Entre ville et campagne, les agences et leurs fournisseurs se sont donc adaptés à deux types de clientèle. Il y a une clientèle rurale très demandeuse de Fram. Et puis il y a les nouveaux arrivants qui n’ont pas toujours le réflexe d’acheter le tour-opérateur toulousain, confie Isabelle Vernette, de MOP Voyages (Afat Voyages) à Muret. Le voyagiste reste tout de même son premier fournisseur, comme pour nombre d’agences de la région, et demeure très souvent incontournable, grâce en particulier à ses vols au départ de l’aéroport de Blagnac. Même l’ouverture d’une Ambassade Fram à moins d’un kilomètre de chez elle ne lui a pas fait perdre un seul client. Chercher à ne pas vendre Fram ici, c’est perdre son temps, ajoute Guy Teyssier, directeur de Touromed (Selectour) à Rodez. Toulouse a été notre point de départ et reste notre force. C’est dans la ville que notre taux de fidélisation est le plus important, souligne Marie-Christine Chaubet, directrice générale. Et Jean-Hervé Christol, directeur des ventes Sud du tour-opérateur, de confirmer que Midi-Pyrénées représente à elle seule 12 % des ventes de Fram. Une présence qui explique que le nombre d’agences que possède Fram en propre dans la région soit finalement assez faible, avec onze points de vente. Pourquoi déranger un marché qui nous fait confiance, interroge Marie-Christine Chaubet.

Pour Raoul Nabet, président de Manor Distribution et propriétaire de Voyages 31, il est clair que Fram a été précurseur. Le TO a créé le besoin de voyager et a développé le tourisme individuel à Toulouse. Ensuite, libre à chaque agence de cultiver son jardin. Un jardin qui a bien poussé. Autour du leader, le marché n’a pas cédé à la sclérose et montre plutôt un bon dynamisme.

Une saine émulation qui dynamise le marché

Fram a été plus agressif ici sur la revente de produits tourisme, ce qui a obligé ses concurrents à être plus inventifs, dans leur production comme dans leurs démarches commerciales, analyse Jean-Pierre Mas, patron de Voyages d’Oc et président du réseau Afat Voyages, l’autre grande entreprise du tourisme de Toulouse. Cette émulation a servi les agences, qui ont pu bénéficier d’une offre plus abondante qu’ailleurs.

Pourtant, les tour-opérateurs généralistes ne se sont pas contentés de revendre leurs produits aux agences. A Toulouse, chacun dispose aujourd’hui d’un point de vente à son enseigne, en propre ou franchisé, comme Voyageurs du Monde, Jet tours, Look Voyages ou le Club Méditerranée. Ils se partagent le centre, jouant parfois des coudes, comme c’est le cas rue Alsace-Lorraine, où l’on trouve à quelques mètres Kuoni, Thomas Cook (ex-Havas Voyages) ou Nouvelles Frontières. Une abondance qui a modifié le comportement des clients. Autrefois ils venaient à nous, maintenant il faut aller les chercher. Ils sortent de chez Kuoni, traversent la rue pour aller chez Nouvelles Frontières, puis repartent dans une troisième agence pour comparer les prix. Mais cette concurrence rend aussi le marché plus dynamique, explique Caroline Toustou, assistante déléguée à la direction régionale de NF.

Présent depuis 25 ans à Toulouse, le groupe dispose désormais de six points de vente dans l’agglomération. Le plus récent a ouvert en octobre 2002, rue Alsace-Lorraine justement, pour profiter de la meilleure zone de chalandise de la ville. Satisfait, Nouvelles Frontières n’envisage plus de nouvelles ouvertures mais réfléchit plutôt au déménagement de l’agence du quartier Jolimont, trop excentré, vers un centre commercial de la périphérie, plus prometteur.

L’autre géant allemand a aussi des ambitions dans la région. Le développement de Thomas Cook ( ex-Havas Voyages) préfigure des ouvertures en propre ou en franchise, selon Francis Marianne délégué général du réseau pour le Sud-Ouest. De quoi inciter Fram à renforcer ses équipes commerciales pour protéger ses terres.

Autre caractéristique du marché toulousain : la présence de plusieurs réseaux de taille moyenne, qui ont ouvert des points de vente pour gagner en proximité. Parmi les plus dynamiques, Verdié Voyages et ses dix agences en Midi-Pyrénées ou Voyages 31 (neuf points de vente à Toulouse et dans le Gers). Sans oublier La Dépêche Voyages/Carlson Wagonlit Travel, le concurrent historique de Fram à Toulouse.

Malgré la forte concurrence, le nombre d’agences croît

Cette collaboration du groupe Accor, à travers sa filiale Accor Travel, avec le quotidien régional la Dépêche du Midi se traduit aujourd’hui par une belle couverture de la région : 23 agences sous enseigne La Dépêche Voyages/Carlson Wagonlit Travel, deux agences Frantour et deux plateaux d’affaires pour un volume d’affaires de 110 ME. Ce partenariat a été créé dans une logique de proximité, commente Michel Dinh, DG adjoint d’Accor Travel. Malgré la forte présence de son réseau, il redoute tous les concurrents, y compris les réseaux régionaux comme Verdié, qu’il faut prendre très au sérieux. Réponse d’Yves Verdié : Notre entreprise s’est imposée en revendant ses produits en direct à travers son réseau. De ce fait, le client achète en confiance et paie un prix juste qui n’a pas été perturbé par des promotions ou des ventes de dernière minute.

D’autres enfin ont réveillé leur esprit mousquetaire, tels Jacques Chauchard, Jean-Michel Delbos et Claude Landès, trois autocaristes du Lot et de l’Aveyron. Ils sont les créateurs de la marque Triangle Club Voyages, revendue par un réseau de 32 agences partenaires dans le grand Sud-Ouest.

Dans ce marché fortement concurrentiel, l’activité des agences locales suit la tendance nationale. Il est très difficile d’avoir une visibilité, remarque Isabelle Vernette. Néanmoins, le nombre de points de vente continue d’augmenter. Depuis le début de l’année, la préfecture de la Haute-Garonne a enregistré deux fermetures pour six ouvertures, soit un total de 62 agences ayant leur siège dans le département.

Les agences toulousaines ont une durée de vie plus longue. Ce n’est pas par hasard qu’il y a à Toulouse un tour-opérateur national comme Fram et Afat Voyages, commente Marie-Christine Chaubet. Afat Voyages occupe le terrain avec des services de proximité. Les autres réseaux volontaires perdent des points de vente, ajoute Jean-Pierre Mas. C’est le cas de Selectour qui, avant l’été, a vu les cinq agences Belmon Voyages, dans le Lot, rejoindre Afat Voyages. Peut-être que notre réseau n’a pas été assez dynamique à un moment, suppose Robert Cain, délégué régional de Selectour.

Mano Giardini, directeur du réseau de proximité de Protravel dans le Sud, estime lui aussi que Midi-Pyrénées est une région d’avenir. Fort de quatre agences dans la région (deux enseignes Jet tours, un point de vente Forum Voyages, un Rendez-Vous à Toulouse) et deux plateaux d’affaires, le réseau a renforcé sa présence à Toulouse en juin 2001 lors du rachat de l’agence Capitole Tourisme Affaires.

Quelques marchés de niche réussis

Enfin, quelques rares indépendants ont compris que pour transformer l’essai, il fallait exploiter un marché de niche. C’est le cas de Fun & Fly et de ses voyages sportifs, Univers d’Afrique et de ses séjours chasse et pêche, d’Amplitudes (Afat Voyages), concurrent direct de Voyageurs du Monde, ou La Route des Voyages pour des produits d’un autre genre en Amérique, Asie, Australie et Afrique du Sud. A Rodez, dans l’Aveyron, Transespaces s’est fait le spécialiste des voyages culturels et Club Langues et Civilisation est devenu le n°1 français du voyage scolaire. Des spécialisations risquées mais réussies. Il y a aussi La Balaguère à Arrens-Marsous dans les Hautes-Pyrénées, spécialiste de la randonnée.

La clientèle bourgeoise fait défaut

Dans une agglomération de plus de 700 000 habitants, cette politique n’est pourtant pas sans danger. Le marché local n’est pas toujours assez large et il manque une clientèle bourgeoise pour faire une vraie production à forte valeur ajoutée, estime Jean-Pierre Mas. Ainsi, pour certains, l’aventure a mal tourné. En 1997, Saalt Voyages (quatre points de vente) a créé dans son agence de la rue Gabriel-Péri un espace Amériques. Depuis le 11 Septembre, ses ventes sur la destination stagnent. On se souvient aussi de Transocéane, spécialiste de la croisière, aujourd’hui disparu. De quoi faire réfléchir les futurs créateurs et les inciter à réaliser une véritable étude de marché avant de prendre le risque de se lancer dans cette aventure.