Guillaume Linton (Asia) : « Notre plus gros défi, c’est de sécuriser nos stocks en Asie »
Les voyages vers l’Asie ont repris, mais demeurent en retrait par rapport à 2019. Ce qui n’empêche pas Asia d’entrevoir une année record.
L’Echo touristique : Les flux touristiques vers l’Asie semblent de plus en plus réguliers. L’activité repart sur le continent ?
Guillaume Linton : Je confirme que l’Asie a relancé son activité touristique. Toutefois, c’est la zone qui a été la plus lente à reprendre. Selon les derniers chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), l’Asie a récupéré, en 2023, 65% des flux touristiques de l’année 2019. Contre 88%, en moyenne, pour le reste du monde. Cela prouve donc que l’Asie a encore du retard à rattraper. Mais 2024 devrait être l’année, en matière de tourisme international, de reconstitution des flux internationaux de l’année 2019.
Le marché chinois est toujours le grand absent de l’équation ?
Guillaume Linton : C’est une donnée majeure pour la structuration touristique du continent, et encore plus en Asie du Sud-Est. Le marché chinois reprend très progressivement, mais il est encore très loin des niveaux prépandémiques. C’est à double tranchant, car il faut vraiment avoir à l’esprit que la reprise très lente de l’activité en Asie/Pacifique est liée directement à l’absence des touristes chinois dans les destinations. Absence que d’autres marchés émetteurs, comme le nôtre, ne suffisent pas à compenser. Par contre, pour les autres marchés, justement, c’est une chance de pouvoir profiter des destinations sans la présence imposante d’autres touristes.
Asia arrive à profiter de ce contexte particulier ?
Guillaume Linton : Le paysage touristique a changé en Asie, et c’est à nous de savoir être assez offensifs pour en profiter. Surtout, nous le devons à nos partenaires sur place. Relancer l’activité touristique de nos équipes locales et de nos partenaires était l’une de nos priorités pour 2023. D’autant plus en Asie du sud-est, où la baisse de l’activité touristique se fait le plus ressentir. C’est aussi ce qui nous permet de fidéliser ces partenaires, pour être mieux positionnés quand l’ensemble de la concurrence sera revenu. Nous avons donc œuvré pour faire travailler nos partenaires, et donc envoyer nos clients en Asie. En 2023, nous avons atteint notre objectif, qui était de faire 70% de notre chiffre d’affaires 2019 (qui était de 70 millions d’euros, NDLR). 2024 sera encore meilleure parce que nous ferons aussi bien, voire mieux, qu’en 2019.
L’inflation écarte une partie du marché
Le volume de clientèle est pourtant en baisse ?
Guillaume Linton : Oui, mais ce phénomène est compensé par la hausse des paniers moyens, qui atteint parfois 30% dans certaines destinations. Nous avons donc besoin de moins de clients pour réaliser le même chiffre d’affaires. Parallèlement à ça, nous avons travaillé sur l’optimisation de nos charges pendant la crise sanitaire. La structure des charges n’est donc plus la même et nous est profitable. Et puis, comme je le disais auparavant, les flux touristiques vont retrouver toute leur ampleur en 2024 en Asie. Asia aussi retrouvera sa volumétrie d’avant crise sanitaire. D’ailleurs, à date, nous en sommes à +57% en prise de commande par rapport à l’année dernière, pour un budget en hausse de 30%. Nous sommes donc en avance sur notre carnet de commandes, et très satisfaits.
L’inflation n’a donc pas enrayé la demande ?
Guillaume Linton : L’inflation écarte une partie du marché, qui ne s’y retrouve pas encore dans ce contexte économique tendu. Certaines destinations « petit panier », comme l’Inde ou le Sri Lanka, peinent à redécoller. La clientèle « gros panier », elle, s’est vite repositionnée. Tout simplement parce que les impacts de l’inflation sont moins importants pour ce type de budget. La locomotive d’Asia, en nombre de clients comme en chiffre d’affaires, c’est le Japon. Nous avons retrouvé nos niveaux de 2019. L’Indonésie, la Thaïlande, le Vietnam et l’Australie ont également très bien fonctionné en 2023. Et, évidemment, la Chine, qui est une très grosse destination GIR, n’a pas encore redémarré. Nous avons remis notre best-seller en brochure, et il fait le plein pour le printemps et démarre très bien l’été. Mais nous avions 4 circuits auparavant sur la Chine. Nous musclerons notre offre dès l’année prochaine mais nous partons vraiment de très loin avec la Chine.
La relance de la Chine, c’est votre chantier principal pour 2024 ?
Guillaume Linton : Notre plus gros défi, c’est de sécuriser nos stocks, notamment pour les destinations les plus demandées comme le Japon, l’Indonésie et le Vietnam. Nous parlons de stocks aériens et hôteliers, bien sûr, mais aussi de guides francophones par exemple. Nous devons capter ces stocks avant que tous les marchés et tous les opérateurs soient repositionnés. Dans toutes ces destinations, de nombreux guides n’ont pas eu d’autres choix que de quitter le tourisme pendant la crise sanitaire. Et ils ne sont pas revenus. D’ordinaire, nous constations une pénurie de guide en mai/juin, avant l’été. Cette année, elle commence dès le mois de mars. Et la présence de guides francophones de qualité est indispensable pour ces voyages qui sont éminemment culturels.
Ce qu’on appelait « saison humide » auparavant, c’est désormais la « saison de l’abondance »
Comment Asia peut sécuriser ces stocks ?
Guillaume Linton : Nous devons convaincre le marché de réserver plus tôt. Ce qui rejoint en fait notre deuxième chantier, celui de mieux diffuser les voyages de nos clients, dans le temps et dans l’espace. Nous devons convaincre le marché qu’il est important de réserver de façon anticipée pour avoir accès aux meilleures offres, aux meilleures chambres, aux meilleurs guides. Il faut favoriser cette anticipation. C’est pourquoi nous travaillons à mettre en vente, au plus vite, notre offre 2025. Ensuite, il faudra qu’on arrive à convaincre qu’une destination peut tout à fait se découvrir en dehors de la haute saison. Ce qu’on appelait « saison humide » auparavant, c’est désormais la « saison de l’abondance » avec parfois un peu de pluie certes, mais surtout une nature foisonnante, des sites touristiques peu fréquentés et un accueil très chaleureux. C’est aussi ce qui nous permet de fidéliser nos partenaires car nous sommes en mesure de leur proposer du travail pendant six ou neuf mois, et pas seulement pendant la haute saison.
Même si la priorité est mise sur l’Asie, comment se portent les autres régions investies par Asia ?
Guillaume Linton : Nous avons un regret particulier, c’est la Jordanie. Cela a été un énorme carton en 2023. Mais depuis le déclenchement du conflit entre Israël et le Hamas, la destination est à l’arrêt ou presque, alors même que les voyages y sont possibles et sécurisés. Nous sommes assez contents d’Equatoriales, une marque qui fonctionne sans que nous ayons besoin de mettre trop de moyens marketing ou d’animations commerciales. Nous sommes contents notamment de la Tanzanie, de nos GIR en Namibie, à La Réunion. Il y a d’autres bonnes surprises, comme la Nouvelle-Zélande, qui est notre sixième destination la plus vendue. Mais nous mettons en effet le gros de notre énergie sur la relance de l’Asie/Pacifique, car c’est notre cœur de métier.
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