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Bilan de l’été, Maroc, levée de fonds : N. Brumelot (MisterFly) fait le point

Quel est le bilan de l’été et les perspectives sur la fin de l’année ? Nous avons interviewé le président de MisterFly, qui reste inquiet pour le secteur.

Quel est l’impact du passage du Maroc d’orange à rouge, sur la carte du gouvernement français ?

Nicolas Brumelot (président et cofondateur de MisterFly) : Le Maroc est une destination importante sur le marché français. Heureusement, le pic des départs vers le Maroc est passé. Nous sommes dans l’arrière-saison. Nous allons néanmoins devoir gérer un certain nombre d’annulations et de reports, ce qui est éreintant pour les équipes. Nous avons toutefois pris l’habitude de voir des pays s’ouvrir et se refermer. Nous sommes habitués à faire et défaire. Plus globalement, le passage du Maroc en rouge est un coup dur et un message négatif qui renforce le climat d’incertitudes pesant sur l’automne. Sans visibilité aucune, nulle part pour ainsi dire. Les manifestations, le variant Delta, les confinements dans certaines régions du monde, la troisième vaccination, le long-courrier fermé créent un environnement d’incertitudes fort. Cela confirme aussi que nous ne sommes pas sortis de la crise. C’est la grande leçon de cet été.  

Nous tablons sur un début de reprise en 2021 avec un objectif de 270M€ (soit un niveau d’activité proche des 230 millions d’euros de l’année 2017, NDLR).

Globalement, quel est le bilan de l’été, en termes d’activité ?

Nicolas Brumelot : Le début de l’été a été supérieur à nos attentes. L’activité a ensuite ralenti au gré des restrictions de voyage. Nous sommes finalement en phase avec nos projections initiales sur l’ensemble de l’année 2021, par rapport à 2019 : à fin juillet, nous sommes en ligne avec nos prévisions d’activité sur les nouvelles réservations, hors impact des annulations. Nous avions réalisé 530 millions d’euros de volume d’affaires en 2019, et 220 millions d’euros en 2020. Nous tablons sur un début de reprise en 2021 avec un objectif de 270 millions d’euros, soit un recul de -48% versus 2019 et une hausse de +24% en comparaison avec 2020. 

Qu’en est-il de ce bilan estival en termes de destinations ?

Nicolas Brumelot : La Grèce, qui a bien géré sa communication et la crise sanitaire, est le best-seller de l’été. La France a elle aussi bien fonctionné, notamment la Corse. L’Europe du Sud – Espagne, Portugal, Italie – également. L’Afrique du nord a été plus compliquée, avec le passage en rouge de la Tunisie, le Maroc et l’Algérie plus récemment. L’Amérique du nord et l’Asie sont restées fermées, le long-courrier n’a pas pu redécoller.

Problème de remboursement, suppression de vols, changement de couleurs de pays : quelle a été la difficulté majeure de l’été pour les équipes de MisterFly ?

Nicolas Brumelot : Les modifications inhabituelles de vols ont constitué une grosse problématique. Les compagnies aériennes ont opéré des regroupements de vols, ce qui a entraîné une gestion de dernière minute des passagers concernés. Les restrictions nouvelles dans certaines destinations, incluant des fermetures, ont aussi été complexes à gérer en pleine saison. Dans les Antilles par exemple, des clients ont dû partir précipitamment suite au reconfinement. Les formalités sanitaires, avec des règles non harmonisées pour les enfants au sein même de l’UE, n’ont pas été simples. En règle générale, la situation est plus compliquée quand les voyageurs ne sont pas vaccinés.

Faudrait-il rendre obligatoire la vaccination pour les voyages à l’étranger ?

Nicolas Brumelot : Je ne vais pas rentrer dans ce débat sur les vaccins. Quand on regarde ce qui se passe dans les Antilles, la Polynésie, la Nouvelle Calédonie, c’est inquiétant. Je ne comprends pas les personnes qui partent à l’étranger sans être vaccinées. Ma recommandation, c’est effectivement d’être vacciné quand on part en dehors de la France, pour être plus serein. Sinon, on s’expose au risque de devoir quitter précipitamment sa destination, ou de ne plus pouvoir circuler librement. Les nouvelles mesures sanitaires, comme l’obligation d’un pass sanitaire, entrent en vigueur immédiatement. Aujourd’hui, environ 40% des Français qui partent en voyage ne sont pas vaccinés, ce qui peut compliquer leur voyage à destination.

Le pass sanitaire, élargi en France à la vie quotidienne le 9 août, a-t-il freiné la reprise cet été ?

Nicolas Brumelot : Je ne pense pas, sauf peut-être au sein de la France. Le pass sanitaire est déjà en place en Italie, depuis plusieurs mois en Autriche, et à New York dans quelques jours. Le principe se généralise.

Débrancher les aides aujourd’hui (…) engendrerait la faillite de nombreuses entreprises.

La reprise est lente. Le gouvernement doit-il maintenir les aides ?

Nicolas Brumelot : Dans le tourisme, débrancher les aides aujourd’hui serait une erreur, et coûterait cher. Cela engendrerait la faillite de nombreuses entreprises, dont l’activité reste pour beaucoup en recul de -50% – ce qui reste dramatique. Si nous voulons préserver les emplois, et maintenir à flot les entreprises, il faut continuer de soutenir le secteur. Beaucoup trop d’incertitudes pèsent sur l’automne et l’hiver. Les Antilles et la Polynésie française sont confinées, l’Australie aussi, etc. Nous n’avons aucune visibilité.

Quelle aide faut-il maintenir en particulier ?

Nicolas Brumelot : En particulier l’aide aux coûts fixes, qui permet la prise en charge d’une partie significative des pertes liées justement aux coûts fixes. 

Et la prise en charge de l’activité partielle ?

Nicolas Brumelot : Chez MisterFly, nous n’y avons plus recours. Mais pour des TO positionnés sur l’Océanie ou l’Asie par exemple, cela reste un bon dispositif. L’activité partielle qui dure depuis 18 mois, c’est bien pour l’entreprise. Mais pas pour la motivation des équipes.

Le premier objectif de notre levée de fonds de 10M€, c’est le renforcement des fonds propres.

Cet été, vous avez levé 10 millions d’euros, Bpifrance rejoignant les investisseurs historiques. Dans quel objectif ?

Nicolas Brumelot : Le principal objectif, c’est le renforcement des fonds propres. La crise n’est pas tout à fait dernière nous. Nous avons pris un prêt garanti par l’Etat. Les PGE, c’est bien, mais c’est de la dette à rembourser. Si l’activité ne reprend pas vraiment, nos fonds renforcés nous permettront de faire face à nos obligations de remboursement. C’est un acte de gestion pour traverser cette crise, dont on ignore la (date de) fin.

Il est important d’envoyer ainsi un message positif à nos fournisseurs et à nos clients. Nous traversons la crise la plus importante de l’industrie, nous avons tous été impactés. Tout le monde se regarde en chien de faïence. Nous sommes convaincus qu’en sortie de crise, ceux qui affichent une santé financière de bonne facture inspireront confiance. Cela apporte la sérénité nécessaire à des partenaires comme les compagnies aériennes, les hôteliers, les loueurs de voiture. Nous avons levé 25 millions d’euros depuis le début de la pandémie, prouvant que les investisseurs croient en notre capacité de rebond.

Nous restons à l’écoute de projets, avec le soutien de nos actionnaires, lesquels pourraient remettre de l’argent.

Donc, cette levée n’est pas pour préparer une acquisition…

Nicolas Brumelot : Nous restons en veille. C’est prématuré de regarder d’éventuelles acquisitions, mais nous restons à l’écoute de projets, avec le soutien de nos actionnaires, lesquels pourraient remettre de l’argent.

Quelle est aujourd’hui la répartition du capital ?

Nicolas Brumelot : Environ 50% du capital est détenu par l’équipe de management et les salariés. Les 50% par Montefiore, notre actionnaire de référence, Iris Capital, Bpifrance et Vente Privée.

Certaines compagnies tardent toujours à rembourser les billets annulés, et des clients de MisterFly et d’autres agences s’impatientent. Que leur dîtes-vous ?

Nicolas Brumelot : Des clients insatisfaits, malheureusement, il y en aura toujours, chez tous les opérateurs. Nous produisons nos meilleurs efforts. MisterFly a traité en remboursement 98,5% des billets depuis le 17 mars 2020, soit plus de 400 000 billets. Pour le client final, le remboursement est forcément en numéraire. Pour la compagnie, qui n’a pas la même sémantique, il peut se traduire par un report, un avoir ou du numéraire. Je rappelle que nous sommes un intermédiaire, nous sommes tributaires à 100% de la politique des compagnies. Pour nous, le plus simple, c’est le numéraire avec remboursement sous 15 jours, mais nous ne sommes pas maîtres de la situation. Avec le variant Delta, certains transporteurs risquent sans doute de freiner des quatre fers avant de rembourser, mais pas tous. Je rappelle que Thaï Airways, dont les comptes viennent de passer dans le vert, n’a toujours pas commencé du tout à rembourser les clients…

Le gouvernement français n’a pas agi, malgré les appels répétés de la profession dont le vôtre…

Nicolas Brumelot : Il n’y a pas de solidarité dans la chaîne de distribution, les règles ne sont pas respectées. La DGAC, qui est en théorie le gardien du temple, n’a de fait pas agi. Nous n’avons pas obtenu une once de réponse ou d’enquête. Nous avons confié le contrôle à une instance qui n’a ni les moyens ni l’envie d’appliquer la règlementation, en plus d’être juge et partie. Le pouvoir de lobbying des compagnies est immense. J’ai arrêté de me battre contre un moulin à vent. Je continue en revanche à sensibiliser les autorités européennes. Le récent rapport de la Cour des comptes européen sur les remboursements des voyages pendant la pandémie, qui fait 80 pages, montre des disparités de contrôle et d’application des règles. J’espère que le législateur saura s’en inspirer pour faire évoluer les textes à l’avenir, ce qui prendra du temps bien sûr. C’est incroyable que les compagnies aient reçu des aides d’Etat très conséquentes sans contreparties en termes de remboursements.

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