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Fin des commissions, les Français mal informés

Malgré les efforts de communication des professionnels, seul un voyageur sur quatre a remarqué que le système de rémunération des agences avait changé depuis le 1er avril.

Six mois ! Six mois déjà que la fin des commissions aériennes est une réalité pour les agences. Si ce changement radical du modèle économique des distributeurs, avec pour pendant la généralisation des frais de services, a légitimement suscité de vives inquiétudes, il convient, avec désormais un premier recul, de prendre le pouls de la situation.

Ceux qui annonçaient des défaillances d’agences à tout-va en sont pour leurs frais. Bien sûr, il est encore un peu tôt pour mesurer les conséquences exactes du changement et 2006 sera sans nul doute décisive, car nombre d’agences vivent encore à ce jour avec un double système, combinant frais de services pour les compagnies passées à la rémunération zéro, et commissions habituelles pour les autres. Néanmoins, les premiers chiffres de défaillances pour 2005 font état d’une baisse des faillites. Fin septembre, l’APS déplorait seulement 70 liquidations judiciaires, quand elles étaient 110 en 2004. Ce chiffre demande toutefois à être nuancé. D’abord parce que certains patrons d’agences ont décidé par eux-mêmes de stopper leur activité avant qu’il ne soit trop tard. Par ailleurs, pour la première fois, les agréments Iata en France sont en recul. Fermetures d’agences ou décision d’un certain nombre de patrons de stopper la billetterie pour se consacrer au tourisme ? Impossible de le dire… Amadeus table pour sa part sur une baisse de 20 % du nombre de postes de travail installés en agences dans les trois années.

Des éléments de réponse

En revanche, aucune enquête n’avait été réalisée à ce jour sur le comportement des clients face au nouveau modèle économique. Comment l’ont-ils perçu, quelle a été leur réaction, ont-ils modifié leur comportement ? Autant de questions auxquelles L’Echo touristique donne ici des premiers éléments de réponse, à travers un sondage exclusif réalisé par l’Ifop. Premier chiffre important : seulement 27 % des clients des agences (c’est-à-dire qui ont acheté une prestation dans les 12 derniers mois, forfait ou billet d’avion) savent que le mode de rémunération des distributeurs a changé, preuve que l’impact de ce changement a peut-être été surestimé par les professionnels. D’autant que le chiffre est sans doute encore plus faible au niveau de la population tout entière puisque, rappelons-le, seules 24 % des personnes interrogées ont eu recours aux services d’une agence depuis un an.

Un système qui était jusqu’alors très opaque

Les interprétations de ce résultat sont multiples. Premier cas de figure : un certain nombre d’agences facturaient déjà dans le passé des frais pour compléter leurs commissions. Du coup, leurs clients ont seulement constaté une hausse de ces frais et n’ont pas réellement remarqué que le modèle économique avait totalement changé. Deuxième hypothèse : le principe de commissionnement des agences n’a jamais été réellement compris par les clients qui, en majorité, pensaient qu’ils payaient déjà plus chers leurs billets achetés dans une agence. Le nouveau modèle ne fait donc que rendre plus transparent un système qui était jusqu’à présent opaque. On peut aussi penser que les frais de services ont rapidement été intégrés par les consommateurs, sans faire de vagues. Très vite entrés dans les moeurs, ils sont déjà oubliés…

Ces résultats soulignent toutefois que les efforts de la profession pour mieux informer leurs clients ont été en partie vains. Il est vrai que la campagne de communication initiée par Air France et le Snav juste avant le 1er avril, d’un montant de 400 000 E, était plus que discrète ! La plaquette d’informations conçue conjointement et destinée aux agences, qui devaient les redistribuer à leurs clients, n’a pas toujours été diffusée correctement. Par ailleurs, les initiatives de certains réseaux, qui ont communiqué à travers des mailings, n’ont semble- t-il pas été beaucoup plus efficaces. Pour les clients qui disent néanmoins avoir été informés du nouveau mode de rémunération des agences, 69 % affirment l’avoir su par les médias, à travers des publicités, mais surtout via des articles de presse. Un certain nombre de journaux et de télévisions ont en effet fait écho de cette modification juste avant le 1er avril, certains allant même jusqu’à annoncer la mort prochaine des agences ! En revanche, seulement 7 % ont appris le changement via un courrier de leur agence, ou une affichette placée à l’entrée de la boutique ou sur un bureau. Pire, ils sont 12 % à affirmer avoir découvert les frais de services au moment du règlement du billet.

Il semble aussi qu’un certain nombre d’agences, en particulier indépendantes, ont préféré faire le dos rond plutôt que d’alerter les consommateurs. D’autant que grâce aux outils informatiques développés par les GDS, ils peuvent annoncer à leurs clients des tarifs TTC, incluant les frais de services. Du coup, nombre de consommateurs n’ont pas vu la différence. Néanmoins, ce manque de transparence n’est pas sans danger. Car 58 % des clients des agences continuent à être hostiles aux frais de services. En découvrant à leur insu ces frais (qui apparaissent sur la facture mais pas sur le coupon de vol), ils pourraient en conclure que leur agence les a floués et se tourner vers d’autres canaux de distribution… Plus que jamais, il est impératif que les distributeurs rappellent chaque fois que possible leur valeur ajoutée pour justifier leurs frais. La formation des vendeurs sur ce point est essentielle, afin d’amadouer les clients récalcitrants.

Internet s’installe dans les foyers

Reste à connaître le comportement des consommateurs qui ont eu vent de la généralisation des frais. Christian Boireau, directeur général d’Air France en charge du commercial France, confirme un basculement vers Internet pour la vente de billets simples. Pour autant, cette évolution ne semble pas uniquement liée à la prise de frais (qui sont moins élevés sur le Web). Elle résulte en réalité d’une modification des comportements d’achats plus profonde, avec la généralisation d’Internet dans les ménages français. Avec ou sans frais de services, l’évolution est inéluctable. Ainsi, les ventes d’Air France via Internet progressaient de 90 % avant le 1er avril. Cette croissance est certes passée à 110 % depuis la généralisation des frais de services, mais l’évolution est moins importante que ce que l’on pouvait craindre.

Pendant son congrès d’Assouan, Afat Voyages a confirmé ce basculement vers Internet pour la distribution des billets les plus simples. L’activité globale de billetterie du réseau a régressé de 3 % en nombre de coupons depuis avril, alors qu’elle progressait de 8 % au cours du premier trimestre. C’est particulièrement vrai pour les ventes de billets pour la France métropolitaine, avec un recul en nombre de 11 %. Mais certains adhérents ont rappelé que désormais, en se concentrant sur la vente de billets internationaux, ils avaient amélioré leur marge.

Selon notre sondage, parmi les clients qui ont acheté un billet d’avion depuis le 1er avril, 56 % l’ont fait via une agence de voyages. Mais ils sont toutefois 27 % à avoir préféré réserver en ligne, alors que 15 % ont réservé directement auprès du transporteur. Cette tendance devrait se poursuivre, les experts estimant qu’Internet pourrait à moyen terme s’accaparer 50 % du marché de la vente de billets d’avion. Ce transfert vers le Web pourrait même s’accélérer, alors que les grands sites de voyages en ligne utilisent désormais les frais de services comme un argument commercial, en offrant leur gratuité pendant un laps de temps limité pour capter de nouveaux clients.

L’agence, championne pour dénicher le meilleur prix

Pour autant, tout n’est pas perdu pour les distributeurs traditionnels. D’abord parce que, rappelons-le, trois Français sur quatre n’ont pas remarqué le changement du modèle de rémunération. L’évolution semble donc actée. Mais aussi parce que, parmi les clients qui sont restés fidèles à leur agence, 37 % précisent que c’est avant tout parce qu’elle reste la plus compétente pour trouver le meilleur tarif. Dans le maquis des sites, et alors qu’il est souvent extrêmement difficile pour l’internaute de dénicher sur le Web le prix d’appel affiché par les transporteurs dans leurs publicités, le distributeur conserve encore une vraie légitimité et apporte un service, logiquement payant pour peu qu’il soit expliqué. D’autant que la fin des commissions a modifié le rapport entre l’agence et son client. Elle incite le vendeur à rechercher pour son client le plus bas prix afin de faire face à la concurrence d’Internet et de justifier ses frais de services, explique Jean-Pierre Mas, président d’Afat Voyages. Alors qu’autrefois le système de la commission pouvait au contraire pousser l’agence à vendre un billet plus cher car plus rémunérateur.

Autre point important : la proximité. 35 % des clients mettent en avant ce thème pour justifier leur fidélité à leur agence. Face à des sites Internet impersonnels, et face au besoin du client d’être rassuré, les distributeurs doivent absolument capitaliser sur cette notion de proximité. Même si les méfiances vis-à-vis d’Internet s’estompent avec le temps.

A l’inverse, pour les clients qui ont réservé un billet sur Internet depuis le 1er avril, c’est l’aspect pratique qui prime (pour 55 % des sondés), bien plus que les faibles frais de services (26 %). Dans ce contexte, les agences traditionnelles ont tout intérêt à éviter d’entrer dans la spirale à la baisse des frais initiée par les acteurs du Web, et à se concentrer au contraire sur la qualité de leurs services, seul moyen pour elles de justifier la prise de frais plus élevés, et ainsi d’améliorer leurs marges.

58 % des clients des agences de voyages continuent à être hostiles aux frais de services.

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