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Destination États-Unis : Trump n’est pas la seule raison du désamour des Français

Si les États-Unis sont à la peine cet été, la destination pourrait rebondir grâce à la baisse des tarifs aériens, hôteliers et du dollar. L’Echo touristique fait le point sur la situation à la suite du l’IPW, le salon américain du tourisme.

En mai comme en avril, le pays de l’oncle Sam affichait en France une baisse des ventes en agences supérieure à 30% comparé à l’an dernier selon le baromètre Orchestra pour L’Echo touristique. Et à fin mai, les réservations pour juillet/août étaient en recul de plus de 11%.

Un phénomène qui touche d’autres marchés émetteurs européens (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne…) mais aussi le Mexique, l’Australie ou la Corée du Sud. Et surtout le Canada, où un boycott de la destination a été initiée depuis l’idée d’une annexion du pays et l’instauration d’une guerre tarifaire par le président Donald Trump.

Delta Air Lines réduit ses fréquences

Alors qu’en décembre 2024 les prévisions tablaient sur une hausse de 9% de visiteurs internationaux et de +16% en dépenses, les pertes pour l’économie américaine sont déjà estimées à 12,5 milliards de dollars pour l’année en cours par le World Travel & Tourism Council.

Et les effets négatifs se font déjà sentir. Delta Air Lines a annoncé pour l’hiver une baisse de ses fréquences depuis Atlanta, Boston, Detroit et New York vers plusieurs villes européennes. Son Paris-CDG/Atlanta perdra 4 vols pour retomber à 14 vols hebdomadaires. D’autres transporteurs devraient suivre le mouvement.

Compagnies aériennes mais aussi organismes de tourisme, hôtels, parcs de loisirs…, certains professionnels américains ne cachaient plus leurs inquiétudes lors du récent IPW, le salon américain du tourisme qui s’est déroulé du 14 au 18 juin à Chicago.

© Stéphane Jaladis

Des pains au chocolat à 8 dollars

Ainsi, Julie Coker, présidente et CEO de New York City Tourism, a revu les chiffres de fréquentation touristique à la baisse pour sa ville. Seuls 725 000 Français – l’Hexagone étant le troisième marché de Big Apple – sont attendus en 2025, contre 788 000 en 2024 (-8%). Brett Laiken, directeur Marketing de Visit Florida, note un recul de 3% des visiteurs français sur le seul premier trimestre 2025 après une belle année 2024 (+16%).

Selon les chiffres officiels divulgués par Brand USA sur l’IPW, 632 866 Français sont entrés sur le territoire américain entre le 1er janvier et le 31 mai. « Cela représente une baisse de 8,4% comparé à l’an dernier mais une progression de 7,4% sur 2023″, tient à nuancer William Mondello, le directeur France de Brand USA.

Plusieurs raisons expliquent ce retournement après une excellente année 2024 (1,7 million de voyageurs français). Lors de la traditionnelle période de réservation, de janvier à mars, le dollar était d’abord très haut. Et la hausse des prix qu’a connu le pays a augmenté le coût des vacances comme ces pains aux chocolats vendus près de 8 dollars pièce, à Chicago, lors de l’IPW. La situation politique avec un président Trump peu charismatique de ce côté-ci de l’Atlantique n’a ensuite rien arrangé. La baisse est survenue en avril-mai, analyse-t-on chez Worldia.

Prix des pains au chocolat aux États-Unis
© Stéphane Jaladis

Le rêve américain abîmé

« Trump a donné un coup de massue sur un effet prix qui était déjà important », précise un responsable du tour-opérateur. Enfin, les informations de visiteurs refoulés à l’entrée aux États-Unis et les images récentes d’arrestations et d’utilisation de l’armée dans les rues de Los Angeles sont venus inquiéter les clients et ont fait fuir ceux qui envisageaient de passer des vacances aux États-Unis en général et en Californie en particulier. La remise en cause de certains droits civils et les attaques contre la communauté LGBTQ ont également détourné certains candidats.

« Le rêve américain de beaucoup de Français est désormais abimé. Des touristes ont une réelle inquiétude de pouvoir entrer aux États-Unis », estime Rémi Vénitien, le directeur de production USA de TUI France et par ailleurs président du Visit USA Committee France.

Les TO n’ont heureusement pas coupé dans leurs productions et les circuits se déroulent normalement

« Il n’y a pas d’inquiétude à avoir, assure William Mondello. Il suffit d’avoir son Esta, son passeport et au cas où ses papiers imprimés avec son itinéraires et ses informations de séjour. Les personnes qui ont la double nationalité et qui relèvent du Travel Ban décrété par l’administration américaine concernant 12 pays (Afghanistan, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Haïti, Iran…) peuvent toutefois utiliser leur passeport français pour passer l’immigration.

Un chiffre d’affaires en retrait de 15% à 30% pour les professionnels français

« Les États-Unis restent une destination accueillante et sûre mais nous comprenons que certaines personnes ne souhaitent pas se rendre aux USA pour diverses raisons », reconnaissait toutefois Elliott L. Ferguson, le président et CEO de Washington DC Tourism lors d’une conférence de presse sur l’IPW. Si la délégation française est restée importante cette année sur l’IPW, les agences Mice ont perdu près de la moitié de leur habituel contingent avec une douzaine d’acheteurs présents. Sur ce marché spécifique, la destination reste en effet actuellement difficile à proposer par les agences événementielles à leurs clients entreprises.

Les voyagistes, réceptifs et vendeurs d’activités sur les États-Unis affichent tous un chiffre d’affaires en retrait de 15% à 30% comparé à l’an dernier. « On s’attendait à faire une super année mais elle sera finalement à l’étale car nous avons perdu toute l’avance de l’hiver avec la chute des réservations. Les TO n’ont heureusement pas coupé dans leurs productions et les circuits se déroulent normalement », confie Stephan Forget, président et fondateur du réceptif Go West pour lequel la France pèse 40% de l’activité.

« New York se maintient et marche toute l’année. Des clients n’hésitent pas à réserver pour 5 à 7 nuits malgré les prix. L’Ouest américain qui est une destination très familiale a en revanche plus souffert », constate Charline Lambert, responsable production États-Unis/Canada/Croisières de Kuoni France. « L’année n’est pas bonne mais on s’attendait à pire. L’Ouest se porte bien mais la Floride et les états du Sud souffrent » note pour sa part Quentin Del Bergiolo, Business Developer chez Toundra Voyages qui se rattrape avec des ventes de dernière minute et une saison excellente sur le Canada.

Les tarifs commencent à baisser

« Les circuits ont bien marché », se console enfin Nadège Ruiz-Brousseau des Maisons du Voyage. Dans ce tableau contrasté, Orlando fait partie des bonnes surprises de l’été grâce à l’ouverture du vol direct d’Air France. « La destination attire à cause du goût des Français pour les parcs de loisirs. Ils résident 5 à 6 nuits sur place pour faire le tour des parcs dont le nouvel Epic Universe chez Universal », souligne Elisa Cousin de Ceetiz. Cette nouvelle desserte a en outre l’avantage de faciliter les autotours en Floride permettant une entrée par Orlando et une sortie Miami, ou inversement.

Etats-Unis / Chicago
La délégation française entourant Fred Dixon sur le stand de Brand USA. © Stéphane Jaladis

La chute de l’activité touristique aux États-Unis a des répercussions sur les tarifs aériens transatlantiques ainsi que sur l’hôtellerie dans les grandes villes. « Certains hôteliers commencent à faire des promotions pour l’été mais c’est trop tard pour les TO », estime toutefois Charline Lambert chez Kuoni. « Ce n’est pas gérable pour les circuits en place », surenchérit Stephan Forget de Go West.

Les ventes directes en dernière minute pourraient toutefois bénéficier de cet effet d’aubaine. Dans certains états, les tarifs hôteliers n’ont en outre pas vraiment baissé car des établissements ont été contraints de fermer des chambres voire des étages entiers face à la défection d’employés effrayés par les rafles effectuées par la police de l’immigration américaine (ICE). Un phénomène qui touche également la restauration et l’agriculture. A tel point que Tatum King, l’un des dirigeants de l’ICE, a récemment appelé ses troupes à la modération dans ces trois secteurs. Un million d’emplois ont toutefois disparu aux États-Unis depuis mars.

Vers une belle arrière-saison ?

Les professionnels français ont désormais le regard tourné vers l’automne et 2026 grâce à cette baisse enclenchée des tarifs touristiques. Worldia note ainsi une reprise des réservations pour des départs à partir de septembre.

« Nous pouvons espérer faire une belle arrière-saison avec des clients qui commencent à réserver pour profiter de meilleurs tarifs et de la baisse du dollar », juge également Rémi Vénitien. Brand USA a pour sa part décidé de sortir le chéquier pour relancer la fréquentation au travers de la campagne « America The Beautiful » qui met en avant les grands atouts de la destination.

« Débutant en août sur nos principaux marchés, l’objectif de cette campagne qui joue sur les expériences est d’inciter les voyageurs qui hésitent encore à venir aux USA », justifie Fred Dixon, le CEO de Brand USA, qui considère que « les États-Unis demeurent la destination la plus prisée au monde ».

Des grands rendez-vous pour relancer la fréquentation en 2026

Cette campagne sera déclinée prochainement en France en partenariat avec les acteurs hexagonaux (compagnies, TO, agences…) qui pourront exploiter et diffuser son contenu explique William Mondello. « TO et OTA témoignent déjà d’une reprise des ventes avec des ventes de dernière minute pour l’été. La baisse du dollar combinée à celle des tarifs aériens et les disponibilités hôtelières créent des opportunités et rendent plus accessibles les États-Unis », insiste-t-il.

Ne faisant aucun commentaire lors de l’IPW sur l’actuelle baisse des arrivées internationales et tablant sur une stabilisation de l’opinion à l’égard des États-Unis, Fred Dixon a préféré communiquer sur les grands événements qui sont susceptibles d’attirer les touristes en 2026 : la Coupe du Monde Football, les 250 ans des États-Unis et le centenaire de la Route 66.

Fred Dixon. © Stéphane Jaladis

Rémi Vénitien assure « qu’il faut rester positif et 2026 se présente sous de bons auspices pour TUI France grâce à l’ouverture anticipée des circuits accompagnés et autotours ». La grande inconnue reste l’impact de la Coupe du Monde de Football 2026 qui se déroulera du 14 juin au 13 juillet aux USA (ainsi qu’au Mexique et au Canada).

Les inconditionnels des États-Unis ont toujours de quoi rêver

L’évènement sera-t-il un repoussoir à l’image des Jeux olympiques, un succès ou un flop côté billetterie ? Les prix des packages seront chers avec des billets pour les matchs qui se vendent déjà entre 800 et 8000 dollars selon sa place dans les stades. Il est en outre encore difficile pour les fans de foot de se projeter, le tirage au sort des équipes par groupes n’intervenant qu’en décembre prochain.

« Nous remarquons que des TO évitent de passer dans les villes les jours de match car les tarifs hôteliers y sont élevés », explique Stephan Forget. Des voyagistes préfèreront jouer la carte d’une offre décalée par rapport à la World Cup. Worldia misera ainsi sur le slow tourisme via la découverte de nouveaux horizons au cœur du pays grâce à son partenariat avec Amtrak, la compagnie ferroviaire américaine. De quoi toujours faire rêver les inconditionnels des États-Unis…

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2 commentaires
  1. DANIELOU dit

    Après une dizaine de voyages aus US, nous avons jeté l’éponge, d’une part à cause de l’inflation des prix (exact pour le pain au chocolat à 7$ à Half Moon Bay, les motels n’en parlons pas) un taux de change pas intéressant (heureusement ça évolue) et surtout un sacré coup de canif au « soft power », nous visons maintenant le Canada .

  2. GEOFFREY DUVAL dit

    « les agences Mice ont perdu près de la moitié de leur habituel contingent avec une douzaine d’acheteurs présents.  » Oui car les dates d’IPW 2025 étaient durant une période haute saison pour le Mice, donc entre aller à un salon et organiser un évènement, les agences MIC ont choisi 😉

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