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Aérien : Jean-Baptiste Djebbari en profond désaccord avec Clément Beaune

Leur point commun, c’est le titre de ministre délégué aux Transports. Mais leurs points de divergence sont, eux, très nombreux.

Jean-Baptiste Djebbari était l’un des invités du récent congrès Selectour en Jordanie. Sans surprise, l’ancien pilote s’est d’emblée montré « un peu peiné » par l’aviation bashing. « Ceux qui critiquaient le nucléaire il y a 20 ans critiquent aujourd’hui l’aviation », a-t-il déclaré. Or pour lui, il faut au contraire accompagner le secteur dans sa transition énergétique pour trois raisons : le transport aérien va continuer de se développer, en raison de l’émergence de classes moyennes en Asie et en Afrique ; ensuite, « contrairement à ce que pensent les décideurs politiques », les jeunes de moins de 25 ans d’aujourd’hui consomment autant l’avion que ceux d’il y a 10 ans. Enfin, « l’aviation est la seule industrie qu’on peut décarboner en franco-européen grâce à Airbus, Safran, Thalès… »

Jean-Baptiste Djebbari au congrès 2023 de Selectour © LL

Taxer les aéroports ? « Une mauvaise idée »

Sur la méthode, l’ex-ministre délégué aux Transports a ensuite manifesté son désaccord avec son successeur. Pour mémoire, l’Etat, sous l’impulsion de Clément Beaune, compte taxer en 2024 les grands aéroports afin de financer la rénovation du réseau ferroviaire. « C’est globalement une mauvaise idée », a commenté Jean-Baptiste Djebbari. Une remarque qui lui a valu des applaudissements parmi les congressistes de Selectour. « A titre personnel, j’aime beaucoup le train. Mais ce n’est pas à un secteur qui fonctionne bien comme l’aéronautique de payer pour un secteur qui fonctionne un peu moins bien. »

Et l’ancien ministre d’évoquer la complémentarité entre les deux modes de transport. « Les opposer ne conduit pas à améliorer la décarbonation du transport aérien ni à trouver beaucoup de financement pour le transport ferroviaire. Il faut au contraire agir en complémentarité. (…) Le client prend le meilleur produit au meilleur prix en fonction de ses besoins. »

« Le vrai sujet, c’est de normaliser les conditions d’emploi dans l’aviation »

L’ancien pilote s’oppose aussi à une autre idée défendue par Clément Beaune, celle d’un tarif minimum pour les billets d’avion en Europe. « Ce n’est pas tout à fait la bonne approche. »

Pour lui, des compagnies low cost pratiquent des prix très bas, « non pas en trichant sur les prix », mais plutôt en jouant sur les zones grises du droit en termes de salaires et de conditions de travail. « Le vrai sujet, qu’aurait dû résoudre l’Europe depuis longtemps, c’est de normaliser les conditions d’emploi dans l’aviation, pour éviter le dumping. »

Selon de récentes prévisions, les compagnies aériennes devraient transporter 10 milliards de personnes à l’horizon 2050, contre 4,29 milliards cette année. Et le secteur est pointé du doigt pour son empreinte écologique. Même Jean-Louis Baroux, le fondateur d’APG, ne croit pas à la décarbonation du secteur en 2050.

La taxation sur le kérozène ? « Un sujet d’hier »

De son côté, Greenpeace regrette que l’avion ne soit pas soumis à une taxe sur le kérosène ni, sur les billets internationaux, à la TVA. L’ONG déplore également le maintien d’une TVA à 10% seulement sur les vols intérieurs. Là aussi, Jean-Baptiste Djebbari prend la défense des compagnies aériennes : « Après la seconde guerre mondiale, on a choisi pour démocratiser le transport aérien de le détaxer au niveau international. Aujourd’hui, l’aviation est toutefois bel et bien taxée : si vous achetez un billet Paris-Nice à 100 euros, vous avez 50 euros de taxes et de redevances. Ce modèle de taxation est un peu différent des autres modes de transport. »

Et d’ajouter : « La taxation sur le kérozène est un sujet d’hier. Le sujet d’aujourd’hui, c’est comment on fait pour maintenir abordable l’aviation en faisant la transition. » Les carburants d’aviation durable sont « 2 à 10 fois plus cher », a-t-il ajouté. « Donc il va falloir industrialiser. »

Le défi de la transition

Pour l’ex-ministre, la transition passera par les carburants d’aviation durable, une nouvelle génération d’avions, l’optimisation des routes, l’électrification au sol…

Marc Rochet, l’ex-dirigeant d’Air Caraïbes/French Bee, est sur la même longueur d’ondes : « Je fais partie des gens qui croient à la décarbonation par la technologie », a-t-il déclaré lors du congrès. « Un Airbus A350 consomme 25% de pétrole au siège en moins qu’un A330. Il faudra aller plus loin, et remplacer à terme l’A350. »

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3 ou 4 vols par vie : « Je n’en pense que du mal »

En marge du congrès, nous avons fait réagir Jean-Baptiste Djebbari à l’injonction de Jean-Marc Jancovici (Shift Project) à faire 3 ou 4 vols dans une vie. Qu’en pense-t-il ? « Je n’en pense que du mal, répond-il. J’aime bien Jean-Marc Jancovici quand il rappelle les ordres de grandeur. Quand il renvoie le débat politique à sa dimension scientifique, c’est très utile. En revanche, sa proposition politique de décroissance pour tous ne se soucie pas des libertés individuelles et de ce que veulent faire les gens. C’est gênant. Et cela consiste aussi à penser que, face au réchauffement climatique, l’être humain est incapable de relever le défi de la transition. Or je pense que, notamment par le biais de la technologie, nous sommes capables de rendre compatibles le développement de l’activité aérienne, le maintien des libertés individuelles et l’écologie. »

2 commentaires
  1. Jp bat dit

    Ce secteur ne survit que grâce aux subventions de l’ensemble des Etats. Bel exemple pour des donneurs de leçons: payer déjà les taxes existantes comme tout secteur et on verra bien s’il y a toujours autant de gens à prendre l avion !

  2. Anonyme dit

    Il y a des positions affirmées qui font du bien, notamment quand elles ne s’encombrent pas d’une langue de bois politicienne, comme cela aurait pu être le cas. C’est devenu tellement banal et fatigant d’entendre enfoncer le secteur aérien et quasiment prôner sa disparition, qu’il est rafraîchissant de voir ces propos positifs et constructifs de la part d’un personnage public. Merci Monsieur Djebbari !

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