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Jean-Louis Baroux : « La décarbonation de l’aérien à l’horizon 2050 est un mensonge »

L’Echo touristique a interviewé Jean-Louis Baroux en marge du forum A World For Travel. Le fondateur d’APG, qui représente de nombreuses compagnies aériennes à travers le monde, s’est montré plus que sceptique quant à la décarbonation du secteur à l’horizon 2050. Un tacle à Iata.

L’Echo touristique : Air France a stoppé la compensation pour pousser l’achat de SAF, les carburants d’aviation durable. Les SAF représentent-ils une vraie solution d’avenir pour la décarbonation de l’aérien ?

Jean-Louis Baroux : Changer la compensation pour le SAF, c’est réaliste et concret. Le problème, c’est que nous n’aurons jamais assez de carburants d’aviation durable. Actuellement, les compagnies aériennes consomment environ 1% de SAF. Nous serons à 6% entre 2032 et 2035, d’après les prévisionnistes. Il restera 94%. Donc, la décarbonation se fera à petit pas, avec aussi la refonte de l’espace aérien, des moteurs améliorés, des avions plus performants. Mais nous n’y arriverons pas en 2050.

Le net zéro dans l’aérien à l’horizon 2050 est donc une utopie ?

Jean-Louis Baroux : La promesse de la décarbonation de l’aérien à l’horizon 2050 (formulée par Iata, NDLR) est un mensonge. C’est rigoureusement impossible. Actuellement, 15 000 avions sont en commande. Nous avons une capacité de production de 150 appareils par mois. Par conséquent, ces 15 000 avions, qui ont une durée de vie de plus de 30 ans, sortiront des chaînes de fabrication au bout de huit ans. Soit entre 2032 et 2035. Et nous voyons bien que ce ne sont pas ces avions qui feront la décarbonation. Et nous n’avons pas l’avion du futur, le saut technologique.

Les prix des billets d’avion risquent à terme de doubler, mais ils sont actuellement trop faibles.

Avez-vous néanmoins espoir qu’on trouve une innovation de rupture ?

Jean-Louis Baroux : Nous pouvons toujours espérer. Il y a un siècle et demi, nous ne pensions pas voler… Un saut technologique incroyable l’a permis. Peut-être en opèrerons-nous un autre. Mais les pistes que nous avons actuellement conduisent à une impasse. L’innovation de rupture (pour un avion vert, NDLR) demandera des centaines de milliards d’euros. Les prix des billets d’avion risquent à terme de doubler, mais ils sont actuellement trop faibles. Un billet Paris-New York à 350 euros, c’est trop bon marché.

Les voyageurs se déclarent très préoccupés par le réchauffement climatique. En en même temps, ils reprennent l’avion. L’aérien retrouve presque les niveaux pré-Covid. Dissonance cognitive ?

Jean-Louis Baroux : Quand nous en parlons ensemble, mes petits-enfants me disent que l’aérien pollue. Et ils m’expliquent ensuite qu’ils doivent aller à Barcelone le week-end prochain… Ce que je crois, c’est que la jeune génération, très imprégnée des préoccupations environnementales, va prendre le pouvoir. Sur le chemin de la décarbonation, elle sera donc plus active que nous. Trouvera-t-elle la solution ? C’est tout ce que j’espère.

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3 commentaires
  1. Anonyme dit

    Quelle écoute auront ces propos lucides dans le milieu de l’aérien et du tourisme, et auprès des autorités publiques ?

  2. Anonyme dit

    Si même Jean-Louis Baroux le dit et comprend que IATA et les compagnies foncent dans le mur d’une fuite en avant suicidaire pour la planète, c’est que tous les espoirs ne sont pas perdus !
    Maintenant , il y a un moyen assez simple de décarboner l’aviation : faire voler moins d’avions, réduire le trafic et donc changer clairement notre mode de vie et, pour nous, voyagistes, notre production.

  3. Anonyme dit

    Excellente analyse, comme d’habitude, de la part de ce grand professionnel de l’aérien!
    Dominique Gobert

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