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Le multicanal patine

Depuis quelques années, les réseaux de distribution avancent leurs pions sur Internet, dans le cadre d’une stratégie multicanal. Avec la même contrainte : ménager leurs adhérents pour qu’ils ne crient pas à la concurrence déloyale. D’où des résultats décevants.

Qui va piano va sano ! C’est un peu la devise des géants de la distribution traditionnelle sur le web. Les sites des principaux réseaux ont quelques années de bouteille. Pourtant, à part le cas particulier de Nouvelles Frontières (NF) qui est avant tout un producteur, aucun ne fait d’étincelles. Le fameux click and mortar se cherche toujours. L’alchimie entre Internet et les agences est plus longue à prendre que prévue. Bref le multicanal est en panne !

D’abord parce que les grands distributeurs ont dû se concentrer sur d’autres chantiers plus prioritaires, à commencer par l’amélioration de la productivité et de la rentabilité de leurs points de vente physiques dans un marché déprimé. D’autre part, tous se sont heurtés à des freins plus importants que prévus, financiers, technologiques mais aussi psychologiques. Difficile en effet de convaincre des adhérents ou franchisés qu’un site à la marque du réseau ne va pas les concurrencer mais, au contraire, leur apporter des clients. Toutefois, les distributeurs de la vieille école ne désespèrent pas de prendre leurs parts du gâteau électronique. Avec des stratégies différentes mais des atouts communs. A commencer par la connaissance du métier et une marque forte, élément fondamental pour rassurer l’internaute.

Pourtant, tiraillé par des pressions internes, Carlson Wagonlit Travel a d’abord lancé un site sous la marque Travelonweb. Se privant ainsi de la confiance que peut inspirer une enseigne nationale, même peu reconnue. Sans surprise, le site n’a jamais décollé. Nos ventes sont négligeables, reconnaît Amélie Bourgeois, directrice marketing et e-commerce du réseau de proximité.

Fort de sa nouvelle enseigne Carlson Wagonlit Voyages, le distributeur change (enfin) son fusil d’épaule. Adieu Travelonweb, mais aussi Protravel-vacances.com, le site hérité du rapprochement avec Protravel. Nous lançons un site unique au second semestre, sous notre nouvelle marque loisirs, assure-t-elle. Avec l’objectif que le web pèse près de 20 % des ventes en 2009. Sur Internet, le défi consiste à faire travailler les canaux de distribution de concert. Les agences physiques ont longtemps vu Internet comme un adversaire. Il a fallu faire évoluer les mentalités par une politique de gestion du changement, résume Amélie Bourgeois, un sentiment largement partagé par tous les distributeurs.

Polémique au sein de NF

Si les craintes se dissipent, il reste toutefois du pain sur la planche. En témoigne l’assignation en justice des 77 agences franchisées de NF contre leur groupe, qui crient à la concurrence déloyale exercée par ce dernier sur le web. Concernant l’accusation selon laquelle NF pratiquerait des prix différents selon les canaux de vente, Gilles Delaruelle, PDG de Nouvelles Frontières Distribution, s’inscrit en faux. Les prix publics sont identiques, insiste-t-il. Tout en reconnaissant que la facture remise au client peut varier. Les acteurs du Net appliquent des frais de service moindres par rapport aux agences traditionnelles. Nous sommes contraints d’en faire autant. Pour chacun de ses canaux de distribution, NF s’adapte à son environnement concurrentiel. Ainsi, les frais de service sont identiques pour la vente de forfaits, quel que soit le canal de vente. En revanche, ils sont minorés pour les vols secs commercialisés sur Nouvelles-frontieres.fr (voire ponctuellement nuls pour les vols de la compagnie maison Corsair). Philippe Catrix, président de l’Association des franchisés, ne décolère pas. Le site ne prend souvent aucun frais sur les vols secs. En revanche, NF nous oblige à facturer 20 E de frais de dossier, et jusqu’à 45 E de frais de services pour un long-courrier. Si nous contournons la règle, ces 65 E sont retirés de notre enveloppe de commissions !

La stratégie d’Afat Voyages sur le Net a également provoqué quelques levées de boucliers. Pour gagner du temps et limiter les dépenses technologiques, le réseau a noué un partenariat avec Expedia, leader mondial du voyage en ligne. Son site reprend l’offre d’Expedia sous la marque Afat Voyages, les deux associés se partageant les recettes.

A-t-on fait entrer le loup dans la bergerie ? Expedia a une attitude de cowboy, raille un observateur. En plus d’Afat Voyages, le site est partenaire de Voyages-sncf.com et d’Aéroports de Paris. Bien sûr, il ne va pas prendre le risque de détourner les fichiers clients du distributeur. Mais son expertise sur le comportement d’achat des internautes peut conduire à renforcer dangereusement ses positions. Robert Heredia, président d’Afat Nouvelles Technologies, se veut serein. Les fichiers clients restent notre propriété. Tous les billets et les vouchers sont siglés Afat Voyages. La marque Expedia n’apparaît jamais dans le processus de vente ou le suivi de dossier.

Personnaliser les pages web

Le réseau toulousain s’est aussi allié à l’agence américaine afin que ses membres disposent d’un site personnel clés en main à moindre coût. Sur les 160 adhérents qui ont adopté cette solution, la moitié dispose déjà de son web. La montée en charge est toutefois longue, compte tenu du travail de personnalisation des pages web. 28 agences ont engrangé des ventes via l’offre d’Expedia à ce jour, pour un total de 35 000 E par mois. Au global, avec le site du siège, les ventes atteindraient 100 000 E par mois. C’est toutefois bien peu face aux centaines de millions d’euros des ténors du voyage en ligne. Sans Expedia, nous ne serions pas compétitifs sur le Net. Ou alors, il aurait fallu investir des millions pour concevoir une technologie performante, se défend Robert Heredia.

Combat d’arrière-garde ?

Faute de pouvoir se développer seul sur un marché de plus en plus difficile à pénétrer, Selectour a noué aussi des partenariats. Le réseau a abandonné la plateforme multi-TO d’Amadeus pour des problèmes techniques, préférant celle d’une filiale du GDS, Opodo/ Promovacances.

Richard Vainopoulos, le président du concurrent Tourcom, jette un pavé dans la mare. Afat Voyages a signé avec Expedia, Selectour avec Opodo, prouvant que leurs précédents sites n’étaient pas performants. Ils s’allient avec leurs ennemies que sont les agences en ligne pure players ! C’est une démarche difficile à accepter pour les adhérents des deux réseaux. Adhérents que Tourcom est prêt à accueillir ! Pour Frédéric Vanhoutte, DG de Selectour. com, opposer les acteurs traditionnels aux pure players est toutefois un combat d’arrière-garde, qui explique en partie le retard pris par la distribution. Internet a longtemps suscité la méfiance des agences, qui redoutaient qu’il leur vole des clients. C’est faux. Je préfère que l’internaute consulte Selectour.com qu’un autre site.

Selectour.com aurait généré 1,3 ME de ventes directes en 2006 (en neuf mois), auxquels il faut ajouter 40 % de ventes indirectes (préparées sur le web, puis confirmées en agence). A ceux qui s’inquiéteraient du coût du site, Frédéric Van Houtte se veut là aussi rassurant. Selectour.com est à l’équilibre. Nous espérons verser des dividendes aux actionnaires [les adhérents du réseau, NDLR] dès 2008. Selectour poursuit deux objectifs sur le Net : Nous visons 8 à 12 % de notre volume d’affaires tourisme et le site doit apporter un prospect nouveau par jour et par agence.

Selectour.com n’indexe pas les sites personnels des adhérents, mais prévoit deux leviers pour les valoriser : des fiches d’identité de deux ou trois pages web pour chacun, et un outil de recherche par mot-clé pour identifier des agences du réseau spécialistes de niches. Frédéric Vanhoutte croit plus que jamais à l’effet de réseau et au multicanal. Ce qui passe par une communication forte sur la marque. A l’inverse de Tourcom, qui se contente d’un site institutionnel. Il n’est pas question pour le siège de proposer la réservation en ligne. Nous serions alors concurrents de nos propres adhérents, estime Richard Vainopoulos. Les deux tiers des agences Tourcom ont néanmoins leur e-boutique, en quelque sorte une succursale ouverte 24 h sur 24.

Voyages Carrefour dans la course

Malgré la force de ses marques, la grande distribution aussi se fait discrète sur la Toile. E.Leclerc Voyages a développé un site dont les résultats demeurent modestes (1 ME de ventes en 2006). Il sert surtout à promouvoir nos agences et nos produits. Notre stratégie n’est pas d’aller vers le Net, puisque nous grandissons sans ce canal. Notre volume d’affaires a progressé de 52 % depuis 2002. Notre préoccupation consiste à pousser les clients vers les agences, assure Bernard Boisson, DG d’E.Leclerc Voyages. Le message devrait plaire aux adhérents, jaloux de leurs clients de proximité.

De son côté, Voyages Carrefour lance à la fin du mois un site marchand, après une tentative avortée il y a quelques années. L’investissement est modéré, nos ambitions mesurées, insiste Isabelle Cordier-Archer, directrice du réseau. La réservation en temps réel sera disponible pour les produits à la marque Voyages Carrefour, ainsi que ceux de Marmara, Kuoni et des TO du groupe Transat.

Une stratégie à affiner

Une dizaine d’années après l’avènement d’Internet, le multicanal balbutie donc encore. Et permettre au client de réserver son dossier en ligne puis de le retirer en agence s’avère complexe. Carlson Wagonlit Voyages espère vite offrir cette possibilité pour les forfaits standard. Le vendeur sera rétribué en conséquence, promet Amélie Bourgeois, sans plus de précision. Un point important, pour les 90 franchisés mais aussi les 234 agences en propre du distributeur, dont les agences touchent des incentives en fonction des ventes.

Pour sa part, Thomas Cook propose déjà aux clients de réserver en ligne puis de payer en agence, alors rémunérée au taux de commission habituel, signale Daniel Jacques, nouveau directeur e-commerce du réseau. De quoi satisfaire les franchisés. Nous voulons inciter les consommateurs à passer d’un canal à l’autre. Nous devons prouver aux agences qu’Internet leur apporte du trafic. Un jeu auquel il s’est déjà livré quand il oeuvrait pour Darty. Pour réussir son pari, Thomas Cook lance un nouveau site dans les prochains jours. Nous souhaitons réaliser 20 % de notre volume d’affaires en ligne à l’horizon 2010, soit 150 à 200 ME, ventes au téléphone incluses. En 2006, les ventes à distance ont atteint 10 ME mais seules 25 % provenaient du site, limité aux TO maison pour la vente en ligne et dépourvu d’un vrai b

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