Laurent Abitbol (Marietton) : « La reprise est bien là »
Comme de nombreux grands patrons du tourisme français, il aura vécu deux ans épouvantables. Les affaires à l’arrêt total, un papa emporté par le virus, lui-même atteint gravement du Covid, il reste toujours plus vivace que jamais…
Il parle toujours à la vitesse d’une mitrailleuse, Laurent Abitbol. Il a autant d’amis qu’il suscite certaines envies, mais il s’en moque. Pour lui, l’avenir, après cette crise, s’annonce positif.
« Pour moi, c’est très clair, la reprise est bien là », explique Laurent Abitbol, président de Marietton Développement et du directoire de Selectour. Et ce, même si le long-courrier ne redécollera pas avant l’automne. « Depuis le 2 mai, c’est reparti à fond », ce que confirme le baromètre Orchestra pour L’Echo touristique. « Du 9 mai au 31 mai, dans nos agences de voyages, nous sommes à 130%, reports inclus, par rapport à 2019. Nous avons activement préparé leur réouverture. Depuis deux mois, tous mes directeurs généraux ont travaillé dessus. Il faut savoir que, même si nos agences étaient fermées, du personnel travaillait par roulement, personne n’est resté sans rien faire. »
L’aérien reste compliqué
Cette année, le groupe Marietton a profité de la crise pour rénover plusieurs agences. « Le parc du groupe Marietton est presque neuf, ajoute Laurent Abitbol. Et les clients sont au rendez-vous. Mais nous avons anticipé par des mailings, de la publicité, tant pour Selectour que pour Havas Voyages, afin d’annoncer la réouverture. Pour le groupe que je contrôle, Havas et Marietton, tout est ouvert, du lundi au samedi. Pour Selectour, la préconisation de réouverture a été suivie à 95%. Et déjà, nous sommes à 100% de 2019. »
Laurent Abitbol en est convaincu : « après le Covid, ce sera comme avant. Avant, les clients allaient dans les clubs, après ils y retourneront. Et d’ailleurs, on le voit dès maintenant. »
L’aérien, lui, demeure très compliqué, ajoute Abitbol. « Je dis très clairement, vendons les compagnies françaises. Air France, Corsair, Air Caraïbes, Air Austral, ces compagnies sont là et nous aident. Les grosses compagnies majeures, comme Lufthansa, aussi. En revanche, certaines compagnies ne remboursent (toujours) pas : nous avons des problèmes avec la TAP et certaines compagnies low cost. Ryanair, c’est un scandale », ajoute-t-il, précisant toutefois que Marietton, comme Selectour, a récupéré « 95% de ses » avoirs. Non sans peine : « avec Jean-Marie Seveno, le GIE a fait un boulot énorme, avec les équipes de Selectour et de Havas pour récupérer cet argent. Nous avons été durs, nous avons fait des injonctions. Nous avons pris des avocats, nous avons menacé de bloquer des avions… Mais heureusement la plupart des compagnies ont remboursé. Mais la compagnie qui a été exceptionnelle, c’est bien Air France, qui nous soutient vraiment. Après la crise, il ne faudra surtout pas oublier Air France qui a été, pour nous agents de voyages, un exemple. »
Il tient d’ailleurs à préciser que, par l’entremise de Nicolas Sarkozy, il aura eu un échange très constructif avec Ben Smith, directeur général d’Air France-KLM, avec lequel il aura « parlé » NDC. « Un garçon très sympathique, très gentil. C’est dommage, on ne le connaît pas assez : il est très ouvert, il parle français couramment et il mérite d’être connu ». Il n’en dira pas plus, confidentialité oblige.
Nicolas Sarkozy, le conseiller ami ?
Laurent Abitbol est aussi élogieux à l’égard de Nicolas Sarkozy. L’ex-président de la République est, selon lui, « d’une gentillesse incroyable, d’une loyauté sans faille. Il est là pour nous aider, il le fait. Je vous rappelle que pour les à-valoirs, il a été largement participant, nous étions dans son bureau avec Alain Capestan. Il est vrai que plus ça va, plus je le vois et plus nous nous comprenons. Il a participé à mon Comex, c’est la surprise que j’ai faite aux 15 membres de mon Comex. Il nous a parlé de sa vision du tourisme, de l’entreprenariat et je reconnais que nous sommes en totale symbiose avec ses idées. »
« Oui Nicolas Sarkozy s’intéresse à notre groupe, et oui, avoir un conseiller tel que lui dans le groupe Marietton, ses relations, c’est très important pour nous.
Quand je l’ai invité pour la première fois au congrès Selectour, beaucoup se sont fichus de moi. Il faut savoir que notre métier n’avait pas de lobbying. Maintenant, grâce à l’unité de la profession, Jean-Pierre Mas a fait un boulot extraordinaire, Jean-François Rial aussi, le Seto et René-Marc Chikli, nous avons tous été unis. Cette unité permanente a fait qu’on a eu toutes les aides. Le gouvernement nous a laissé vivants, nous avons un ministre, Jean-Baptiste Lemoyne, qui est excessivement bon, exceptionnel : il est proche de nous, on peut l’appeler, il répond immédiatement. Certes, ce n’est pas lui qui dispose du budget, mais il nous le dit clairement « je suis et je serai toujours votre avocat auprès de Bercy. » Il l’a fait. On ne savait pas ce qu’était un ministre du tourisme : maintenant nous savons. Chapeau Jean-Baptiste ! »
Pour le président de Marietton, tant que la profession n’est pas définitivement tirée d’affaires, les aides perdureront, au moins jusqu’en septembre. A moins, précise-t-il, que la reprise soit telle que les professionnels n’en aient plus besoin. « Une chose importante, il faut que nous pensions à travailler, pas à se reposer sur des aides éternelles. L’aide aura une fin et il faut espérer faire du chiffre, le plus rapidement possible. »
Des actionnaires toujours présents
Certares, le principal actionnaire du groupe, reste « en appui » sans intervenir, souligne Laurent Abitbol, précisant cependant que Marietton, créé par son père, existe depuis 54 ans et que la famille n’a jamais touché le moindre euro de dividende. « Grâce à cela, nous avons pu résister. Et nous avons continué à investir, en rachetant Austral Lagons, en rénovant nos agences ».
En revanche, il admet avoir dû procéder à la réorganisation de la partie Business Travel. « J’ai été obligé de le faire et forcément, cette réorganisation a engendré des départs. Je n’avais pas le choix. Mais du coup, nous sommes prêts à affronter durant quelques années du Business Travel à moins 40%. J’ai préféré couper un doigt plutôt que toute la main. Mais notre groupe est prêt à affronter le redémarrage. Tout le monde est motivé, j’ai la chance d’avoir une équipe de cadres extraordinaire et des vendeuses et vendeurs au plus haut niveau ».
De nouvelles acquisitions dans les prochains mois ?
« Oui, oui et oui ! C’est mon frère, Arnaud, qui gère cette question (des acquisitions), et bien évidemment, je ne peux pas donner de noms. Mais nous avons des projets pour 2021 et 2022 ». Là aussi, il observe un mutisme prudent, assorti d’une sorte de superstition : « Tant que rien n’est signé, on ne parle pas ». Y compris pour la partie aérienne…
L’actualité, c’est aussi la ré-élection à la tête du directoire de Selectour. « Je remercie les adhérents de leur confiance qui m’ont élu président à l’unanimité, c’est une grande fierté. J’ai tellement bossé pour ce réseau, nous avons gagné beaucoup d’argent en 2018, en 2019 une année record pour Selectour, 2020 nul. Par ailleurs, toutes les résolutions présentées ont été acceptées à plus de 95%. »
Pragmatique, Laurent Abitbol conclura en constatant que cette crise aura « renforcé » auprès des clients la présence des agences de voyages » face aux distributeurs en ligne. Et de rappeler la tenue d’un Congrès Selectour, du 5 au 8 décembre prochain, en Tunisie… Avec des invités prestigieux venus de tous les bords. L’ex-président de la République François Hollande y sera…
Dommage pour les « doigts » coupés qui faisaient aussi parti des vendeurs « de haut niveau » mais qui ont perdu leur travail… Pendant ce temps-là, les acquisitions continuent…