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Directive sur les voyages à forfait : Valérie Boned nous dit tout sur le projet de révision

En marge du congrès Selectour en Jordanie, Valérie Boned a décortiqué, pour L’Echo, le projet de révision de la directive européenne sur les voyages à forfait. La présidente des Entreprises du Voyage évoque aussi le tout nouveau projet de règlement sur le droit des passagers, publié le 30 novembre.

L’Echo touristique : La Commission européenne a publié le 29 novembre son projet de révision de la directive sur les voyages à forfait, mercredi 29 novembre 2023. Il est notamment question de limiter les acomptes à 25%. Que faut-il retenir ?

Valérie Boned : L’ambition de l’Europe, c’est de mieux protéger le voyageur suite à la faillite de Thomas Cook et à la crise du Covid-19. Le législateur a eu l’impression qu’il était nécessaire d’adopter des mesures normatives en ce sens, afin de protéger les dépôts des clients auprès des fournisseurs et des intermédiaires. Partant de ce principe, tout est une question de curseur. Dans le premier projet, il n’y avait aucun acompte exigible à la réservation… Ce qui était déconnecté de la réalité du travail des agences de voyages.

Récemment, j’ai d’ailleurs pu rappeler, lors d’une réunion avec le cabinet du Commissaire européen Didier Reynders, les raisons pour lesquelles nous militons pour des acomptes suffisants. Ce que l’on constate, c’est que nous avons été entendus sur un point d’équilibre, puisque le curseur est passé de 0%, à 20% en juin 2023, et à 25% aujourd’hui. Les EdV, le Seto et l’Ectaa ont travaillé main dans la main à cette fin.

Valérie Boned, lors du congrès Selectour en Jordanie © Linda Lainé

Des agences estiment néanmoins que 25%, c’est insuffisant, notamment quand il faut payer les billets d’avion six mois à l’avance…

Valérie Boned : Dans la pratique, les agences demandent actuellement 30% à 40% d’acomptes, en moyenne. Avec d’importantes disparités selon les voyages. Mais, dans le texte présenté le 29 novembre,  l’agence peut exiger lors de la réservation, en plus de l’acompte de 25%, le paiement d’une prestation qu’elle doit immédiatement payer à un fournisseur (comme un billet d’avion, Ndlr). Le projet de directive européenne parle explicitement d’un prépaiement supplémentaire possible, afin de couvrir toute avance fournisseur pour l’achat de services compris dans le forfait par exemple. 

Donc, il y a de la souplesse !

Valérie Boned : Oui, c’est exactement le terme, il y a de la souplesse. Il y a une volonté de mieux protéger le consommateur tout en veillant à la faisabilité de l’exercice de notre métier. Un autre point à retenir : dans le projet de révision, le solde peut être exigé à 28 jours du départ, au lieu de 30 jours actuellement. Par ailleurs, le texte institutionnalise le principe des avoirs, avec remboursement automatique au bout d’un an. C’est totalement nouveau, et sans doute un levier envisagé en cas de crise, avec l’accord du client. Les avoirs ont représenté un outil pendant la pandémie, que l’Europe souhaite encadrer pour établir un socle commun. C’est ma lecture.

Quelles autres orientations retenir du texte ?

Valérie Boned : Une directive est traditionnellement tournée vers le consommateur. Mais le projet de révision introduit un droit de recours du distributeur envers le fournisseur en cas d’inexécution de la prestation. C’est donc du B2B, ce qui représente une dimension totalement nouvelle. Autre volet B2B : l’obligation de remboursement en cas de non-exécution d’une prestation prévue dans le forfait : de la compagnie au distributeur dans les 7 jours suite à l’annulation d’un billet d’avion annulé, et le vendeur à son client, dans les 7 jours suivants. Donc, l’obligation de remboursement intervient dans un délai de 14 jours au total. Jamais une obligation de remboursement quasi immédiate n’a existé, ni pour le fournisseur ni pour le distributeur. 

Le texte est loin d’être définitif, et loin d’être applicable en France. Quelles sont les prochaines étapes ?

Valérie Boned : Le projet doit maintenant faire l’objet de discussions dans les instances européennes. Le circuit d’une directive implique des réunions au parlement, au conseil, à la commission. C’est le principe des trilogues. Tout ce parcours prend du temps. Le projet de révision ne pourra pas être à l’agenda de la présidence actuelle. Toutes les instances seront renouvelées en juin 2024. La nouvelle présidence établira ensuite son agenda et ses priorités. Et dans l’absolu, elle pourrait même ne pas maintenir le projet… S’il est bel et bien dans le calendrier de la prochaine mandature, le texte définitif sera dévoilé mi-2025 au plus tôt. L’adoption et la publication de la directive interviendront fin 2025 au plus tôt. La transposition dans les Etats-membres, dans les 18 mois, avec ensuite une mise en oeuvre dans les six mois.

Par conséquent, à quelle date les agences devraient au plus tôt se conformer aux exigences de cette nouvelle directive ?

Valérie Boned : Donc, au plus tôt, les professionnels française devront le mettre en place dans les agences à la rentrée 2027. 

L’Europe a aussi publié un projet de règlement sur les doits des passagers. Que faut-il retenir ?

Valérie Boned : Effectivement, c’est un texte volontairement concomitant à celui sur la révision de la directive sur les voyages à forfait.

En résumé, dans le projet, les agences sont obligées de fournir les contacts clients aux compagnies pour qu’elles puissent informer en quand de problème – un point « chaud ». De plus, il y a le miroir du projet de directive européenne : le remboursement compagnie/agence doit intervenir sous 7 jours, et le remboursement agence/client sous les 7 jours qui suivent. Enfin, l’agence doit informer le client si elle vend des billets non connectés, soit de deux compagnies aériennes différentes. Sinon, elle assume en cas de problème.

Toujours pas l’ombre d’une caisse de garantie en cas de défaillance d’une compagnie aérienne ?

Valérie Boned : Non. Aucun compte séquestre ou dispositif équivalent n’est prévu dans le projet de règlement.

Ce qui peut sembler contraire à la meilleure protection des passagers. La faute au lobbying des compagnies ? 

Valérie Boned : Oui, bien sûr. Il n’y a donc aucune garantie pour le client en cas de défaillance d’une compagnie aérienne.

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