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[Tribune] Frédéric Vanhoutte : « J’avoue, j’ai pris l’avion »

Frédéric Vanhoutte, président d’Eventiz Media Group et propriétaire de L’Echo touristique, était invité à s’exprimer sur le Flygskam lors du récent congrès des Entreprises du Voyage. Nous publions intégralement ses propos sous la forme d’une tribune.

 Je dois vous faire un aveu : j’ai pris l’avion. Cette phrase nous ferait sourire si ce n’était pas si proche de ce qui arrive en ce moment.

L’aviation a longtemps incarné le progrès et la mobilité. Elle est considérée comme un élément central de l’infrastructure de la mondialisation, des échanges, du commerce et du transport.

Elle a rendu possible le tourisme de masse et est étroitement liée aux idées positives de l’exploration, de la communication, du développement et de l’innovation.

Le Flygskam, c’est quoi ? Flyshame, en français, « l’avihonte ». La honte de voler, étendue désormais à la honte de voyager. Tout cela à commencer avec un cri, « How dare you ! »

Une petite suédoise a accusé la génération de ses grands-parents et ses parents, c’est-à-dire nous, les boomers, d’avoir volé son avenir et de ne rien faire pour stopper le mal fait à la planète.

La jeune génération s’inquiète pour son avenir, c’est naturel.

Elle a cherché à alerter, c’était louable et nécessaire. Mais en nous accusant, en souhaitant tout arrêter en urgence, et en espérant que nous ayons honte. Je cite Kundera là-dessus : « La honte n’a pas pour fondement une faute que nous aurions commise, mais l’humiliation que nous éprouvons à être ce que nous sommes, sans l’avoir choisi, et la sensation insupportable que cette humiliation est visible de partout. » Et pour être visible partout, la Greta l’a été !

Et nous ? Ben, on a rougi. Et depuis, on embarque avec des lunettes noires, en longeant les murs. Renonçant à notre ADN qui est toujours (et depuis toujours) explorer, découvrir, rencontrer l’autre et le monde.

C’est un concept perturbant pour nous car la réduction des vols est un défi à l’idée libérale de la libre circulation des personnes et des biens.

A écouter Greta, on pourrait croire que nous ayons tous fait fi, en conscience, de toutes recommandations environnementales pour ne rien changer. Alors que un : on ne savait pas et, mieux, deux : on est d’accord pour changer les choses. Pour nous et nos enfants. Parce que les enfants sont nos balises, mais aussi nos futurs juges.

La jeune génération s’inquiète pour son avenir, c’est naturel. Et ils le crient à fond sur les réseaux sociaux. Ils y vont de bon cœur et les faits scientifiques confirment leurs inquiétudes.

La mobilisation des célébrités (…) est devenue contre-productive.

Il n’en fallait pas plus pour que tout le star system s’ engouffre, ralliant ainsi, au passage, un public large et reconnaissant de ce soutien.
Di Caprio, Harrison Ford, Julia Roberts, Marion Cotillard s’affichent :
Ils y sont tous allés, avec leurs followers et autres fans.
Di Caprio, en comptant Instagram + Twitter + Facebook, on est un peu près à 100 millions.
Marion Cotillard, elle n’est active que sur Instagram avec 1,6 million de followers.
Harrison Ford a fait le buzz à Cannes en disant : « Si on ne se bouge pas le cul, on va perdre cette planète », avant de rentrer aux US dans son jet.
Julia Roberts (11 million de followers sur Instagram) partage sa vie écolo, Cate Blanchett rencontre les dirigeants mondiaux pour réduire les émissions carbone.
Justin Timberlake crée un golf écolo.
Seule Taylor Swift se moque de tout cela et aura pris l’avion 170 fois entre le 1er janvier et le 29 juillet 2022.

Du coup, la mobilisation des célébrités, à coup de millions de dollars, même sincèrement engagée, est devenue contre-productive.

Lors, ont suivi ensuite les scientifiques, les experts…
Jancovici : 4 vols par vie !
Sur 4 milliards de passagers, en chiffre d’affaires, un tiers est affinitaire, un tiers affaires et un tiers touristes.
Et je le rappelle, les premiers consommateurs sont les 25/34 ans suivis des 15/24. Pourtant les premiers concernés. Que dit Jancovici ?« 4 billets c’est plus égalitaire que monter les prix ». Mais ça ouvre un marché de troc de billets favorables… aux riches !
Jancovici dit aussi : « Il faut retrouver le temps du voyage qui est long et alors, le voyage devient découverte ».

Prochaine étape : les « class actions » systématiques…

Si on colle à ces recommandations, imaginez :
Pour se rendre à NYC, en voyage d’affaires, il faudra affréter un voilier. Retour ?
Dans 3 semaines. Sérieux ?
Et en plus, après avoir obtenu l’accord de la DRH à cause de la RSE et de la compliance.
L’entreprise n’échappe pas à la cascade de contraintes, renforçant tacitement le sentiment de Flygskam.

Si on ne fait rien, après « balancetonporc », « balancetonyoutubeur », on aura « balancetonvoyageur ».
Au préalable, les activistes auront cessé de se coller aux statues ou de jeter de la peinture dans les musées pour taguer les agences de voyages, vendeurs de carbone en force. Planet killers !

Souvenez vous, Greta a attaqué 5 Etats en justice pour « atteinte à la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant ». La France, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil et la Turquie attaquées pour inaction climatique ! Pourquoi nous ? La Chine ? les USA ? et l’Inde ? Ça va, ils sont peinards.

Prochaine étape : les « class action » systématiques. Imaginez : « Monsieur Laurent Abitbol (président de Marietton, NDLR), un collectif de 834 voyageurs vous accuse d’inaction climatique en n’ayant pas proposé de vol décarboné ou d’alternative à l’avion pour les séjours en Tunisie. Accusé, levez-vous ! ».

Dans ce contexte, ça ne va pas être simple pour recruter. Ce n’est déjà pas simple, ce sera pire !

Face à ces constats , Il faut de la contre-influence. Expliquer et mettre en perspective.
Alors, dès qu’une occasion se présente, Eventiz (souvent via L’Echo touristique) va sur les plateaux, dans les studios, pour porter la bonne parole, défendre la profession et contrecarrer le radicalisme de certains.
C’est notre responsabilité de média, notre engagement moral auprès de vous tous.
C’est le rôle de la presse dont parlait Jean-Pierre Mas, le président des Entreprises du Voyage.
Entre journalistes, ils se comprennent.

Ainsi, on allume des contre-feux, des alertes positives sur les vertus du voyage tant sur les économies que les populations locales et, in fine, pour préserver la paix, face au risque de l’obscurantisme.
Une sorte d’évangélisation grand public en découle.

Oui, on doit protéger la planète.
Oui, on doit réduire la pollution carbone.
Oui, les entreprises du voyages agissent en conscience.
Non, on ne doit pas cesser de voyager.

« Quand on veut lutter contre l’alcoolisme, on ne s’en prend pas aux viticulteurs. »

De notre côté, on fait le colibri… Nous avons lancé le prix Green Action aux Travel d’Or, il y a six ans. Ça avait jeté un froid lors de la soirée. Nous avons ensuite soutenu les trophées Horizons avec ATD et l’Ademe.

Et enfin, toujours pour toucher les médias B2C, nous avons lancé le forum international A World For Travel. Cette année, ce sera Séville, en octobre… Quinze ministres, l’Europe, les grandes associations et institutions mondiales (OMT, WTTC…) y participent. Mais surtout, le relais des médias B2C vers le consommateur. Objectif : montrer au grand public que les pros du tourisme et du transport ont conscience des réalités, entendent les attentes des consommateurs, cherchent des solutions, chacun à leur échelle, pour protéger l’environnement, modifier les usages, créer de nouveaux produits et agir en responsabilité.

Quand on veut lutter contre l’alcoolisme, on ne s’en prend pas aux viticulteurs.

Le niveau individuel, le contexte social et les systèmes et structures interagissent de manière complexe.
Cela signifie que ceux qui essaient volontairement de faire des efforts en faveur d’une société durable doivent être soutenus par des changements structurels.

Je cite notre président, Jean-Pierre Mas : « Quand on veut lutter contre l’alcoolisme, on ne s’en prend pas aux viticulteurs. C’est un problème d’abus de consommation. Nous sommes les viticulteurs du voyage. A nous d’inciter à la sobriété et à la modération. »
Ainsi, nous n’aurons plus de sentiment de Flygskam.

La planète est notre principal actif et notre maison. On a pas l’intention de la brûler !

Pas vrai ?

La raison la plus souvent citée pour changer de comportement est la connaissance et le savoir. Cette prise de conscience ne se produit pas seulement avec l’accumulation de connaissances, mais en relation avec une prise de conscience de l’urgence du problème. Cette prise de conscience peut à son tour provenir d’une expérience personnelle du changement climatique et est souvent liée à des sentiments forts et à la peur.

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