« Nous devons protéger les commissions d’un mandataire, en cas de faillite d’un mandant »
Laurent Menanteau, vice-président de l’Association des agences de voyages mandataires (AAVM) et patron d’une agence Promovacances à Mérignac, appelle les grands opérateurs à se mettre autour de la table pour définir un contrat de mandataire plus équilibré.
L’Echo touristique : Pouvez-vous nous présenter l’AAVM, et nous expliquer quel est son objectif ?
Laurent Menanteau : Nous avons créé l’association à la fin de l’année 2020. En France, il existe environ 300 agences mandataires, et nous pouvons dire que nous constituons un panel représentatif. Nous avons des adhésions franches, mais aussi de nombreux soutiens, venus de la part d’autres fédérations par exemple. A l’origine de la création de l’association, il y a notre volonté de réfléchir à un partenariat qui serait plus équilibré avec nos mandants. Le contrat de mandataire a de nombreux avantages, et tout n’est pas à jeter, bien au contraire. Mais il y a des aspects que nous pourrions corriger, dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. Et puis, il y a eu la faillite de Thomas Cook, et l’irruption de la pandémie…
Je suis par exemple obligé de négocier des découverts autorisés deux fois par an, alors que j’ai, virtuellement, les liquidités nécessaires pour faire fonctionner mon agence.
Quels sont ses points sur lesquels vous voudriez du changement ?
Laurent Menanteau : Le gros point noir de ce contrat concerne la trésorerie. Pour faire simple : si je vends un voyage aujourd’hui, c’est le mandant qui encaisse les fonds générés par la vente. A l’agence, nous ne récupèrerons notre commission que lorsque le client sera parti. Dans un contexte habituel, nous vendons des voyages 4, 5 ou même 6 mois à l’avance… Nous connaissons donc des périodes où devons fonctionner avec des déficiences en trésorerie, pendant plusieurs mois. Cela créé une dépendance financière du mandataire envers le mandant, chez qui nous avons parfois d’importants montants en cours. Et, pour certains agents, de l’usure et du découragement. Je suis par exemple obligé de négocier des découverts autorisés deux fois par an, alors que j’ai, virtuellement, les liquidités nécessaires pour faire fonctionner mon agence.
Vous évoquiez la faillite de Thomas Cook…
Laurent Menanteau : C’est une problématique qui est directement reliée à celle de la trésorerie. Quand Thomas Cook a fait faillite, nous avons pris conscience que nous pouvions également mettre la clé sous la porte, si les géants dont nous dépendons tombent à leur tour. Contractuellement, nous perdons tout si nos mandants s’écroulent. Nous pensons donc que c’est un point essentiel à aborder dans la définition d’un nouveau modèle de contrat de mandataire. Et c’est une discussion que nous souhaitons avoir en bonne intelligence avec nos mandants. Nous ne sommes pas du tout des dissidents, et nous voulons que tout le monde travaille mieux ensemble. Mais si nous réfléchissons à des propositions et que nous avons rencontrés Jean-Baptiste Lemoyne (secrétaire d’Etat au Tourisme, NDLR) et Alain Griset (ministre délégué aux PME), c’est parce que c’est un sujet central. Il semblerait que le modèle du mandataire soit le modèle économique de demain, dans le tourisme. Si c’est le cas, il faut absolument le structurer.
Vous avez déjà imaginé des propositions ?
Laurent Menanteau : Nous avons pu les mûrir pendant la pause forcée due à la pandémie. Nous avons trois propositions, qui pourraient servir de base de réflexion à toutes les parties prenantes. D’abord, nous voulons trouver un moyen de protéger les commissions d’un mandataire, en cas de faillite d’un mandant. De la même manière qu’un client est protégé par l’APST, nous pourrions imaginer une structure qui protègerait les mandataires. Nous proposons ensuite de plafonner les encours de commissions. Il arrive parfois que des dizaines de milliers d’euros soit en dehors de l’agence, confrontée à des difficultés financières. Il faut trouver un système plus équilibré, qui soit gagnant-gagnant. Nous comprenons que les mandants veuillent conserver une partie des commissions, mais l’intégralité, ça nous paraît excessif. Donc nous proposons d’ouvrir une discussion à ce sujet et d’élaborer, tous ensemble, un modèle de calcul simple et uniforme qui nous permettrait de fixer un plafond qui assurerait, aux mandants comme aux mandataires, d’être garantis en cas de défaillance. Enfin, nous voulons aborder la question de la dépendance stratégique. Il arrive parfois que les mandants prennent une décision unilatérale qui impacte notre fonctionnement, notre organisation et nos résultats financiers. Nous voulons un rapport plus équilibré, et nous proposons donc que le contrat impose une réunion paritaire pendant laquelle le mandant présenterait un bilan des actions menées l’année précédente, et leurs impacts sur les mandataires, et celles qui seront menées dans l’année suivante. C’est avec ces propositions que nous voulons ouvrir les discussions.
Si on ne structure pas ce contrat, le rapport de force sera toujours défavorable pour les mandataires.
Est-ce que vous avez pu rencontrer des mandants et leur faire part de votre volonté de dialogue ?
Laurent Menanteau : Nous nous sommes rapprochés des trois grands réseaux de mandants en France (TUI, Havas Voyages, Karavel/Promovacances), mais le dialogue est encore compliqué à nouer. Nous avons également fait part de nos avancées à Jean-Baptiste Lemoyne, et nous comptons sur la réglementation pour faire évoluer les choses. C’est une belle occasion de changer l’avenir, et nous devons tous nous en saisir. Si on ne structure pas ce contrat, le rapport de force sera toujours défavorable pour les mandataires. Mais un mandataire, qu’est-ce que c’est ? C’est un chef de petites entreprises aux emplois non-délocalisables. Rééquilibrer ce rapport de force serait positif pour nous, pour l’emploi, et pour l’économie. C’est un cercle vertueux, solidaire, circulaire, et j’invite les autorités et les mandants à entrer dedans. Il ne s’agit pas de dire que les mandants sont les méchants et les mandataires les gentils, absolument pas. Nous sommes tous sur la même mer, et elle est agitée, même si nous avons des tailles de bateaux différentes. Le contrat de mandataire a de très nombreux avantages, pour toute la partie back-office et administrative par exemple. Ça nous permet de consacrer plus de temps à nos clients. Et c’est exactement ce que nous voulons en réclamant l’élaboration d’un nouveau contrat de mandataire : avoir plus de temps à consacrer à nos ventes plutôt qu’à nos banquiers. Nos mandants en profiteraient autant que nous.
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