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Les agences sous la pression des GDS

Concurrencés par Internet, malmenés par les compagnies aériennes qui les jugent trop chers, les GDS sont contraints de réviser leur modèle économique pour ne pas disparaître.

En annonçant une remise à plat de la politique d’Amadeus pour 2004-2005, Philippe Grando, le directeur général du GDS en France, a fait sensation lors du dernier congrès Selectour. Une nouvelle stratégie inéluctable pour répondre à la déréglementation qui se profile (voir L’avis de l’expert p. 22) et surtout, à la pression des compagnies aériennes.

Car c’est un véritable climat de guerre froide qui anime depuis quelques mois les relations entre transporteurs européens et GDS. Affaiblis par les attentats du 11 Septembre, la guerre en Irak et le Sras, tous les transporteurs font la chasse au gaspillage. Après avoir mis la pression sur leurs salariés, en réduisant massivement les effectifs, sur les agences en baissant les commissions, ils demandent désormais aux GDS de participer à l’effort collectif, en abaissant de manière significative les honoraires qu’ils perçoivent pour chaque réservation. A raison de 3,5 à 4 euros par vol réservé, le coût est désormais jugé prohibitif. Swiss a jeté un pavé dans la mare il y a quelques semaines en affichant sa volonté de contourner les systèmes globaux de réservation et en poussant ses ventes via Internet. Inspirée par les compagnies à bas prix qui lui taillent des croupières, British Airways menace d’en faire autant.

La pilule est amère

La pilule est d’autant plus difficile à avaler que les GDS affichent d’insolents bénéfices, en partie grâce à ces redevances. Amadeus annonce ainsi une rentabilité nette de 7 à 8 % en 2000, 2001 et 2002. L’idylle avec les systèmes informatisés que les compagnies ont elles-mêmes créée vire donc au bras de fer, un combat d’autant plus aisé que la plupart des transporteurs se sont aujourd’hui désengagés financièrement des GDS (sauf Amadeus, toujours contrôlé par Air France, Iberia et Lufthansa). Internet leur offre de surcroît des solutions alternatives. La réussite commerciale de Southwest Airlines et autre Easyjet, qui ne distribuent leurs billets que via le web, est là pour le rappeler.

A terme, les GDS sont-ils promis à disparaître ? Quand les compagnies aériennes ont commencé aux Etats-Unis à jongler entre tarifs web et vente directe, la question a souvent été posée. Quelques mois plus tard, la hache de guerre est en partie enterrée outre-Atlantique. Sabre a proposé un contrat de trois ans aux compagnies, prévoyant une baisse de 12,5 % de ses redevances. Les transporteurs s’engagent en contrepartie à rendre tous leurs tarifs Internet et promotionnels accessibles aux agences. Vingt compagnies ont signé. Galileo puis Worldspan ont dévoilé des accords trisannuels du même acabit. Seul Amadeus n’a pas voulu entrer dans cette spirale baissière. En témoigne sa grille tarifaire 2004. Nos redevances vont diminuer pour les dossiers simples, alors qu’elles augmenteront avec les réservations plus compliquées, sur lesquelles notre valeur ajoutée est importante, souligne Philippe Chérèque, responsable de la stratégie chez Amadeus. Un vol Tokyo-Francfort réservé depuis un terminal japonais nous coûte plus cher qu’un Paris-Nice bouclé depuis Paris, notamment en frais de télécommunications. Nous évoluons donc vers un système modulaire pour mieux refléter nos coûts d’exploitation. Mais au global, nos revenus par segment resteront inchangés, à périmètre constant, assure-t-il. Pas sûr que les compagnies y trouvent leur compte.

Négociations en 2004

Cette nouvelle tarification d’Amadeus ne devrait avoir aucun impact sur les accords contractuels avec les agences. En revanche, le GDS prépare un troisième tarif pour les produits aériens à bas prix, expérimenté l’an prochain, qui devrait avoir d’importantes répercussions sur les distributeurs. Il s’agit pour Amadeus de proposer en machine les compagnies à bas coût. Pour les inciter à vendre leurs billets via son système, le GDS est prêt à diminuer ses redevances par deux. Les transporteurs réguliers pourraient s’engouffrer dans la brèche et exiger une tarification identique pour leurs billets les moins chers. Des négociations vont débuter en 2004 pour fixer à la fois le montant des honoraires et définir les seuils de tarifs bas. Afin de compenser la baisse de revenus qui en découlera, Amadeus envisage de faire payer aux agences des frais d’accession à cette offre à bas coût. C’est donc un véritable changement de modèle économique qui se prépare. Non seulement les agences n’accéderont plus au GDS gratuitement, ne vont plus recevoir de commissions des compagnies, mais elles devront de surcroît payer pour les vendre ! Régis Chambert, directeur général de Havas Voyages American Express accepte ce principe. Amadeus veut proposer un point d’entrée unique pour toutes les compagnies, y compris à bas prix, nous sommes demandeurs. Nos agences ne peuvent se permettre d’interroger trois systèmes différents pour chaque billet d’avion, c’est improductif. En revanche, Philippe Demonchy, le président de Selectour, n’a pas manqué de menacer Amadeus lors du congrès du réseau à Djerba, agitant le spectre d’un changement de fournisseur.

Remise en cause des bonus

Comme Amadeus aujourd’hui, Galileo a tenté de facturer des frais de distribution aux agences, avant de faire marche arrière et d’opter à la place pour une refonte des incentives. Les GDS remettent ouvertement en cause ce système de rémunération, qui permet aux agences réalisant beaucoup de réservations de toucher des bonus financiers. Avec la nouvelle tarification proposée aux compagnies aériennes, nous constatons un manque à gagner de 75 millions d’euros sur une base annuelle, précise Chris Kroeger, vice-président pour l’Europe de Sabre. A moyen terme, les incentives versés aux agences (325 mil-lions d’euros pour Sabre, ndlr) seront fatalement touchés, la baisse est inéluctable. Il n’est pas question pour autant de les diminuer de 12,5 %, pour compenser la remise consentie aux compagnies.

Le bouleversement Internet

Autre tendance du marché : les GDS sont de moins en moins des fournisseurs de matériel informatique. Longtemps obligées de composer avec des ordinateurs propriété d’Amadeus, les agences françaises peuvent désormais travailler sur leur propre matériel. Le logiciel Pro Web qui permet cette évolution a rencontré un succès immédiat, avec 3 427 licences vendues (contre 12 397 postes Amadeus Concerto installés). A terme, Vianeo est voué à remplacer Concerto et Pro Web. Cette nouvelle offre commerciale lancée en juillet consiste en un accès à un portail qui fédère l’ensemble des outils de réservation et des services en ligne. Elle devrait confirmer la tendance des agences à acheter leur propre matériel informatique. Ce choix est loin d’être neutre. En cas de panne, le GDS peut décliner toute responsabilité. A noter par ailleurs qu’avec Vianeo, le service d’assistance est désormais payant (1,35 E l’appel +0,34 E la minute).

Parallèlement, les GDS tentent de diversifier leurs activités pour moins dépendre des compagnies aériennes. En témoigne l’analyse des résultats d’Amadeus au premier semestre 2003. Son activité historique, la distribution automatisée de voyages (principalement des places d’avion) a reculé de 3,6 %. Alors que les revenus liés aux contrats de sous-traitance conclus avec les transporteurs (pour la gestion informatique de leurs passagers par exemple) a bondi de 73,6 %. L’avènement d’Internet a aussi incité le GDS à multiplier les solutions de réservation en ligne et à prendre des participations dans des agences Internet, comme l’européen Opodo et le français Vivacances. Idem pour Sabre, qui a absorbé Travelocity. com, puis créé un consortium d’agences. Officiellement, il s’agit de tester des technologies qui seront ensuite mises à la disposition des agences. Cendant, l’actionnaire de Galileo, a lui aussi développé une forte activité de distributeur. Au point d’être devenu la 11e agence américaine en 2002, grâce aux marques Cendant Travel, Cheap Tickets et Lodging. com. Du coup, des arbitrages nouveaux doivent être faits. Cendant doit par exemple choisir entre une solution de distribution économique via Internet pour sa filiale de location de voiture Avis, ou plus onéreuse par le biais – et au bénéfice – de Galileo. Worldspan a plus franchement pris le virage Internet, l’agence en ligne Expedia (4e agence américaine) devenant son premier client en France comme à l’échelle planétaire.

Une solution tardive

La distribution des produits des tour-opérateurs constituent une dernière piste. Mais là encore, les GDS vont devoir faire vite. Dans le tour-operating, les sites Internet professionnels se multiplient, avec toutefois des lacunes notoires. Comme il faut se connecter à plusieurs sites, rarement reliés aux systèmes de gestion comptable, les recherches des agences sont contre-productives, estime Vincent Lhoste, directeur commercial et marketing chez Galileo. Le portail de l’Association des tour-opérateurs (Ceto), qui doit proposer la réservation en ligne en 2004 avec 20 TO, devrait résoudre partiellement le problème. Ce qui n’empêche pas les GDS de se positionner sur ce marché, même si certains voyagistes considèrent qu’il est trop tard. A commencer par Galileo France, partenaire historique de nombre de TO. Après son portail Open Link, via lequel un site professionnel peut être distribué à moindre prix (150 E au minimum/mois), après la gestion des messages comptables, le GDS innove encore avec un moteur de promotions sur Internet. Promo 8 devrait permettre aux agences de lancer des requêtes par date, ville de départ, destination… à condition que les voyagistes acceptent d’y participer. Amadeus tente pour sa part de relancer sa solution Tours, promettant des tarifs inférieurs à ceux facturés par les serveurs actuels tel Voyatel (5,5 à 6 E/dossier). Le Ceto a le contenu, nous avons la technologie, nous pouvons peut-être nous entendre, estime Christian Delom, DGA d’Amadeus France. Les GDS ont un rôle à jouer en tant que prestataire de services, ils ne doivent pas s’approprier une norme pour ensuite instaurer un péage exorbitant, rétorque Olivier Morel, directeur informatique de Kuoni. Comme avec les compagnies aériennes, la bataille avec les tour-opérateurs s’annonce rude. Et les agences pourraient bien être les grandes perdantes…

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