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L’insolente croissance des compagnies du Golfe

Développement fulgurant, hausse de trafic exponentielle : les compagnies du Golfe irritent de plus en plus les transporteurs européens. Elles sont bien décidées à jouer leur carte de francs-tireurs dans le transport aérien mondial.

Jean-Cyril Spinetta, le PDG d’Air France, ne lâche pas facilement prise. Après une première charge lancée contre Emirates lors du Cannes Airlines Forum 2003, il a de nouveau déterré la hache de guerre lors de l’édition 2004, invitant ironiquement la compagnie de Dubaï à ouvrir ses comptes, pour faire profiter Air France-KLM de son sa-voir-faire et, incidemment, de vérifier une fois encore si Emirates ne bénéficiait pas de subventions pour appuyer son développement insolent… Au-delà de cette polémique difficilement vérifiable, l’entêtement du PDG d’Air France montre combien les grandes compagnies européennes ont du mal à accepter le succès, après celui des low cost, des transporteurs du Golfe, dans une période de grandes turbulences pour le transport mondial.

Qu’on en juge ! Grâce aux cinq nouvelles fréquences qu’Emirates a lancées au départ de Paris le 29 septembre dernier, c’est maintenant douze vols hebdomadaires Paris-Dubaï que le transporteur opère, en plus de sa desserte de Nice (trois vols par semaine). Et ce n’est pas fini puisque, dès l’été prochain, la locomotive du Golfe envisage de passer en exploitation biquotidienne au départ de Paris.

Décidée à tenir la dragée haute à son ennemie intime, et forte d’une part de marché majoritaire pour la clientèle affaires, Air France ne veut pas être en reste et passera pour sa part dès cet été de sept à douze vols hebdomadaires entre Paris et Dubaï, avec des avions plus petits et, à la clef, une augmentation de capacité de 34 %.

Le hub de Dubaï, une véritable machine de guerre

En termes de combativité, Qatar Airways n’a rien à envier à Emirates. Arrivée à Paris en 2000 avec deux fréquences hebdomadaires vers Doha, elle opère un vol quotidien depuis le 1er juin 2004. Et d’une année sur l’autre, les croissances de trafic, toujours à deux chiffres, suivent la même dynamique… Si l’on évoque en plus le specta-culaire rétablissement financier de Gulf Air et les fortes ambitions de la petite dernière, Etihad Airways, on peut comprendre que les compagnies européennes finissent par être un peu agacées par les excellentes performances de leurs rivales du Golfe.

Le succès des transporteurs du Golfe réside d’abord dans le remarquable positionnement géographique de cette région du monde. Celle qui a le mieux compris ce formidable avantage est évidemment Emirates, qui a fait de son hub de Dubaï une véritable machine de guerre, en travaillant à toujours améliorer ses temps de connexion qui, pour certains, avoisinent une heure (voir tableau p. 18). Grâce au passage en biquotidien l’été prochain, ce sont 23 nouvelles correspondances qui seront proposées aux passagers décollant de Paris avec, notamment, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine, l’Afrique de l’Est et du Sud, en plus des connexions existantes vers l’île Maurice, la Thaïlande, Singapour, l’Indonésie… En multipliant les possibilités de correspondances à Dubaï, Emirates peut ainsi ventiler son trafic sans être dépendante de trois ou quatre gros axes. Au-delà de Dubaï, aucune destination ne doit représenter plus de 5 % du chiffre d’affaires passager total de la compagnie, explique Jean-Luc Grillet, DG France d’Emirates. Nous sommes constamment à la recherche de nouveaux marchés. Il est évident que dans un futur proche, des destinations comme Almaty (Kazakhstan) ou Tachkent (Ouzbékistan) devraient entrer dans le réseau d’Emirates.

Cette stratégie d’ouverture de vols moyens ou long-courriers, caractéristique d’une compagnie de sixième liberté (ne disposant pas de marché intérieur et travaillant presque exclusivement avec des connexions) explique aussi pourquoi Emirates continue de refuser catégoriquement d’être rattachée à une alliance. Les grandes alliances sont souvent des clubs dans lesquels entrent les compagnies pour survivre, plus que pour satisfaire les besoins de leurs clients, raille Timothy Clark, président d’Emirates. Il vaut mieux être grand chez soi que petit chez les autres, renchérit Jean-Luc Grillet. La hausse de 37 % du chiffre d’affaires 2003-2004 de la compagnie, à 2,8 milliards d’E, et son bénéfice de 330 millions d’E, montre combien cette stratégie est payante pour le moment.

Une typologie de trafic très variée

La tactique de l’éparpillement des destinations vaut aussi pour la manière de travailler sur tel ou tel segment de clientèle. Emirates veille ainsi à avoir une typologie de trafic très variée : clientèle affaires, TO, groupes, incentives vers Dubaï et Mascate, clientèle ethnique vers le Sri Lanka, l’Inde, le Pakistan ou Maurice, et travaille même la clientèle étudiante vers l’Australie. Si on descend encore d’un cran, Emirates applique toujours la même stratégie. Le plus gros TO avec qui je travaille au départ de Paris ne représente que 3,5 % du chiffre d’affaires de la desserte française et je travaille avec une cinquantaine de voyagistes en tout, ce qui relève un peu de l’épicerie fine, s’amuse Jean-Luc Grillet.

Avec un tel modèle, la compagnie de Dubaï a besoin d’une flotte conséquente et a passé commande de quarante-cinq A 380, qu’elle devrait recevoir à partir d’octobre 2006. Elle pourra toujours proposer une bonne qualité de service à ses clients, tout en compensant les éventuels problèmes de saturation des aéroports. Avec un rayon d’action de 15 000 kilomètres, Emirates pourra aller encore plus loin pour draguer des marchés, tout en ne faisant toujours qu’un arrêt dans son hub de Dubaï.

Qatar Airways, sans cesse de nouvelles destinations !

A plus d’un titre, Qatar Airways a suivi l’exemple d’Emirates. Arc-boutée sur son hub de Doha, très efficace lui aussi, le transporteur ouvre constamment de nouvelles destinations et, là encore, ça paye ! Pour l’exercice 2003-2004 (clos fin mars), il a transporté 45 000 personnes sur la ligne de Paris. Le trafic devrait monter à 73 000 passagers pour l’exercice clos en mars 2005, soit une hausse de 62 % ! Sur l’ensemble de ce trafic, 20 % restent à Doha, et le reste continue, en connexion.

La configuration de sa desserte quotidienne (quatre vols le matin, trois vols le soir) permet à Qatar Airways d’adapter au mieux ses correspondances sur son hub. Notre objectif est d’être biquotidien au départ de Paris et on espère y être pour l’hiver 2006, précise Eric Didier, DG France de Qatar Airways. Très opportuniste, la compagnie a pour l’instant fait le choix des destinations loisirs. Le gros de notre trafic (50 %) est réalisé avec les TO. Le reste se partage entre la clien-tèle affaires, la clientèle ethnique (Sri Lanka et Pakistan) et les incentives. Mais il faut que l’on soit présent sur tous les types de clientèle, précise Eric Didier.

Parmi les partenaires du transporteur, on trouve par exemple Kuoni, TUI, Club Med, mais aussi des spécialistes comme Asia, Tourinter, Austral Lagons ou Terres d’Aventure. Qatar Airways bénéficie aussi de quelques axes où elle est leader historique, comme le Népal ou les Maldives. Pour faciliter le ravail avec les tour-opérateurs, elle utilise le système Negospace : un voyagiste bloque un contingent de sièges en accédant aux stocks, et le gère ensuite directement sur Amadeus.

Ce positionnement, plus axé sur le loisir, est également l’option que semble avoir prise Gulf Air, qui dispose elle aussi de destinations historiques, au-delà de ses trois hubs d’Abu Dhabi, Bahreïn et Mascate. Comme Bangkok, où la compagnie est maintenant repassée devant Air France et derrière Thaï Airways en termes de parts de marché sur la ligne Paris-Bangkok, bien qu’elle ne vole pas en direct. Cette performance a pu aussi être réalisée grâce à des efforts importants en termes de prix. Ainsi le meilleur tarif publié chez Gulf Air est d’environ 600 E TTC, alors que les vols di-rects démarrent le plus souvent à 700 E TTC. Sans compter les tarifs négociés qui peuvent être proposés aux voyagistes.

La réactivité de Gulf Air coïncide avec un rétablissement financier spectaculaire au terme d’un plan triennal baptisé Falcon, initié par son nouveau PDG James Hogan. Il devrait permettre à la compagnie d’atteindre l’équilibre pour l’exercice 2004. Dans le même temps, le transporteur a enregistré une hausse historique de 23,5 % de son trafic total, à 7,5 millions de passagers et ce, avec des croissances réparties sur ses trois hubs : Bahreïn (+20,5 %), Abu Dhabi (22 %) et Mascate (34,3 %). Gulf Air a aussi fait de gros efforts pour son service à bord, en lançant notamment les Sky Nannies (baby-sitters du ciel) dans toutes les classes, et en renouvelant ses divertissements en vol. Commercialement, même si elle travaille aussi beaucoup sur ses connexions, elle a multiplié les partages de codes avec une quinzaine de compagnies internationales dont KLM, American Airlines et BMi. Elle peut ainsi acheminer encore plus de passagers sur ses hubs.

Etihad Airways : la petite nouvelle a de l’ambition !

Reste à savoir comment la doyenne des compagnies du Golfe, créée en 1950 comme un transporteur trans-émirats et qui est toujours la propriété du royaume de Bahreïn, des Emirats arabes unis et du sultanat d’Oman, va encaisser la montée en puissance de la toute nouvelle compagnie nationale d’Abu Dhabi, Etihad Airways. Ses ambitions ne sont pas sans rappeler celles de Qatar Airways, quand l’émirat du Qatar s’était retiré du capital de Gulf Air, en 2002.

Créée en 2003, Etihad Airways dispose d’un capital de 136 millions de dollars, et d’une flotte de six appareils mais devrait monter à dix dès 2005, grâce à l’arrivée de Boeing 777. En juillet 2004, elle a aussi passé une commande ferme de 24 Airbus, dont quatre A 380. Desservant actuellement seize destinations dans le monde, elle prévoit d’en ouvrir 50 autres d’ici 2010 ! Nous sommes déjà présents dans le BSP France et accessible dans les GDS sous le code EY, précise Fabrice Ebner, DG France et Benelux d’Etihad Airways. Des vols Paris-Abou Dhabi devraient ouvrir courant 2005, et un partage de codes est en négociation avec SN Brussels.

La qualité, maître mot

Un peu à l’image d’Emirates à ses débuts, la jeune compagnie insiste sur la qualité de services qu’elle entend proposer à bord de ses avions. Pour ses cabines, elle préfère parler d’espaces plutôt que de classes et insiste sur le confort de ses sièges et de sa restauration pour ses hôtes (les clients). Au-delà de l’aspect marketing de sa présentation, l’arrivée d’Etihad ne fait que confirmer la vitalité du transport aérien dans cette région du monde, et ajoute un nouvea

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