[TRIBUNE] JO 2024 : attention au mirage
Nicolas Guillemin, directeur d’exploitation et du développement de France Tourisme, signe une tribune dans laquelle il alerte sur les désillusions qui pourraient découler de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
« Ouvrons grand les Jeux » promet la devise des futurs Jeux Olympiques de Paris 2024, un peu comme un slogan qui cherche à convaincre et à séduire.
Parce que les JO ça fait rêver. Des performances incroyables, des exploits mémorables, des athlètes qui confirment ou qui surprennent, une ambiance extraordinaire. Et généralement une nation organisatrice qui fait corps avec ses athlètes, de quoi capitaliser politiquement comme lors de chaque grand événement sportif.
Paris plus observée que jamais
C’est bien là le premier écueil de ces JO : l’image de Paris est en jeu. Son image internationale auprès de publics du monde entier pour attirer une nouvelle clientèle et stimuler les repeaters.
Mais le pari est risqué. Les risques de mauvais buzz sont nombreux autant sur des nuisances diverses que sur des défaillances dans l’organisation ou les fan zones. Tout gros raté ferait immanquablement les Unes. Et – c’est beaucoup plus grave – pourrait nuire durablement à l’image de la ville à travers le monde.
La puissante volonté d’obtenir ces JO afin d’y associer son image est un manque d’humilité de la mairie de Paris et déjà un manque de travail. Ne vous y trompez pas, ce sont les professionnels du tourisme qui vont en subir les conséquences.
Des coûts stratosphériques
L’expérience d’autrui ne profite jamais. Cela n’a jamais été aussi vrai qu’avec ces JO.
Le coût initial a déjà dérapé d’un milliard et demi d’euros pour s’élever à 8,3 milliards. Je rappelle que les chercheurs de la Saïd Business School qui analysent tous les JO depuis plus de 50 ans certifient que budget réel des Jeux est en moyenne supérieur de 179% à ceux annoncés dans les dossiers de candidature. Les coûts de sécurité, de transport, de construction ou encore des cérémonies ne cessent de croître jusqu’à l’événement.
La promesse d’infrastructures durables est également séduisante. De Rio à Pékin, de nombreuses installations ont été laissées (et sont encore à l’abandon) depuis les jeux. Sans même évoquer Athènes, dont la construction d’autoroutes démesurées et vides ou son aéroport historique laissé à l’abandon – dans l’indifférence générale au profit d’un nouveau – ont largement contribué à la banqueroute du pays.
Les infrastructures promises seront moins nombreuses et moins ambitieuses que prévu, à l’exemple de la Gare du Nord, dont le plus gros trafic d’Europe ne profitera finalement que d’un simple réaménagement. L’exécutif, la mairie et le Comité d’organisation se demandent encore aujourd’hui comment gérer les flux de passagers lors des JO… alors que la question reste en suspend tout au long de l’année à la fois pour les usagers et pour les touristes.
Décider de regrouper un maximum d’évènements sur les lieux de l’hyper-centre… justement déjà largement saturés est un contre sens flagrant.
Des jeux qui n’auront pas d’impact positif pour le tourisme
C’est peut être pour ces raisons que seuls 26% des Français ressentent de l’intérêt pour les JO à Paris.
Si M-J Pérec pointe le manque d’âme et d’incarnation, les Français n’ont pas besoin des JO pour s’intéresser ou non à la capitale. Et contrairement aux apparences, ces jeux n’auront pas d’impact positif sur le tourisme.
Revenons en 2012 aux JO de Londres. Le constat a été implacable : de -20 à -40% de baisse d’activité globale, tant sur les hôtels et les restaurants que sur les spectacles et les magasins. A l’époque, la destination Paris se frottait les mains en accueillant massivement les touristes frustrés par la capitale outre-Manche.
Les hôtels d’Ile-de-France sont déjà pleins à cette période de l’année et ils le savent d’autant mieux que les prix commencent à exploser pour l’été 2024. La foule nombreuse qui va venir pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ne sera pas la clientèle classique, ses dépenses seront beaucoup plus faibles et ciblées.
Ce tourisme de masse regroupé sur la très haute saison recherchant, entre deux compétitions sportives à découvrir, souvent pour la première fois, va se concentrer sur les lieux « cartes postales » du Paris de toujours. Et ce, au détriment de la clientèle plus « haut de gamme » qui va naturellement fuir la capitale. Le manque à gagner ne sera pas compensé et l’été sera compliqué pour tous les professionnels.
Ne pas oublier d’apprécier cette formidable fête sportive
Les institutionnels invitent ces mêmes professionnels à innover, à créer, à mettre en œuvre de nouveaux projets, à repenser leur approche ou à moderniser leurs infrastructures, à prendre en main les enjeux durables.
Et ces professionnels le font. Non pas pour les JO, qui ne devraient être qu’une étape et pas un objectif, mais parce que l’avenir du secteur se joue chaque jour de chaque saison depuis les années Covid. Un peu comme des sportifs qui se battent et s’en sortent dans l’adversité.
Bien sûr qu’il faut apprécier les JO, qui sont une formidable fête sportive, mais Paris n’avait absolument pas besoin de les organiser et devra se contenter de très hypothétiques retombées économiques et touristiques. Pas plus qu’elle n’avait besoin d’organiser l’Expo universelle, abandonnée pour risque financier et perspectives insuffisantes.
Toutes ces raisons montrent qu’en apparence l’image est séduisante, mais également trompeuse. Comme un mirage.
Nicolas Guillemin
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C’est insupportable ce défaitisme ! Et si Paris n’avait pas eu les J.O, le même aurait crié au scandale et tapé sur la Mairie, incapable d’attirer un événement comme celui-là…au lieu de dépenser son énergie à trouver toutes les bonnes raisons pour que cet événement soit raté, qu’il réfléchisse à tout ce que l’on pourrait faire pour que cela fonctionne… Ce serait mieux pour tout le monde !
Merci pour cet éclairage très instructif Monsieur GUILLEMIN.