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Thierry Marx (Umih) : « ll faut un autre regard sur le travail »

C’est cette semaine que se tient à Paris EquipHotel, le grand rendez-vous des professionnels de l’hospitality. Une édition placée sous le signe d’une question fondamentale pour le secteur : son attractivité. C’était le sujet, mardi, de la conférence inaugurale du salon.

Il aurait été difficile pour EquipHotel de faire l’impasse sur un sujet de préoccupation majeur pour les professionnels du tourisme ces derniers mois : l’attractivité du secteur. Alors que quelque 237 000 employés de l’hôtellerie ont rendu leur tablier pendant la pandémie, le manque de personnel pèse quotidiennement sur l’activité avec de multiples conséquences. Et si le problème n’est pas né avec la crise sanitaire, les solutions qu’il appelle devront sans doute, appartenir, elles, « au monde d’après ». Pour en débattre lors de la conférence inaugurale d’un salon axé sur « l’hospitalité augmentée », EquipHotel réunissait mardi matin Guillaume Kasbarian, député d’Eure-et-Loir et président de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le président du GNI Didier Chenet, Dominique Restino, le président de la CCI Paris Ile-de-France, et Thierry Marx, qui vient tout juste de prendre les rênes de l’Umih. 

Manager, motiver, le chef étoilé et entrepreneur en a fait un de ses sujets de prédilection, auquel il a consacré plusieurs livres. « Il est évident qu’il faut travailler sur l’attractivité de nos métiers, de la façon la plus large possible », a introduit le nouveau président de L’Umih. Avec une idée qui commence à faire son chemin dans le secteur : « l’hospitalité, ce n’est pas que pour nos clients, il faut d’abord que nous puissions mettre l’hospitalité au service de nos collaborateurs. » Un enjeu de qualité de vie au travail, mais qui, à l’instar de la question de la rémunération, n’est pas non plus suffisant. « Qu’est-ce qu’il manque, qu’est-ce qu’il faudrait mettre en œuvre ? », interroge pour sa part Didier Chenet. « Le salarié veut donner un sens à sa relation au travail », a-t-il pointé, évoquant notamment la prise en compte des enjeux environnementaux. « Aujourd’hui, vous avez une jeunesse qui est très sensible à l’impact environnemental et qui ne viendra que dans les entreprises impliquées sur cet impact fort que nous devons avoir pour la planète », pense aussi Thierry Marx. « Quand on parle d’emploi, aujourd’hui, est-ce que c’est sérieux ? Je suis convaincu qu’on n’a plus forcément envie d’un emploi, on a envie d’un projet. Et surtout pas d’un emploi par défaut. On ne doit pas proposer un job par défaut. On doit dire ‘Venez voir, et on va vous aider à monter en compétences et ce travail va finir par vous passionner‘ ». « Aujourd’hui, la nouvelle génération veut un projet, et elle veut son projet. Il faut un autre regard sur le travail. »

« Le discours sur l’apprentissage a changé »

Et de l’avis des pros présents autour de la table, un des leviers majeurs pour redonner de l’attractivité est la formation, sujet omniprésent lors de cette conférence. « Les jeunes gens que nous formons aujourd’hui apprennent plus vite, constate Thierry Marx. (…)  Ils ont deux cerveaux, un dans la boîte crânienne, l’autre dans la poche arrière. Quand ils apprennent, bien souvent ils ont un tuto. »

« Il faut permettre à ces jeunes qui rentrent dans cet apprentissage métier de découvrir très vite la relation avec l’entreprise, il faut que le jeune soit très rapidement au contact du métier qu’il veut faire. » Pour tester, aussi, sa vocation sur le terrain, – un vrai sujet, à considérer le nombre d’abandons en cours de formation – tout en ayant la possibilité « de se replugger » régulièrement au centre de formation afin de poursuivre sa montée en compétences, propose Thierry Marx.

« Le discours ambiant sur l’apprentissage a changé, remarque quant à lui Guillaume Kasbarian. Collectivement, nous avons tous – entreprises, politiques, citoyens – tenu un discours extrêmement valorisant sur les métiers de l’apprentissage, sur la filière royale d’insertion qu’elle représente. Nous voulons aller plus loin sur la réforme de l’apprentissage avec la réforme du lycée professionnel. »

L’occasion pour Didier Chenet d’alerter sur un point. « L’apprentissage est la voie royale et la réforme de l’apprentissage est une très bonne réforme, a-t-il souligné. Mais une fois que j’ai dit ça, je vais en profiter pour passer un message. Normalement, la gestion doit être assurée entre les professionnels et France Compétences. Aujourd’hui c’est France Compétences qui décide et les professionnels n’ont pas mot à dire. France Compétences est en train de nous proposer de baisser les co-contrats pour ce qui est des CAP et des BP, alors que c’est justement les jeunes dont on a besoin. Il ne faut surtout pas faire ça », a-t-il alerté.

« Le sujet est large et le chantier est grand »

Quand on parle attractivité des métiers, « le sujet est large et le chantier est grand », a résumé Thierry Marx. De fait, il englobe aussi celui du logement. « Beaucoup de professionnels de l’hôtellerie, du tourisme et de la restauration m’alertent sur les difficultés de logement dans des zones tendues (…), indique Guillaume Kasbarian. Des zones touristiques où il peut être « difficile pour les saisonniers de se loger pour venir travailler. Nous avons lancé au sein de la commission économique une mission d’information sur le sujet », a-t-il fait savoir. « Sur le logement, nous avons fait une proposition qui est arrivée un peu trop tard pour le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale, ndlr), a ajouté Didier Chenet. Savez-vous que quand nous mettons à disposition des logements pour nos personnels, nous n’avons pas le droit de récupérer la TVA ? Vous investissez, vous achetez quelque chose pour loger votre personnel, et vous pouvez pas récupérer la TVA. Et inutile de vous dire que 20% de plus, c’est quand même quelque chose. Je pense aussi qu’on pourrait aller plus loin en matière de politique de logements sociaux, a poursuivi Didier Chenet. Faire en sorte qu’il y ait une part des logements sociaux à l’intérieur des villes qui soit réservée, pas seulement à notre secteur, mais à tous ceux qui travaillent dans les commerces, qui ont des horaires décalés. Il  faudrait y réfléchir. » Le nouveau patron de l’Umih a de son côté saisi l’occasion d’aborder le dossier Airbnb, estimant que dans des zones touristiques où il est nécessaire de loger du personnel, « 120 jours, c’est beaucoup ». Ces plateformes « déstabilisent considérablement nos sociétés et il faut quand même y prendre garde, souligne-t-il. Là aussi, le législateur doit regarder un petit peu. Même si je n’ai rien contre ces plateformes, bien évidemment. »

Recruter autrement

Travail du week-end, coupures… Les améliorations à envisager sont nombreuses, même si l’équation n’est pas simple à résoudre. Pour Thierry Marx, la nature du contrat de travail devrait aussi être reconsidérée. « Il va falloir qu’avec le régalien nous nous interrogions sur notre regard sur les contrats de travail liés à l’hôtellerie restauration. Aujourd’hui, vous avez des jeunes gens qui vous disent qu’ils n’auront pas un rapport sacrificiel au travail. Ils veulent être heureux au travail. Peut-être va-t-il falloir regarder d’autres modèles de contrats de travail. Les modèles actuels sont des modèles assez anciens, qui datent du XXe siècle, et ne correspondent plus forcément à ce qu’attendent les jeunes gens qui arrivent dans nos métiers. Ils veulent avoir un peu plus de libertés, et avec des contrats de travail qui les protègent mais qui en même temps les laissent libres d’être heureux dans ce métier. »

Changer de regard, un impératif également pour Dominique Restino, qui a évoqué les dispositifs déployés par la CCI de Paris Ile-de-France pour faciliter les recrutements dans le secteur. Des dispositifs qui  s’efforcent de sortir des schémas habituels. « Nous montons des programmes au sein desquels nous sélectionnons des chefs d’entreprises et des personnes qui peuvent avoir des aptitudes, à qui nous leur faisons vivre une journée dans un hôtel restaurant. » Les candidats retenus rentrent ensuite dans une formation de courte durée. « On essaie d’imiter Thierry Marx », glisse Dominique Restino. Le chef du Sur-Mesure, au Mandarin Oriental, a effectivement lancé ses propres écoles avec « Cuisine, mode d’emploi(s) », qui propose des formations gratuites de onze semaines en cuisine, boulangerie… avec à la clé un diplôme reconnu par l’État et la branche professionnelle. « Nous avons encore du chemin sur cette partie là mais ce sont des expérimentations qui ouvrent des portes », veut croire Dominique Restino. Une démarche sur laquelle un poids lourd du secteur comme Accor a lui aussi décidé de parier avec ses journées de recrutement sans CV.

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