Jean-Virgile Crance (CAT) : « Nous voulons être le Medef du tourisme »

Nouveau président, nouveau style. Succédant à Roland Héguy, Jean-Virgile Crance a pris la présidence de la Confédération des Acteurs du Tourisme (CAT) mi-septembre. Habitué à porter la voix du CHR en tant que président du GNC, Jean-Virgile Crance enfile donc un costume plus large. Désormais à la tête de la CAT, il a pour mission de représenter l’ensemble des professions de la filière tourisme.

Fondée en 2017 sous l’impulsion de Roland Héguy, la CAT réunit une quinzaine d’organisations professionnelles patronales (voir ci-dessous) : hôteliers, tour-opérateurs, agents de voyages, professionnels de l’événementiel ou de l’hôtellerie de plein air… Rassembler des métiers aussi variés sous une même bannière n’était pas chose aisée, plusieurs acteurs du tourisme avaient déjà essayé avant Roland Héguy, rappelle Jean-Virgile Crance. « A nous de construire sur des fondations qui sont solides », annonce-t-il. « La richesse de la CAT, c’est la diversité des expertises. Très honnêtement, je suis bluffé par les compétences que l’on trouve dans les différentes fédérations que regroupe la CAT. Ce qu’il faut, c’est que nos interlocuteurs, et en particulier le gouvernement, les pouvoirs publics, aient le réflexe de solliciter la CAT dès lors qu’ils ont un sujet tourisme. La CAT sera alors à même d’aller chercher le bon expert sur le bon sujet, dans les délais les plus rapides. » « Le rôle de la CAT est aussi de coordonner une mise en commun des travaux menés par chaque fédération pour avoir une position qui soit commune, et parler d’une seule voix », ajoute Jean-Virgile Crance. « Nous aurons une réunion mensuelle au bureau, un conseil d’administration tous les trimestres et a minima une assemblée générale par an, détaille Jean-Virgile Crance. L’idée est aussi de mieux se connaître pour  identifier nos complémentarités. » « La volonté de la CAT, c’est un peu d’être  le Medef du tourisme, poursuit-il, (…) Aujourd’hui aucune grande décision économique n’est prise dans le pays sans que l’Etat ne consulte les instances du Medef. L’idée est exactement la même : qu’il ne puisse plus y avoir de grande décision prise dans le tourisme sans qu’on ait consulté la CAT et sans que nous ayons pu être force de proposition. Nous souhaitons vraiment travailler de façon constructive et en amont, en concertation avec le gouvernement. Nous considérons que c’est extrêmement important », insiste-t-il.

500 000 emplois à pourvoir dans le tourisme

Et ce ne sont pas les sujets qui manquent. « Nous avons identifié trois actions prioritaires : l’attractivité de nos métiers, tout ce qui tourne autour des coûts de l’énergie, de la sobriété énergétique et plus largement du développement durable, et enfin la fiscalité, dans laquelle s’inscrit notamment les problématiques de PGE », liste le nouveau président de la CAT.

« Aujourd’hui, nous évaluons à 500 000 le nombre d’emplois à pourvoir dans la filière du tourisme, chiffre Jean-Virgile Crance. On voit bien que l’on peine à recruter, mais c’est un travail de fond. » A la tête du GNC et officiant au sein de Louvre Hôtels Group depuis plus de dix ans, ex-directeur général associé de Brit Hôtel, Jean-Virgile Crance connaît le sujet : en 2021, Elisabeth Borne, alors ministre du Travail, avait sommé le secteur du CHR de faire un effort sur les salaires. Effort qui avait abouti à une nouvelle grille salariale prévoyant une augmentation moyenne de 16%. Entre-temps, les difficultés de recrutement ont touché d’autres acteurs du secteur, notamment les TO et le agences. « La société a beaucoup changé par rapport au travail, nous avons eu les effets du Covid, aussi. Il y a eu toute une période où le monde de l’entreprise a été déstabilisé, avec une période de travail à domicile, tous ces éléments là ont rebattu les cartes », estime-t-il. Mi-septembre, une grande campagne de communication a été lancée en ce sens par la ministre déléguée au Tourisme, Olivia Grégoire. « Ce que nous voulons, c’est montrer la multitude des métiers du tourisme et créer la porosité nécessaire entre nos métiers, explique Jean-Virgile Crance. (…) Ce qu’il faut, c’est que nous arrivions à garder nos employés, nos salariés, que nous formons et sur lesquels nous investissons. Il faut pouvoir les garder au sein de notre filière en leur offrant des passerelles qui permettent de répondre à leurs aspirations. Des aspirations qui ne sont plus forcément les aspirations d’une carrière en elle-même, avec une évolution traditionnelle comme on l’a connue mais avec la possibilité d’évoluer, de façon plus moderne. »

« Nous sommes confrontés à une double peine »

Un autre sujet plus que jamais d’actualité s’est ajouté à la liste des urgences, avec des factures qui s’envolent pour les professionnels du tourisme, tant du point de vue de l’énergie que de certaines matières premières. « Nous sommes inquiets et en même temps partiellement rassurés, commente Jean-Virgile Crance. Inquiets parce que très honnêtement, si rien n’est fait, par rapport à la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, ça va être catastrophique pour nos entreprises », alerte-t-il. « Il faut avoir en tête que nous sommes confrontés à une double peine. Une augmentation très conséquente des coûts d’énergie, et en même temps une augmentation très importante des coûts de production de vos fournisseurs en général, car eux-mêmes subissent ces augmentation du coût de l’énergie et certains sont très impactés par ces surcoûts. (…) Et il ne faut pas oublier que les entreprises sont en train de rembourser leur PGE. Elles ont à fournir un effort de trésorerie sur lequel nous n’avons pas réussi à nous faire entendre au niveau de l’Etat pour étaler le remboursement sur une durée plus longue. » Sur ce point, les professionnels du tourisme se sont fait opposer une « fin de non recevoir ». Nul doute que la CAT remettra le sujet à l’ordre du jour. « L’Etat nous a dit qu’il serait capable de traiter dossier par dossier s’il y a des problématiques particulières, rappelle Jean-Virgile Crance. Honnêtement, si nous continuons sur la lancée sur laquelle nous sommes, avec des augmentations exponentielles de coûts, je pense que nous allons nous retrouver avec beaucoup de dossiers en difficulté, et j’ai peine à croire que les services de l’Etat soient capables de faire du sur-mesure, dossier par dossier », pointe-t-il. « Le fait que l’on demande à prolonger est tout à fait justifié et recevable. Peut-être que les choses évolueront”, espère-t-il.

Sur le volet de l’énergie, Jean-Virgile Crance se montre plus optimiste, s’attendant à des annonces de Bercy « dans les jours à venir ». 

On le pressent,  les semaines vont être chargées pour le nouveau président, qui est également premier adjoint à la mairie de Saint-Malo. « C’est énormément de travail bien sûr mais c’est aussi un choix d’engagement de ma part. Il est certain que les semaines ne font pas cinq jours mais bien sept, puisque que souvent, quand je lâche le tablier professionnel je reprends le tablier d’élu. (…) Quand on prend des fonctions comme celles qui m’ont été confiées, c’est aussi très important de rester très proche du terrain et de rester très pragmatique dans son approche. C’est une chose çà laquelle je suis attaché à la fois dans mon travail d’élu local et dans mes missions d’élu professionnel. » A la tête de la CAT, Jean-Virgile Crance travaillera en tandem avec Pierre-Louis Roucaries, élu président délégué de la confédération. Le bureau de la CAT est composé de Nicolas Dayot, Jean-Pierre Mas, Frédéric Aviérinos et Alex Maulin. Roland Héguy, de son côté, a été élu secrétaire général. Au total, la CAT réunit une quinzaine de fédérations qui représentent à elles toutes 40 000 entreprises dans le secteur du tourisme.

• Jean-Virgile Crance, président du GNC, Groupement national des chaines hôtelières – président de la CAT
• Pierre-Louis Roucariès, co-président d’UNIMEV, Union française des métiers de l’évènement – président délégué de la CAT
• Roland Héguy, président Confédéral de l’UMIH, Union des métiers et des industries de l’hôtellerie – secrétaire général de la CAT
• Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage – Vice-président de la CAT
• Nicolas Dayot, président de la FNHPA, Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air  et de l’ANAT, Association nationale des acteurs du tourisme – Vice-président de la CAT
• Frédéric Aviérinos, vice-président E2F (Entreprises Fluviales de France) – Vice-président de la CAT
• Alex Maulin, président des DSF (Domaines Skiables de France) – Vice-président de la CAT
• René-Marc Chikli, président du SETO 
• Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV, Fédération nationale des transporteurs de voyageurs
• Patrick Labrune, président du SNRT (Syndicat National des Résidences de Tourisme)
• Jean-Philippe Doyen, président de la branche Mobilité Partagée – Mobilians
• Georges Rudas, président de l’IFT, Institut français du tourisme
• Jean-Luc Michaud, président exécutif de l’IFT  
• Laurent Queige, Welcome City Lab / Paris&Co