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Les compagnies ferries gardent les pieds sur terre

Beaucoup de compagnies ferries ont développé une filiale tour-operating pour accompagner leurs clients une fois sur terre. Une manière de diversifier leur activité et de pousser leurs ventes dans les agences de voyages.

Si bon nombre de Français ont vécu leur premier mal de mer en ferry, lors d’un séjour linguistique en Angleterre, ils n’en sont pas rancuniers pour autant ! Chaque année, plus de 4 millions d’entre eux empruntent un bateau pour traverser la Manche et la Méditerranée. Cette fidélité, qui résiste à toutes les tempêtes (fin des zones détaxées, construction du tunnel sous la Manche, arrivée des transporteurs low cost, grèves répétées à la SNCM…), n’aurait sans doute pas été aussi constante si les compagnies ferries s’étaient contentées de vendre de simples traversées.

Pour doper leur activité et conserver leur clientèle, elles se sont en effet progressivement lancées dans la production, en développant de véritables filiales, proposant d’abord des excursions à la journée, puis des nuitées à l’hôtel et des locations sur plusieurs jours, et aujourd’hui des circuits à la carte et des autotours. Une manière de séduire plus particulièrement une clientèle familiale, pour qui le train ou l’avion sont souvent trop coûteux. Cette diversification permet par ailleurs aux compagnies ferries de communiquer habilement auprès des distributeurs et de s’assurer une présence plus marquée dans les agences, alors qu’elles ne réalisent qu’entre 20 et 30 % de leurs ventes via le réseau de distribution pour les simples traversées. Ce taux peut grimper à 80 % pour la vente de forfaits, avec des produits simples à vendre et clairement identifiés.

Les compagnies étrangères ont leur agent général…

Cette activité de tour-operating ne date pas d’hier. Elle suit de peu la création des compagnies ferries qui, à quelques exceptions près, remonte aux années soixante/ soixante-dix. Après avoir lancé la liaison quotidienne entre Saint-Malo et Jersey et Guernesey, il fallait bien trouver des arguments « terrestres » pour faire venir les Français sur les îles !

Car si le trafic du nord vers le sud se fait de façon naturelle, l’inverse est plus difficile, explique Jacques Videment, président de Morvan Fils à Saint-Malo, agent général portuaire de Condor Ferries. De fait, sur les lignes transmanche, les Français ne représentent que 20 % de la clientèle totale des ferries, l’essentiel venant du Royaume-Uni.

Ce métier de tour-opérateur se gère différemment d’une enseigne à l’autre. D’où un certain flou pour les agences de voyages (qui ne savent pas nécessairement chez qui frapper pour vendre un forfait incluant une traversée maritime), et des ventes qui demeurent encore trop faibles en volume.

Pour beaucoup de compagnies étrangères, c’est généralement un agent général qui les représente et les commercialise en France. Depuis 2002, Irish Ferries profite ainsi du savoir-faire de Bennett Voyages, qui habille les traversées du transporteur avec des prestations terrestres. La brochure est modeste (16 pages) et les formules d’hébergement se partagent entre bed & breakfast et location de cottages. Mais ça marche ! Cette année, le chiffre d’affaires réalisé avec Irish Ferries a progressé de 7 %, assure Jean-Marc Rozé, DG de Bennett Voyages. Dans certains cas, l’agent général s’avère être une agence de voyages. A Montpellier par exemple, Euromer représente près d’une trentaine de compagnies étrangères en Méditerranée, dont elle revend les traversées à l’ensemble du réseau de distribution.

… et les françaises ont opté pour une véritable filiale TO

Les grandes compagnies battant pavillon français ont pour leur part créé leur propre service production, qui s’est étoffé d’année en année. C’est le cas pour Brittany Ferries, SeaFrance, la SNCM ou l’anglo-normande Condor Ferries (basée sur l’île de Guernesey). En rachetant fin 2003 son représentant portuaire Morvan Fils et l’agence de voyages Morvan Fils Voyages, cette dernière a ainsi intégré une activité de production.

Riches de ces nouvelles compétences en tour-operating, certains transporteurs sont même partis chasser sur d’autres terres… que la mer ! A l’image de la SNCM qui, dix ans après sa création et quatre ans après celle de sa filiale de tour-operating, baptisée Ferrytour, édita une nouvelle brochure (Objectif Découvertes), avec cette fois-ci des forfaits pour la Corse construits uniquement avec un transport aérien. Aujourd’hui, Ferrytour fait voyager environ 20 000 clients par an et regroupe trois brochures : Ferrytour Vacances pour les forfaits maritimes, Objectif Découvertes pour l’aérien, et Croisières et Découvertes, une petite production sur les croisières à bord du Napoléon Bonaparte, qui séduit plus particulièrement les groupes ou les organisateurs d’incentive. Son chiffre d’affaires atteint 8 millions d’euros, contre 195,8 millions pour la SNCM (soit 4 % de l’activité). La moitié est générée par Ferrytour Vacances, mais c’est la production avion qui se développe le plus rapidement, confirme Guy Barbolini, directeur de Ferrytour.

Face à la SNCM, Corsica Ferries, l’irréductible compagnie ferry qui a longtemps résisté à l’appel de la production, s’est finalement lancée à son tour dans la bataille, mais via la vente en ligne. Sur son site Corsicaferries.com, en cliquant sur Come to Corsica, un panel de 150 villas à louer (que les propriétaires lui commissionnent à 20 %) et des locations de voiture s’affichent à l’écran…

SeaFrance fait du train une complémentarité

Chez SeaFrance, si la production maison SeaFrance Voyages (environ 15 000 clients par an) s’est réduite géographiquement après l’abandon de l’Irlande puis de l’Ecosse, les ventes se sont en revanche envolées lors de l’entrée de traversées transmanche en train dans la brochure. Aujour-d’hui, 75 % des forfaits vendus par SeaFrance Voyages sont des séjours à Londres. Et la plupart d’entre eux sont couplés avec un transport en Eurostar, précise Kathy Fleta, directrice du pôle commercial et développement chez SeaFrance. Pour elle, le train n’est pas nécessairement concurrent du ferry. Ce sont des moyens de transport complémentaires. Eurostar est idéal pour une escapade à Londres. Mais pour visiter le sud de l’Angleterre à son rythme et en famille, avec une voiture personnelle, le ferry convient mieux. A nous de proposer les deux pour répondre à l’ensemble de la demande.

Eurotunnel, low cost… la concurrence est rude

Peu concurrentes entre elles, à l’exception de SeaFrance, P&O et Hoverspeed, qui se partagent la traversée Calais-Douvres, et de la toute jeune Speedferries qui dessert la ligne Boulogne-Douvres (toute proche), les compagnies subissent surtout, en réalité, les assauts commerciaux du tunnel sous la Manche et des transporteurs aériens, en particulier low cost. D’après les statistiques 2004 de la revue professionnelle suédoise Ship Pax, Eurotunnel totalise ainsi près de la moitié du trafic France-Grande-Bretagne. Quant aux compagnies à bas prix (Ryanair vers l’Irlande, Easyjet pour l’Angleterre), elles affichent des tarifs et des durées de vol difficiles à concurrencer. Même si une île s’aborde forcément par la mer, pour la magie, comme aiment le répéter les compagnies ferries…

Par ailleurs, l’arrêt du duty-free sur les bateaux, exception faite des îles Anglo-Normandes qui ne subissent pas la législation douanière de l’Union européenne, a constitué une difficulté supplémentaire : selon l’association France Ferries et Croisières, qui regroupe une vingtaine d’adhérents, la vente de produits détaxés représentait 40 % du chiffre d’affaires des compagnies ferries avant 2000.

Raison de plus pour trouver des alternatives et offrir une production digne de ce nom, capable de capter les familles, notre principale clientèle. Nous avons parallèlement amélioré la rapidité et la qualité de nos bateaux : les cabines sont spacieuses, les équipements sont sensiblement identiques aux bateaux de croisière, avec piscine, cinéma, restauration soignée… Notre offre terrestre s’est également enrichie : nous proposons aujourd’hui plus de 2 000 adresses et 23 circuits différents en Grande-Bretagne et en Irlande, signale Nicolas Boutaud, directeur commercial passagers France chez Brittany Ferries. Et pour séduire des clients de plus en plus sensibles au prix, il garantit 15 % de réduction sur le tarif de la traversée lorsque ces derniers achètent aussi un hébergement.

Irish Ferries, qui ne s’est pas surnommée pour rien the low fares ferry company, baisse elle aussi ses tarifs face à la concurrence aérienne, et propose cet été une traversée France-Irlande à 98 euros l’aller simple (voiture et conducteur). Le transport maritime est à la recherche de nouveaux marchés et mise sur le haut de gamme, mais avec des prix plus agressifs. En resserrant les coûts, avec notamment une pagination plus réduite de notre brochure, nous nous positionnons sur les tarifs, affirme Jean-Marc Rozé.

De son côté, Condor Ferries se frotte les mains en attendant l’arrivée prochaine du TGV, qui mettra Paris à moins de trois heures de Saint-Malo. Une excellente raison pour développer le marché des courts séjours, assure Jacques Videment.

Les îles Anglo-Normandes un peu à la traîne

Ce marché des week-ends intéresse également tout particulièrement les autres compagnies qui desservent les îles Anglo-Normandes. Si Manche Ile Express, qui opère sur Jersey et Guernesey, ou Emeraude Ferries vers Jersey, n’ont pas de réelle activité de tour-operating (à l’exception de quelques excursions à la journée), c’est que la première est toute jeune (elle a été créée en avril) et que la seconde, l’ex-Emeraude Lines, a été rachetée par Sogestran en 2003, après avoir déposé le bilan. Mais plus tard, nous serons sûrement amenés à commercialiser des prestations complémentaires, avance Jean-Luc Griffon, directeur commercial de Manche Ile Express.

En attendant, les deux compagnies sont commercialisées par des agences de voyages locales : Boutin Voyages à Dinard, Pansart Voyages et Emeraude Vacances (l’ancien tour-opérateur d’Emeraude Lines, rachetée par le réseau Afat Voyages après son dépôt de bilan), à Saint-Malo.

L’arrêt du duty-free, qui représentait 40 %

du chiffre d’affaires des compagnies ferries avant 2000, a renforcé

la diversification.

Le transport maritime

est à la recherche de nouveaux marchés,

et mise sur le haut

de gamme, avec des

prix plus agressifs.

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