L’édito de Dominique Gobert : bon voyage, vieil ami…
Le monde du tourisme est en deuil aujourd’hui. Celui de la presse professionnelle est triste, si triste. Carlos Rodrigues (avec un « s »), photographe au talent incommensurable, est parti, tranquillement, samedi.
En toute discrétion, comme à son habitude. En bon homme de l’Ouest, il ne voulait pas qu’on le voit mourir. Mais comme avaient coutume de le dire les Sioux et les Cheyennes, « c’était un beau jour pour mourir ».
Carlito, c’est ainsi que nous le nommions dans notre petit milieu, est apparu dans notre univers de la presse un beau jour de mai, 1990 ou 1991, je ne me souviens plus. A l’époque, un fou génial (ce n’est pas incompatible) avait réuni une bande de dingos et créé « Les Bancs d’Essais du Tourisme ». Une sorte de 60 millions de consommateurs, destiné aux professionnels du marché.
Carlito revenait d’un voyage en Afrique. Il m’a présenté ses photos. En y repensant aujourd’hui, j’en ai encore la chair de poule : quelle beauté, quel regard, quel humanisme se dégageaient de ses portraits….
Lui, craintif comme un jeune chien, n’osait pas me regarder. Et, à chaque fois qu’il était intimidé, j’ai vu ses yeux rouler telles des billes de loto derrière ses lunettes. Quand je lui ai dit que ces images étaient fabuleuses, il ne savait pas quoi dire, un bégaiement irrépressible s’est emparé de lui. Il a fini par juste dire « merci », s’est levé et s’est dirigé vers la sortie. Je me suis contenté de lui dire « vous commencez demain » !
C’était le début d’une longue, mais trop courte amitié…
Carlito, beaucoup d’entre vous, beaucoup d’agents de voyages, l’ont connu pour avoir participé avec lui à de nombreux éductours, dont il revenait chaque fois chargé de ces regards uniques qu’il jetait sur les destinations et surtout, sur les peuples qu’il rencontrait.
Après les Bancs d’Essais, il avait collaboré pendant quelques années à la filiale d’Easyvoyage, média consacré aux voyages. Jean-Pierre Nadir, alors patron d’Easyvoyage, n’a jamais su qu’il disposait d’un artiste parmi ses collaborateurs. C’était Carlos, tellement modeste, tellement discret, qu’il ne voyait pas l’utilité d’être reconnu, alors que c’était une star de la photo.
D’ailleurs, il était absolument incapable de tirer un quelconque profit de ses œuvres. Lui, ce qu’il aimait, c’est que les autres puissent comprendre, découvrir, échanger avec des peuples différents.
Il collaborait aussi très régulièrement avec APG, dont il assurait la couverture régulière du World Forum, à l’époque le Cannes Airlines Forum. Que de bons moments vécus ensemble, que de rigolades, que de complicités et de fous rires, de joies, de peines aussi.
Carlito avait deux enfants qu’il aimait comme un papa voyageur peut aimer : avec pudeur, mais tellement profondément. Gabriel, Bettina, vous pouvez être très fiers de votre papa, c’est un homme que l’on est très honoré d’avoir connu, d’avoir été son ami.
Mamie Georgette, sa maman, Papa Manuel, il n’y a rien de pire que de voir son fils diparaître avant soi. Je vous embrasse.
Carlito, tu n’étais pas une « vedette » de la profession. Il était normal cependant que ce modeste hommage soit publié dans l’un des plus grands médias de la presse professionnelle française.
J’aurais cependant préféré ne pas avoir à écrire ces lignes.
Nous t’aimons Carlito. Puisse ton dernier voyage, toi le mécréant, te conduire vers le bonheur…
Merci pour ce témoignage, je découvre par hasard cet édito. Un si bel hommage pour cet humaniste. Mon mentor en photographie, une empreinte présente à jamais dans chacun de mes clichés.
Quel tendresse, quel sens de l’amitié bravo Dom