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Le virage durable

Le groupe Voyageurs a affiché de belles performances en 2006. Son PDG, Jean-François Rial, est convaincu qu’il est urgent d’élaborer un tourisme responsable et respectueux des cultures et de la planète.

Quel est le bilan du groupe Voyageurs pour 2006 ?

L’activité a été bonne, avec une croissance de 11 %, pour un bénéfice stable. C’est certes moins bien que les pure players Internet, mais mieux que les opérateurs classiques, et d’autant plus satisfaisant que nous avons quasiment stoppé la vente de vols secs, qui ne représentent plus que 2 % du chiffre d’affaires, contre 30 % il y a 10 ans. Le voyage sur mesure, avec les marques Voyageurs du Monde et Comptoir, augmente de 17 %, le voyage d’aventure avec Terres d’Aventure, Nomade et Déserts, de 15 %. Depuis le début de l’année, le groupe affiche une croissance de 15 % et nous sommes optimistes pour 2007.

Qu’est-ce qui a tiré la croissance du groupe ?

Nous sommes présents sur deux types de voyages porteurs, le sur mesure et l’aventure, soutenus par la notoriété croissante de Voyageurs. Ensuite, nous distribuons nos produits uniquement en direct, en combinant le développement de nos agences et de nos sites Internet, ce qui limite nos coûts de distribution à moins de 8 % et nous rend plus performants, en particulier pour vendre des produits pointus. Ce principe du click and mortar est très efficace, l’ouverture de points de vente dynamise Internet, comme nous le constatons quand nous nous installons dans une nouvelle ville. Les ventes en ligne ont représenté l’an dernier 22 % de l’activité pour le voyage sur mesure et 32 % pour l’aventure. Nous avons ouvert quatre agences en 2006 : trois Cités des Voyages pour les marques Voyageurs du Monde et Terres d’Aventure à Bordeaux, Rouen et Nantes, et un premier point de vente commun pour Comptoir et Nomade à Toulouse. Nous allons continuer à développer ces deux réseaux parallèles avec, à terme, un objectif de 30 agences. Une Cité des Voyages ouvre dans quelques jours à Montpellier, nous venons de signer pour un local à Bruxelles et cherchons un emplacement à Strasbourg. Au-delà, 65 % des ventes du créneau aventure devraient se faire via Internet d’ici cinq ans, et 50 % pour le voyage sur mesure. Nous n’excluons par de faire des acquisitions à l’avenir, mais uniquement sur notre coeur de métier.

Comment arrivez-vous à faire cohabiter dans le même groupe des marques concurrentes ?

Les positionnements sont différents. C’est vrai surtout pour Nomade, installé sur le créneau du petit prix, et Terres d’Aventure. Moins pour les marques Comptoir et Voyageurs. Pour ces dernières, c’est la perception du client qui diffère, Voyageurs ayant une image plus élitiste. Nous serons sans doute amenés, à l’avenir, à accroître les éléments de différentiation. Comptoir va devenir le spécialiste des voyages sur mesure pour tous les budgets et lancera bientôt de nouvelles destinations, comme l’Inde et l’Asie du Sud-Est. Je ne suis pas favorable aux synergies entre ces marques, sauf sur quelques points comme les affrètements aériens. C’est souvent la meilleure façon de démotiver les salariés. Nos équipes de production sont complètement indépendantes. Nous poussons cette logique jusqu’à avoir mis en place des directions distinctes, par binôme de marque. Mais, et c’est là l’essentiel, nous partageons avec mes associés (Alain Capestan, Loïc Minvielle, Lionel Habasque, Frédéric Moulin, NDLR) les mêmes valeurs. Ce n’est pas le profit qui nous motive, même si notre vision de l’entreprise, fondée sur des valeurs fortes, est justement la meilleure façon d’en faire. Le profit n’est pas une fin en soi, mais un moyen.

Parlons de votre engagement en faveur du tourisme durable, dont certains jugent qu’il est un moyen de faire parler de votre entreprise ?

Lorsqu’une entreprise développe des projets avec sincérité, ses clients et ses collaborateurs finissent par s’en rendre compte. Pour mes associés et moi-même, certaines valeurs ne sont pas négociables, comme l’engagement pour un tourisme durable. Ce sont des convictions profondes, qui donnent du sens aux profits. Nous avons eu un débat en interne. Nous avons tranché en considérant que l’inconvénient que l’on nous reproche de faire de la communication sur le sujet était mineur par rapport à notre volonté d’essayer de convaincre le plus grand monde. D’autant qu’au final, ces actions n’ont pas attiré beaucoup de clients supplémentaires dans nos agences pour le moment. En agissant ainsi, nous protégeons notre industrie à long terme, à notre échelle. De plus, notre démarche a la vertu de fédérer nos équipes, issues de 35 nationalités différentes.

Vous encouragez donc tous vos confrères à vous imiter ?

Oui, même les non-convaincus. Qu’ils le fassent alors même à des seules fins de communication ! C’est toujours mieux que pas du tout car le sujet est si grave qu’il faut en parler. Les entreprises du voyage sont face à deux problèmes majeurs qui auront des répercussions sur leur activité : la pauvreté et le réchauffement climatique. Concernant l’insoutenable rapport richesse/ pauvreté entre les pays du Nord et du Sud, il est question, au-delà de l’aspect moral, des graves risques de tensions que nous encourons. Les attentats ont augmenté de 40 % dans le monde l’an dernier. 50 % de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour et entrevoit, avec les moyens de communication modernes, les richesses du Nord. Elle est donc en état d’insurrection potentielle. Le tourisme a tout à y perdre. Si on ne se préoccupe pas de réaliser les objectifs pour le développement votés par l’ONU, on court à la catastrophe. 80 milliards d’euros sont nécessaires pour diviser par deux la pauvreté dans le monde d’ici à 2020. Les Etats se sont engagés à verser cette somme, mais en réalité on constate qu’ils n’en financent que la moitié. Il faut trouver d’autres moyens. D’où par exemple la contribution de solidarité sur les billets d’avion.

Elle continue pourtant d’être décriée ?

Sans doute par manque de pédagogie. Les compagnies aériennes n’ont rien à y perdre. La taxe de solidarité contribue à la stabilité dans le monde et ne crée ni distorsion de concurrence, ni risque de délocalisation. Un client français ne va pas prendre l’avion à l’étranger sous prétexte que cette taxe n’existe pas ailleurs ! Et elle ne pénalise pas l’activité des transporteurs, puisque ce sont leurs clients qui paient. Cet impôt de solidarité permettra de collecter 300 millions de dollars cette année. Si tous les pays l’appliquaient, nous lèverions 3 milliards de dollars par an. Au lieu d’hurler, les entreprises du tourisme pourraient convaincre d’autres industries de participer au financement des objectifs de l’ONU. Bref, elles devraient en faire un argument de communication. D’ailleurs, je constate que certains confrères sont moins virulents sur le sujet. 34 pays se sont désormais engagés à soutenir cette taxe, d’autres vont suivre. Les 300 millions de dollars financeront, via Unitaid, les traitements pour 250 000 enfants atteints du Sida, de la tuberculose et du paludisme. Les fonds sont utilisés de manière transparente, les coûts de gestion ne dépassent pas 3 % des sommes collectées. Mais cette taxe n’est qu’un premier outil. Il faut trouver d’autres sources de financement très vite, dans d’autres secteurs que le tourisme.

Que peut-on faire contre le réchauffement climatique ?

Selon un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), il faut baisser de 60 % les émissions de CO2 d’ici 2050 pour limiter le réchauffement de la planète à 2 °C et éviter les catastrophes les plus importantes, qui toucheront pour l’essentiel des pays du Sud et auront des conséquences sur le tourisme. L’industrie aérienne est responsable de 3 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale, mais de 5,7 % au niveau de l’Europe. Selon une étude de Deutsche Bank, ce pourcentage devrait grimper à 25 % en 2050. Pour autant, le développement durable ne doit pas être synonyme de diminution des voyages en avion, mais de développement raisonné. Les émissions de CO2 peuvent diminuer de 30 % à trafic constant grâce, par exemple, à une plus grande fluidité des mouvements et à la mise en place d’un ciel unique européen pour optimiser les routes. Nous avons à ce titre besoin d’un troisième aéroport parisien, indépendant d’Aéroports de Paris, un monopole aux prix exorbitants pour un service objectivement faible et ce quelles que soient les responsabilités. Il faut aussi inciter les clients à racheter les émissions de CO2 induites par leurs voyages, en effectuant des dons à des ONG qui financent des projets équitables, comme l’aménagement d’éoliennes. Si rien n’est fait, la situation va devenir critique. A terme, l’avion pourrait être interdit pour des trajets de moins de 1 000 km, une taxe fiscale sur le kérosène instaurée…

Quelles sont concrètement les actions de Voyageurs ?

Nous avons des projets d’ordre humanitaire, essentiellement des financements d’écoles, avec 100 000 E de dons chaque année. Par ailleurs, nous compensons désormais les émissions de CO2 liées aux déplacements professionnels de nos collaborateurs, soit 70 000 E par an versés à une ONG. Nous invitons nos clients à en faire autant. S’ils veulent racheter à 100 % leurs émissions de CO2, le surcoût par voyage varie entre 50 à 100 E. 5 % acceptent de faire un geste, avec une compensation totale ou partielle. Mais nous pensons rapidement en convaincre 35 %, grâce à la simplification de la procédure. Nous sommes en train d’obtenir un agrément du ministère de l’Economie afin de collecter nous-mêmes les sommes pour le compte du Groupe Energies Renouvelables et Solidarité (Geres) alors que, jusqu’à présent, nos clients devaient effectuer un second paiement auprès d’un autre prestataire. Si tous compensaient leurs émissions de CO2, nous collecterions 6 ME par an ! Reste que cela ne suffit pas. Un voyage solidaire et équitable s’entend surtout dans son contenu, dans les retombées locales qu’il génère, son écologisme, le respect des partenaires sur place… En caricaturant, vous pouvez fabriquer un voyage très peu équitable et verser 50 E pour financer une ONG… histoire d’avoir bonne conscience. Il faut aussi souhaiter que l’Association pour un tourisme responsable, à laquelle Voyageurs du Monde vient d’adhérer, ou son équivalent, devienne une norme unique qui fédéreraient petits et grands TO. On peut tous faire du tourisme durable, y compris de masse, c’est une question de volonté.

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