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Nicolas Vanier : « Il faut payer le juste prix du voyage »

L’aventurier du Grand Nord, Nicolas Vannier, a présidé le jury des IVèmes Trophées du tourisme responsable organisés par Voyages-sncf.com. En s’impliquant dans le tourisme, il espère nous pousser à changer notre façon de voyager. D’après lui, c’est vital pour la terre, son océan de destinations, et les peuples du monde.

L’Écho touristique : Lors de vos expéditions dans le Grand Nord, vous avez observé les conséquences du réchauffement climatique. Quelles sont les plaies les plus notables de la Terre ?

Nicolas Vanier : Le permafrost, c’est-à-dire le sous-sol gelé, est en train de fondre dans beaucoup de zones. Tout ce qui tient dessus dans le Grand Nord, comme les forêts et les villages, s’enfonce. C’est assez dramatique. La banquise d’été aura disparu dans une quinzaine d’années, ce qui entraînera sans doute l’extinction de certaines espèces animales, dont l’ours polaire, et l’apparition de réfugiés climatiques.

Le développement du trafic aérien est-il incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l’environnement ?

Nicolas Vanier : C’est une question très intéressante à se poser. Je suis contre l’idée de tout arrêter, sous prétexte qu’il y a des drames liés au réchauffement climatique. Nous ne devons pas cesser de partir en vacances à l’étranger ou de manger de la viande. Il faut raison garder, et voyager de manière plus responsable. Partir un week-end aux Seychelles pour faire du golf n’est plus possible. Nous pouvons toujours partir loin, mais longtemps, après avoir soigneusement préparé notre voyage. On tire davantage de profit en séjournant quelque part trois semaines, plutôt que quatre fois cinq jours. Et il est impossible de comprendre un territoire sans essayer de comprendre les peuples qui l’habitent. C’est toute ma vie.

Quels voyages faut-il proscrire ?

Nicolas Vanier : Ce qui me révolte surtout, ce sont les complexes touristiques reproduisant, très loin, la façon dont nous vivons chez nous. Ce sont des espèces de ghettos. Hormis le soleil, les touristes qui s’y rendent ne voient rien du pays. Voilà le type de voyages qu’il faut condamner.

Pourquoi avez-vous accepté de devenir président du jury des Trophées du tourisme responsable ?

Nicolas Vanier : Les Trophées du tourisme responsable participent à ce que j’ai envie d’encourager. J’ai des enfants, j’espère qu’ils voyageront avec le même plaisir que moi. Pour cela, nous devons agir, et faire connaître au plus grand nombre des actions comme celles qui ont été récompensées lors des Trophées.

Au regard des Trophées et des dossiers que vous avez eus entre les mains, les professionnels du tourisme vous semblent-ils engagés ?

Nicolas Vanier : Dans l’ensemble des secteurs, tout le monde se saisit du développement durable. Parfois par opportunité, parfois par conviction. Dans les dossiers que j’ai vus, ceux défendus par conviction étaient les plus nombreux. Mais peu m’importe. Seul le résultat compte. Aujourd’hui, les nomades éleveurs de rênes vivant en Sibérie se moquent de notre prise de conscience, tout comme les ours polaires. Ce qu’ils veulent, c’est que le monde change. Or je constate avec beaucoup de bonheur que tout le monde se met au développement durable.

Pensez-vous que les contributions obligatoires ou volontaires, via Unitaid ou MassiveGood, par exemple, applicables aux voyageurs puissent favoriser le développement durable du tourisme ? Ou s’agit-il de coups d’épée dans l’eau ?

Nicolas Vanier : L’océan a besoin de gouttes d’eau. Il faut très largement s’attaquer aux problèmes liés à la problématique environnementale, et vite. Je pense malheureusement que nous allons tout droit vers des restrictions, qui conduiront éventuellement les entreprises comme les particuliers à devoir calculer leurs émissions de CO2, et à être taxés dessus. Cela ne me gêne pas. Mais j’aimerais croire que l’humanité est capable d’agir autrement, et de changer la donne sans contraintes. Dans l’idéal, je ne suis pas pour un caractère obligatoire. Je prône davantage une écologie positive, joyeuse, volontaire. D’ailleurs, de nombreux consommateurs deviennent responsables, et favorisent des produits comme des voyages peu énergivores.

Que pensez-vous de la compensation carbone ?

Nicolas Vanier : Au-delà du principe de la compensation carbone, les énergies fossiles sont vendues à un prix inférieur à leur réelle valeur. Au niveau du pétrole, on consomme en un jour, à l’échelle de la planète, une quantité que la terre met environ 450 ans à produire. On devrait inclure dans le prix du pétrole le coût de son remplacement, et notamment une partie de la recherche qui permettra à nos enfants de voyager demain, en voiture ou en avion, avec d’autres sources d’énergie. Il faut payer les produits à leur juste prix. Il est ahurissant de voir qu’on peut effectuer un aller-retour à Marrakech pour moins de 100 E. Ce n’est pas le juste prix. On devrait beaucoup plus taxer le voyage.

Croyez-vous aux labels ?

Nicolas Vanier : Je crois beaucoup aux labels, dans tous les domaines. Les consommateurs détiennent le pouvoir. Pour qu’ils puissent punir certains produits et en encourager d’autres, il faut qu’ils aient des informations, ce qui passe par des labels lisibles, grâce à un étiquetage clair. Lors du Grenelle de l’environnement, j’ai proposé que nous ayons, à côté du prix en euros sur chaque produit, un prix environnemental. Avec une monnaie, l’éco, qui serait un indice du coût environnemental. Nous aurions un prix en euros, et un en écos. Nous pourrions ainsi labelliser les produits, de la motte de beurre aux produits touristiques.

Quel touriste êtes-vous ?

Nicolas Vanier : Quand je reviens du Grand Nord, j’essaye de m’appliquer à moi-même ce que je recommande aux autres. Dans notre famille, nous avons passé toute notre vie à la moulinette du développement durable. Cet été, nous nous sommes appliqué à rester dans notre nouveau camp du Vercors, qui est une vitrine pédagogique du développement durable applicable à son chez soi.

Quelle est la vocation de votre camp du Vercors ?

Nicolas Vanier : J’avais un camp au Québec, à partir duquel on proposait des randonnées en traîneaux à chiens. Nous l’avons rapatrié en France, notamment parce qu’il faut mettre en pratique ce que l’on recommande aux autres : je ne voulais plus que mes clients prennent l’avion, qu’ils brûlent du pétrole, pour venir voir mes chiens. Notre camp a désormais l’avantage d’être à trois quarts d’heure d’une gare TGV. Nous y montrons combien les montagnes du Vercors sont belles, combien la faune est riche, tout en présentant les pratiques à déployer chez soi ou dans son entreprise pour réduire sa facture environnementale. Notre capacité d’hébergement est de 20 à 25 personnes, mais on accueille des classes et des séminaires allant jusqu’à 60 participants. Nous vendons nos séjours en direct sur le site du camp.

Avez-vous d’autres projets

Nicolas Vanier : Si le camp de montagne du Vercors fonctionne bien, j’aimerais ensuite en ouvrir deux autres en France : un au bord de la mer et un à la campagne.

Vous adorez les chevauchées en traîneaux à chien et à cheval. Condamnez-vous les expéditions en motoneige ?

Nicolas Vanier : Surtout pas ! Mais la motoneige doit être utilisée pour des déplacements indispensables, et elle doit évoluer, comme les voitures. Dans le cadre de mes films, j’ai moi-même utilisé des motoneiges 4 temps, qui consomment deux fois moins de carburant. Je peux comprendre que les gens aiment les sensations créées par la conduite de ces engins. Mais je ferai tout pour convaincre ces personnes, du fait que nous apprécions bien mieux un paysage en traîneau à chiens ou à cheval.

« Il est ahurissant de voir qu’on peut effectuer un aller-retour à Marrakech pour moins de 100 E. Ce n’est pas le juste prix. On devrait beaucoup plus taxer le voyage. »

 

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