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À quoi sert la recherche dans le tourisme ?

Le monde universitaire et le monde de l'entreprise ont du mal à collaborer malgré quelques exemples réussis. Résultat, la recherche dans le secteur est jugée insuffisante et peine à être reconnue.

La question fait sourire les universitaires. La recherche sert « évidemment » à produire des connaissances qui ont vocation à être partagées. Elle contribue aussi au développement de l'activité économique et aide les entreprises. Pourtant, d'après les universitaires, la recherche française est « insuffisante ». Pire, les entreprises ne s'y intéressent pas. Ces deux mondes auraient pourtant tout à gagner à se rapprocher. La revue Mondes du Tourisme, seule à faire autorité en France, donne un exemple des derniers papiers publiés : « Patrimoines gastronomiques et développement local : les limites du modèle français de gastronomie élitiste » ou « Tourisme sportif et construction de l'altérité dans les espaces de pratique : le canoë en France et en Zambie » ou encore « Acteurs, gouvernance et dynamiques de projet dans la concurrence des territoires en tourisme ». En France, les chercheurs travaillent sur une palette très large de sujets. Parmi les plus connus, Franck Michel et Jean-Didier Urbain ont beaucoup écrit sur les pratiques et représentations des voyageurs ou sur les motivations réelles et affichées des touristes. D'autres publient régulièrement des articles sur les nouvelles pratiques des touristes, leurs comportements et leurs attentes. Nombre de recherches concernent l'adaptation des territoires, des institutions et des entreprises face au développement durable et aux nouvelles pratiques. « Il y a deux domaines vers lesquels s'orientent la recherche, le développement durable et les sciences de gestion », confirme Jean-Pierre Lozato-Giotart, responsable du pôle Tourisme de l'université Sorbonne Nouvelle – Paris 3.

Le tourisme n'est pas une science

Les universitaires avouent toutefois que la recherche française est « insuffisante par rapport aux autres pays », « peu reconnue » et pas à « la hauteur du poids du tourisme dans le pays ». Environ 160 chercheurs ayant publié sur le tourisme sont recensés dans le pays sur un total de 5 300 dans le monde. « Mais on doit compter une vingtaine de chercheurs spécialisés en France qui sont actifs », affirme Jean-Pierre Lozato-Giotart. Un écart énorme, par rapport à des secteurs comme l'aéronautique ou l'agriculture, qui s'explique par plusieurs facteurs.

« On s'est posé la question, dans les années 2000, de savoir si le tourisme était une science. Mais il y a eu un consensus pour répondre que non », explique Philippe Calot, professeur à la France Business School. Le manque de reconnaissance, la question de la nature multidisciplinaire de l'étude du tourisme et celle de la notation des revues sont autant de freins pour le développement de ces recherches. « Il existe peu de revues, c'est-à-dire des publications avec validation par les pairs pour publier nos travaux », précise Cécile Clergeau, directrice du département Tourisme à l'université d'Angers. Autre problème majeur, la structure même du secteur du tourisme, qui compte 250 000 PME et TPE. « Les grandes entreprises ont accès aux travaux de chercheurs mais les TPE n'y pensent pas et n'ont pas forcément les moyens ni le temps », estime Philippe Calot. Les collaborations menées sont pourtant fructueuses. Angers Expo Congrès travaille ainsi avec une doctorante sur la mise en place d'une démarche RSE. « C'est une bonne formule, explique le directeur du centre, Christian Groll. Cela nous permet d'avoir quelqu'un qui a une méthode, qui prend le temps de connaître l'entreprise et d'analyser les pratiques, et qui nous suit pendant trois ans. Pour le doctorant, cela permet de s'appuyer sur un cas concret pour sa thèse ». Ce partenariat réalisé via un contrat CIFRE (Conventions industrielles de formation par la recherche) est aussi intéressant financièrement puisque le coût résiduel pour l'entreprise ne représente même pas un Smic. Mais à la différence des institutions, ces exemples sont très rares dans les entreprises. De manière générale, seuls quelques grands groupes comme Accor, Disney, TUI Travel PLC ou Amadeus ont des départements recherche et innovation et collaborent avec les chercheurs.

Les associations, le lien entre les deux univers

Certains essayent donc de rapprocher ces deux mondes. L'AsTRES (Association tourisme, recherche et enseignement supérieur), créée en 2010, se veut un « espace d'échanges et de réflexions entre chercheurs, étudiants, professionnels et institutionnels ». De son côté, Cécile Clergeau vient de créer l'Afmat (Association francophone de management du tourisme) avec le même objectif.

D'autres estiment que le problème est lié à la recherche en tourisme elle-même. « On est dans des sciences humaines. Est-ce que la recherche dans ce secteur est aussi importante que dans l'aéronautique ou la santé ? », s'interroge Emmanuel Foiry, PDG de Kuoni France. Gaëtane Gambier-Thurot, directrice de la recherche pour l'ESCAET, accompagne les étudiants dans leurs travaux de « recherche appliquée » dans les entreprises avec des sujets comme « La mise en place d'une stratégie et d'un pilotage achat optimisés dans le cadre de l'assistance à une clientèle Corporate et Loisirs » ou « Comment inclure dans l'offre de service d'une TMC des produits additionnels et quelles stratégies adopter ? ». Des cas concrets et plus proches des problématiques des entreprises que les thèses de certains chercheurs.

« Certes, nous sommes en dehors des standards universitaires pour qui une « recherche n'existe que si elle est publiée ». Encore faut-il que la publication tous azimuts ne soit pas faite uniquement pour faire valoir le chercheur vis-à-vis des autres chercheurs et du monde scientifique. Malheureusement, la dérive est constatée chaque jour au vu de certains contenus d'articles de recherche », conclut Gaëtane Gambier-Thurot.

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