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Réchauffement climatique : la glaciologue Heïdi Sevestre invite les pros du ski et du tourisme à agir

C’était l’invitée d’honneur des récentes Universités du tourisme durable. Très chaleureuse, Heïdi Sevestre a pourtant jeté… un certain froid en partageant les risques auxquels la Terre est exposée.

Heïdi Sevestre est glaciologue et spécialiste des enjeux climatiques. Une passionnée des glaces, de l’eau et du vivant. Et même si le changement climatique l’alarme, c’est avec un large sourire qu’elle tente de convaincre tout le monde à l’action. A commencer par les 460 participants aux Universités du tourisme durable, réunis par les Acteurs du Tourisme Durable à Aix-les-Bains les 21 et 22 septembre 2023.

« Cette neige, cette glace, c’est ce qui est le plus précieux sur terre. 70% de nos réserves d’eau douce sur terre sont coincées dans la neige et la glace. Ces paysages hypnotisant de beauté, on en a énormément besoin aujourd’hui. Pas seulement pour le tourisme mais pour nos besoins de tous les jours. »

Or le réchauffement climatique est à l’œuvre, ce qui entraîne canicules, inondations, incendies. « Si on continue à brûler du charbon, du gaz, du pétrole, la nature étant généreuse, nous aurons de plus en plus de phénomènes météorologiques extrêmes. Ça risque de devenir la norme de nos étés. Imaginez l’impact de ce genre d’événements sur les touristes et les habitants, et le coût des réparations. »

« On a perdu une trentaine de jours de neige »

Native d’Annecy, Heïdi Sevestre a bien sûr évoqué les montagnes, et notamment les Alpes. Rappelant au passage que, l’hiver dernier, les stations avaient manqué de neige au début de la saison. Selon une étude scientifique portant sur les stations d’Europe, réalisée sur 600 ans, « on a perdu une trentaine de jours de neige sur 150 ans », explique-t-elle.

Or la montagne française a bâti tout un écosystème autour de la glisse. Le « sujet du ski » est « ultra épineux et clivant », reconnaît-elle, avant d’évoquer La Clusaz. Là où un projet de retenue collinaire – pour la neige de culture, l’agriculture et l’eau potable – divise la population comme les élus.

« La Clusaz est devenue la CluZAD – zone à défendre – pendant quelques mois : beaucoup d’organisations environnementales ont tenté de faire barrage à l’installation d’une retenue collinaire. » Pourquoi ? Cette retenue risque d’être construite à côté d’une zone humide, « ce qui pourrait bloquer l’accès en eau de cette zone humide ». Impensable pour la glaciologue. « Une zone humide, c’est de loin ce qu’il y a de plus précieux sur terre », pour sa biodiversité, comme zone-tampon de l’eau, et puits de carbone.

Ski : gare à la mal adaptation

La jeune femme met également en garde contre les fausses bonnes solutions, soit la « mal adaptation » face au dérèglement climatique. En témoignent ces immenses bâches blanches posées sur la neige. Un procédé très efficace pour empêcher la fonte, mais à l’origine de quantités stratosphériques de microplastiques rejetés dans la nature.

En prenant un peu de hauteur, Heïdi Sevestre tire la sonnette d’alarme pour les stations de montagne en général. « On est sur une trajectoire de perte de la grande majorité des glaciers des Alpes d’ici fin de siècle. »

Or un glacier comme celui du Rhône irrigue le tourisme, l’agriculture, et permet de refroidir les centrales nucléaires. « Comprenez l’importance de nos glaciers. A nous de décider collectivement si nous voulons voir les Alpes avec ou sans glacier. C’est aujourd’hui que cela se décide. »

Le Groenland menacé de disparition

L’Arctique, où elle habite, représente l’épicentre du changement climatique. Là-bas, depuis les années 60, le thermomètre a gagné 5 à 6 degrés Celsius. Dans ces terres glacées, la vieille banquise, « c’est notre climatiseur naturel. C’est notre meilleure alliée pour temporiser la quantité de chaleur qu’on reçoit du soleil. Or on est en train de l’atomiser. En 40 ans, on a déjà perdu 40% de la superficie de la banquise en Arctique. Ça, on le ressent jusqu’ici en France, à Aix-les-Bains. » Dômes de chaleur, canicules, sécheresses, inondations en sont les expressions, « ce qui détruit une économie, traumatise les touristes et les résidents. »

Selon la glaciologue, le Groenland risque d’ailleurs de fondre totalement. Ce qui entraînerait 6 à 7 mètres d’élévation du niveau des mers (voir le graphique ci-dessous). L’île de Ré, la Camargue, Venise font partie des nombreux territoires susceptibles d’être submergés.

« Le tourisme fait partie de la solution »

« Que fait-on pour s’adapter ? interroge la spécialiste. L’avenir dépend de nous, et de nos émissions de gaz à effet de serre. On a vraiment besoin de passer à la vitesse supérieure. A nous de prendre nos responsabilités. »

Graphique sur les émissions de GES présenté par Heïdi Sevestre, auteur du livre « Sentinelle du climat » © LL

 

Au cas où nous n’aurions pas compris le message, la Savoyarde ajoute qu’un carottage en Antarctique prouve qu’il y a « 3 millions d’années que nous n’avons pas eu autant de CO2 dans l’atmosphère ».

La spécialiste des glaciers a ajouté une note positive pour le secteur : « le tourisme fait partie de la solution, parce que c’est une plateforme d’éducation et de sensibilisation extraordinaire ».

Sa conférence, aux Universités du tourisme durable, elle l’a conclue par une citation de l’ingénieur sénégalais Baba Dioum : « On protège ce que l’on aime. On aime ce qu’on comprend. On comprend ce qui nous a été enseigné ».

« J’espère que vous allez garder cette citation tout au fond de votre cœur, que vous allez sensibiliser et agir face au changement climatique, et faire en sorte de préserver les ressources sur terre. » Ce qui lui a valu un tonnerre d’applaudissements.

« L’effondrement du Groenland » est un scénario considéré inéluctable dès 2 degrés de réchauffement climatique.© LL

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