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Les agences doivent affronter les juges de proximité

Les origines : Les juridictions de proximité ont été instituées en 2002. Elles traitent de petits litiges de la vie courante, souvent relatés par des consommateurs qui demandent réparation.Les faits : Vols non effectués, hôtels insalubres, défaut d’information, d’intempéries… Les voyageurs saisissent les juges de proximité pour demander réparation. L’attitude : Les agences doivent se défendre à l’audience et bien préparer leurs dossiers,

«Les tribunaux de proximité sont un scandale, lâche sans détour Richard Vainopoulos. Leurs juges ont en général une méconnaissance totale de la loi ». Le président de TourCom dit tout haut ce que nombre de professionnels du voyage pensent tout bas. Un juge de proximité, kesako ? C’est un magistrat à temps partiel, qui statue sur les petits litiges de la vie quotidienne n’excédant pas 4 000 E (sauf exceptions), selon une procédure rapide. C’est simple comme un clic de souris, ou presque. La saisine est expliquée, par le menu, sur le site officiel de l’administration française. La présence d’un avocat n’est pas obligatoire, auquel cas la partie demanderesse n’a rien à débourser.

Les juridictions de proximité ont été instituées par la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002. L’un des objectifs était de désengorger les tribunaux d’instance. Les juges de proximité sont souvent recrutés dans la société civile, parmi des praticiens du droit. « Ce sont parfois d’anciens avocats ou d’anciens magistrats, indique Jean-Pierre Le Lausque, avocat des agences TourCom. Un grand nombre d’entre eux connaissent le droit, pas tous. À l’origine, il était prévu que ce soient des juristes de formation. Mais ce n’est pas toujours le cas. » Danièle Wunenburger, juge de proximité à Colmar pendant l’équivalent d’une semaine par mois, est salariée dans une société d’assurances. « Je fais des mois de cinq semaines », s’amuse-t-elle. Pourquoi ? « Par conviction, répond-elle. Je suis une ancienne conseillère prud’homale ». Détentrice d’une licence en économie, elle justifie d’années de pratique dans la protection juridique. Une expérience qui ne convainc pas tout le monde.

Moins de dix ans après leur création, les tribunaux de proximité font toujours l’objet de critiques de la part des magistrats de carrière et des entreprises qui sont attaquées. Dans le voyage, les consommateurs toquent à leurs portes pour divers motifs : défaut d’information, hôtel non conforme au descriptif de l’établissement, voyage non effectué. Les cas se sont multipliés ces derniers mois suite à l’éruption du nuage de cendres. Le Snav a à sa connaissance une vingtaine d’agences qui se sont retrouvées devant un juge de proximité. « L’an dernier, j’ai plaidé dans le cadre de plusieurs litiges qui sont nés des conséquences du nuage et des chutes de neige en fin d’année », confirme Jean-Pierre Le Lausque. Souvent, les voyageurs gagnent les quelques centaines d’euros réclamés. Les juges de proximité sont-ils consuméristes ? Oui, répond Emmanuelle Llop, avocate au sein du cabinet Clyde et Co, pour une raison simple : « Les litiges soumis opposent souvent le pauvre consommateur au professionnel avide de gains et de gestes commerciaux. » Le juge accordera foi au demandeur sur la base de photos, de témoignages d’autres vacanciers, d’avis de clients laissés sur des sites.

JUSTIFIER SA POSITION

Dans ce cas, comment les agences doivent-elles gérer, au mieux, les litiges ? Tout d’abord, avant le voyage, il faut border ses dossiers, insiste Me Le Lausque. « L’agence doit bien renseigner le client, et conserver les traces de cette transmission des informations. » C’est connu : les écrits (signés) restent, alors que les paroles s’envolent. Ils aideront la défense, le jour de l’audience, qu’il est utile de préparer en amont. « Les juges de proximité traitent d’affaires très variées : sur des loyers, des prêts, des litiges entre voisins, rappelle Emmanuelle Llop. Il faut leur expliquer le droit applicable dans notre secteur. L’agence doit venir à l’audience, en justifiant sa position. Soit elle a les capacités de le faire, soit elle se fait représenter. Dans tous les cas, il faut y aller ! »

Ne l’oublions pas, les juges de proximité sont des voyageurs qui s’identifient aux plaignants. Souvent, ils sont irrités par le silence des professionnels suite à de premières réclamations adressées par courrier. « Les professionnels du voyage font souvent preuve d’une certaine désinvolture », regrette Danièle Wunenburger. Alors qu’une solution à l’amiable serait souvent un bon moyen de désamorcer les conflits. Mais les professionnels ne doivent pas pour autant s’avouer d’emblée vaincus. Dans un jugement du 12 avril, un client a été débouté de l’intégralité de ses demandes. L’agence de Nouvelles Frontières, auprès de laquelle il réclamait 490 E de dommages et intérêts, a de fait gagné la partie.

Le plaignant était revenu d’un voyage en Turquie avec trois jours de retard, suite à l’éruption du volcan islandais. Le juge Danièle Wunenburger, en charge de l’affaire, motive sa décision : « Le client n’avait pas justifié sa réclamation. Un préjudice doit être non seulement chiffré, mais aussi justifié ! De plus, il faut être sévère avec les professionnels, mais ces derniers ne peuvent pas être responsables de l’éruption d’un volcan ! Nous sommes dans un cas de force majeure. » France Pierret, juriste au sein du Groupement des unions nationales des agences et organisateurs de voyages de l’Union européenne (Ectaa), précise : « La directive voyages à forfait prévoit que le TO est exonéré de sa responsabilité si une situation de force majeure l’empêche d’exécuter tout ou partie du contrat. Dès lors, le consommateur ne pourra prétendre à une indemnisation de l’éventuel préjudice qu’il aurait subi en raison de la mauvaise exécution du contrat.

La directive des voyages à forfaits prévoit toutefois que, s’il y a une situation de force majeure, le tour-opérateur doit venir en aide au consommateur en difficulté. Mais pour nous, cette aide n’est pas de nature financière. » Pourtant, la majorité des jugements en décident autrement (voir encadré). « Il y a une application un peu empirique de la force majeure, qui est très souvent écartée, pour que soit allouée une indemnité à la victime », relève Me Le Lausque. Les jugements des tribunaux de proximité sont rendus en dernier ressort, l’appel étant impossible. Par conséquent, si elles veulent les contester, les parties défenderesses doivent se pourvoir en cassation. Ce qui est très rare. « Aller en cassation coûte cher, rappelle Danièle Wunenburger et la requête ne sera pas forcément retenue ». Océane Voyages a pourtant décidé de tenter le coup. Dans un jugement du 31 août 2010, l’agence lilloise a été condamnée à payer à un client le remboursement des frais engagés. Bloqué à La Réunion par le nuage de cendres qui empêchait tout retour en avion vers Paris, le client a dû prolonger son séjour et louer une voiture pour regagner la capitale depuis Marseille où a atterri son vol retour. Et c’est bien ce changement d’aéroport qui est la cause de la condamnation de l’agence. Le juge a en effet estimé qu’en application de l’article L 211-15 du Code du tourisme « ramener son client à son point de départ est un élément du forfait touristique et que faute de pouvoir exercer cette prestation, l’agence de voyages doit proposer dans l’attente de ce retour du client une solution d’hébergement gratuite (…) L’article L 211-16 du Code du tourisme, qui exonère l’agence de voyages en cas de force majeure, n’est pas applicable à l’hypothèse prévue à l’article L 211-15. « Le Snav est convaincu qu’il s’agit d’un cas de force majeure et que, par conséquent, l’agence n’a pas à prendre en charge les frais supplémentaires dépensés sur place », explique Valérie Boned, secrétaire générale déléguée du Snav. Pour l’exemple et surtout pour espérer une jurisprudence, le Snav a décidé de soutenir l’agence Océane Voyages dans son pourvoi en cassation et prend à sa charge les frais de procédure (environ 6 000 E pour chaque partie). « Nous voulons obtenir une réponse claire car les tribunaux de proximité rendent des jugements aléatoires, qui vont dans un sens et dans l’autre », souligne Valérie Boned. « Nous le faisons pour protéger la profession car si la force majeure n’est pas reconnue dans un tel cas, nous pouvons fermer nos agences », justifie pour sa part Marie Lévêque, directrice de l’agence Océane Voyages de Lomme. Le jugement est attendu l’an prochain.

« À l’origine, il était prévu que ce soient des juristes de formation. Mais ce n’est pas toujours le cas. »

« Aller en cassation coûte cher, rappelle Danièle Wunenburger et la requête ne sera pas forcément retenue. »

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