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Rachid Gorri : « Le tourisme Français souffre de quatre hémorragies permanentes »

Rachid Gorri, consultant International en développement du tourisme et de l’immobilier, pointe les contradictions du développement touristique de la destination France. Et notamment de l’Occitanie, qui concentre les paradoxes avec un potentiel énorme, mais gâché, estime-t-il. Nous publions la tribune qu’il a adressé à L’Echo touristique.

L’Occitanie, représente-t-elle une réelle opportunité à saisir ou une menace permanente pour le tourisme régional en particulier et le tourisme Français en général ? Le tourisme français souffre de quatre hémorragies permanentes qui profitent aux destinations concurrentes. Avec en premier lieu l’Espagne, dont le point hémorragique le plus saillant du territoire français est la région Occitanie. Mais elle n’est pas la seule concernée. L’Angleterre vient en deuxième : son point hémorragique est la région les Hauts de France. Le problème est similaire, à une échelle moins importante, du côté Italie et Suisse, dont les points hémorragiques sont le PACA et, dans une moindre mesure, l’Auvergne-Rhône-Alpes.

Véritable passoire, l’Occitanie représente une aubaine pour l’Espagne, qui cueille les touristes français et européens avec une facilité déconcertante ! Ce pays profite de cette chance extraordinaire qui s’offre à lui depuis des décennies : recevoir des centaines de milliers de touristes européens qui viennent de tous les coins d’Europe chaque année, sans avoir à investir le moindre euro pour les conquérir. Ces touristes – Européens ou en provenance d’autres régions du monde – touchent à peine le sol français qu’ils rêvent déjà de se retrouver en Espagne ! L’Espagne, leur destination préférée, où ils pourront passer 15 à 21 jours les pieds dans l’eau en payant 30% moins cher qu’en France, tout en profitant de davantage de prestations. Ils font un petit geste, tout de même, pour la destination France : une ou deux nuitées en Occitanie avant de rejoindre l’Espagne. On s’arrête donc en France pour faire étape.

Italie, Suisse, Angleterre et Espagne : pays sangsues du tourisme français ?

Le transport, facteur d’échec dans ce cas, n’a pas que des avantages. Comme tout projet important, Il possède aussi des inconvénients difficiles à prévoir pendant les phases de conception et de réalisation. C’est ce qui s’est passé, par exemple, pour le TGV Paris-Londres ou Lille-Londres. Cela ne profite qu’au TGV, mais pas au tourisme ! Bien au contraire ! Idem pour les autoroutes et certains aéroports. On peut dire sans rougir que ces projets créent des sangsues au plan touristique. On constate des baisses de Revpar (Revenu par chambre disponible) dans le segment de l’hôtellerie et de l’hébergement en général, qu’on arrive difficilement à expliquer et par ricochet, le rétrécissement de la DMS (Durée moyenne de séjour) dans les régions frontalières. Cela justifie partiellement les recettes excellentes des pays comme l’Espagne, l’Italie ou l’Angleterre. Comparés à la France en termes d’attrait et de potentiel touristiques, ces pays restent des nains par rapport à l’énorme potentiel français. En termes de dommages collatéraux, nous observons une fragmentation effrénée du produit touristique français, une absence, insuffisance et inefficacité des tours-opérateurs chargés de promouvoir les régions en question. A juste titre, car ce n’est pas rentable pour eux.

Le tourisme en Occitanie n’a pas su se remettre en question

Une saisonnalité accrue et toujours persistante, pas de renouvellement en termes de prestations de services, de management ou d’innovation. Pas de tentatives de lissage des saisons comme d’autres destinations le font et le réussissent bien, d’ailleurs. Pourquoi l’Occitanie est-elle dans une situation paradoxale ? Parce que cette région offre un potentiel touristique important, tout en sombrant malgré tout dans une saisonnalité prononcée avec des produits touristiques qui datent… Les types de managements et d’organisations des entreprises touristiques de cette région, professionnels comme institutionnels sont historiquement de type artisanal ou familial. Les uns comme les autres, n’ont pas su se remettre en question. Avec l’aide de l’Etat et la volonté de l’ensemble des acteurs du secteur, car il s’agit de colmater une hémorragie touristique nationale, cette région peut agir sur des leviers spécifiques à son tissu économique (leviers qui demeurent inconnus par les décideurs), pour augmenter la durée moyenne de séjour qui, de facto retiendra les touristes et enclenchera le lissage de la saisonnalité. Des outils existent, ils sont nombreux : analyse et sélection des segments de produits touristiques cohérents, distribution touristique spécialisée de type « package », management touristique – à ne pas confondre avec le management des activités de productions touristiques… La liste est longue.

Mais je n’irai pas plus loin dans les outils de sauvetage de la région. Le but de cette tribune est avant tout d’attirer l’attention de l’ensemble du cluster du tourisme régional. Le travail est énorme, mais le jeu en vaut la chandelle !

Rachid Gorri, consultant international en développement du tourisme et de l’immobilier

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