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Le match France-Allemagne : des modèles touristiques inconciliables ?

Le contexte : Les réservations en France patinent alors que les professionnels du tourisme allemand enregistrent une progression de leur chiffre d’affaires de près de 10 %.Le constat : En Allemagne, le TO est roi : Il produit, encaisse, rémunère… À l’inverse de la France où ce sont les distributeurs qui ont la trésorerie. L’enjeu : Retrouver la croissance. Le tourisme français doit-il s’inspirer du modèle allemand pour y parvenir ?

Tout au long de la campagne, les candidats se sont positionnés par rapport au modèle économique allemand. Le secteur touristique n’échappe pas à la règle, notamment dans l’aérien. Air France rappelle volontiers les efforts consentis par les personnels de Lufthansa, notamment sur la nouvelle base de Berlin, pour justifier les gains de productivité demandés par la direction dans son plan Transform 2015 (voir encadré). Si les transporteurs aériens peuvent s’inspirer les uns les autres tant ils partagent plus ou moins le même environnement économique, avec des contraintes similaires comme le prix du pétrole, les mesures de sûreté, les règlements européens, etc., les autres activités touristiques ont des caractéristiques bien marquées par leurs marchés nationaux. Peut-on parler d’exemple allemand dans le tourisme, autrement qu’en citant les ténors que sont TUI ou Thomas Cook (autrefois Karstadt-Quelle) et surtout leurs échecs actuels en France ?

« Je connais bien les tours-opérateurs allemands car je les vends. Et quel bonheur ! Ils sont flexibles, rapides, efficaces. Via le logiciel Bistro (le « TravelOffice » allemand, ndlr) on a accès aux disponibilités de quasiment tous les tours-opérateurs. On peut comparer chaque hôtel, imprimer ou envoyer par e-mail des devis propres pour nos clients… C’est vraiment agréable ! En tant qu’agent de voyages on passe pour de vrais professionnels ! Je pense que la France devrait s’inspirer du modèle allemand en matière de tourisme ».

Ce cri du coeur d’une agence de voyage française aux TO d’outre-Rhin, c’est un peu celui de Nicolas à Angela ! Ah, si on pouvait faire aussi bien que les Allemands…

Il est vrai qu’en 2011, les professionnels allemands ont encore cartonné : selon le DRV (le SNAV local), le chiffre d’affaires des voyagistes a progressé de 9 %, à 23,3 milliards d’euros, et celui des agences de voyages a cru de 9,5 %, à 22,4 milliards d’euros. Alors, oui vertueux et enviable apparaît le modèle touristique allemand, mais très spécifique. De là à le dupli-quer…

UN MARCHÉ EXTRÊMEMENT CONCENTRÉ

Pour comprendre comment s’est construit le modèle allemand, il faut partir du marché local naturellement orienté vers un tourisme émetteur, à la différence de la France et des pays latins, qui bénéficient d’une situation climatique privilégiée.

Avec un taux de départ à l’étranger de 69 %, tous types de voyages confondus, les Allemands sont des grands voyageurs comparés aux Français, qui affichent un taux de départ à l’étranger de 24 %.

Ils partent, de plus, de toute l’Allemagne avec pléthore d’aéroports de proximité (quand Paris et l’Île-de-France trustent chez nous toute la clientèle) et à bord de compagnies touristiques dédiées. Cette forte demande des consommateurs pour le voyage a historiquement facilité l’émergence de gros tour-opérateurs industriels qui traitent un marché de près de 30 millions de clients annuels ! Il suffit de consulter le Top Ten 2011 des TO allemands pour prendre conscience du fossé : les 5 premiers opérateurs réalisent quelques…13 milliards d’euros de chiffre d’affaires quand les 80 TO du Ceto ont dégagé un volume d’affaires de 5,7 milliards d’euros au cours de l’exercice 2010-2011 (1er novembre-31 octobre). « Les opérateurs outre-Rhin bénéficient d’un effet de masse mais aussi d’une meilleure répartition des vacances », note Jürgen Bachmann, secrétaire général du Ceto. « Il y a une linéarisation de l’utilisation des capacités facilitée par la structure fédérale du pays quand en France tout est très concentré, notamment l’été sur 5 semaines ». Puissants, les tour-opérateurs le sont aussi car ils sont technologiquement très avancés.

À LA POINTE DE LA TECHNO

L’Allemagne a, en effet, très tôt su relever le défi de l’automatisation des forfaits. Dès 1988, les procédures de saisie et d’affichage sont devenues standardisées pour la vente de packages. C’est ainsi que, bien avant leurs homologues français, les TO allemands ont réduit leurs coûts de plateaux téléphoniques. Aujourd’hui, Amadeus domine le paysage de l’automatisation des forfaits, sous la marque TravelTainment, qui coiffe la technologie Bistro dédiée aux agences de voyages. Le GDS européen a d’ailleurs essayé dès 2008 d’imposer TravelTainment en France. Mais cette technologie n’est pas vraiment adaptée au marché français, à la production moins formatée.

« Si les grands groupes allemands ont du mal à s’implanter en France, c’est parce que leur modèle ne s’applique pas au nôtre qui est atomisé et régionalisé comme en Espagne et en Italie », objecte Georges Colson, président du SNAV.

Selon, le DRV, l’Allemagne compte pourtant 2 050 TO, dont 60 dirigent le marché, et 10 200 agences de voyages, réparties quasi exclusivement dans sept grands réseaux. Très peu d’entre elles sont encore indépendantes.

LES TO SONT RESPONSABLES

Pourtant, les agences en Allemagne ne sont que de simples intermédiaires, le contrat liant directement le client au TO qui a donc ses coordonnées (impensable en France !) et encaisse lui-même les acomptes. « Les TO allemands n’ont pas de problèmes de trésorerie », remarque un TO français, « l’argent est chez eux. Ils se contentent de verser leurs commissions aux agences 30 jours après le retour du client, ça change tout ! On peut considérer que c’est un système vertueux puisque c’est celui qui a l’argent qui prend les risques. Pas comme en France où la distribution étouffe les voyagistes ! ». Le système de rémunération est d’ailleurs différent avec des taux bien plus faibles qui expliquent aussi que les voyages soient meilleur marché. Le taux de base est aux alentours de 7 à 8 % et grimpe rarement au-delà de 12 à 13 % même avec les surcommissions. Les TO généralistes arrivent donc à dégager des marges de l’ordre de 2 à 3 %, quand celles des TO spécialistes tournent autour de 5 %. « Les TO peuvent payer leurs fournisseurs avant le départ ce qui leur permet d’avoir de meilleurs prix. Ils font des dépôts et anticipent à l’inverse de la France où l’on négocie des délais de paiement », note Georges Colson.

UN SYSTÈME COLLABORATIF

Du coup, l’early booking est la règle. Attirés par les offres promotionnelles des TO, les Allemands réservent leurs vacances estivales six mois avant le départ. Les ventes en ligne font bien une percée pour la réservation de produits simples mais « 95 % des forfaits continuent d’être vendus par les TO et les agences », précise Jürgen Büchy, président du DRV.

Et tout le monde travaille avec tout le monde. TUI Allemagne, le seul à avoir un important réseau intégré, privilégie ses agences mais sans exclusivité. Ce système collaboratif (les stocks hôteliers sont ouverts à tous, les vols touristiques accueillent les clients de tous les TO) semble une douce utopie comparée à la situation française.

Mais, contrairement à l’idée reçue, le modèle allemand n’a rien de monolithique. Bien sûr il y a le géant TUI mais il y a encore de la place pour une myriade de petits TO qui vivent plutôt bien à l’ombre des groupes puissants. « On commet d’ailleurs une erreur quand on assimile le tourisme allemand uniquement à des grands groupes industriels et qu’on dit qu’ils ont échoué en France », note Jürgen Bachmann. « TUI France n’existe pas encore. Marmara est une très belle réussite et NF n’a qu’hérité d’une situation passée difficile. Quand à Thomas Cook France, il n’est pas du tout structuré comme TC Allemagne ». À chaque opérateur donc de s’adapter à son marché.

Avec un taux de départ à l’étranger de 69 %, tous types de voyages confondus, les Allemands sont des grands voyageurs comparés aux Français.

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