Guerre en Ukraine : les conseils d’Emmanuelle Llop
L’invasion militaire russe en Ukraine a forcément des conséquences sur l’activité des professionnels du voyage. Compagnies interdites, frais d’annulation, remboursement… Emmanuelle Llop, avocate spécialisée en droit du tourisme au sein du cabinet Equinoxe, fait le point.
L’Echo touristique : Le Seto a suspendu les départs à destination de l’Ukraine et de la Russie jusqu’au 7 avril 2022. Mais certains clients, dont le départ est prévu après cette date, pourraient être refroidis par le conflit entre les deux pays… Que conseillez-vous comme réponse ?
Emmanuelle Llop : Je leur conseille pour l’instant d’attendre. Les obligations en termes d’annulation, pour les professionnels du tourisme comme pour leurs clients, qui sont liées à des circonstances exceptionnelles et inévitables, prévoient l’exclusion de frais de remboursement… en fonction de la date de départ. Souvent, les barèmes d’annulation des contrats se basent autour de J-30 avant la date de départ. C’est d’ailleurs pour cela que le Seto formule des recommandations mois par mois. Il faut donc attendre la date de départ, et faire le point à ce moment-là. Annuler une réservation déjà effectuée pour le mois de juillet, par exemple, obligerait les professionnels à prendre des frais d’annulation. Si le voyage n’est pas réalisable à la date prévue pour ce genre de circonstances, la loi prévoit le remboursement sans frais des clients. Je suggère donc d’attendre, sauf meilleur accord commercial bien évidemment.
Et quels frais s’appliquent pour les clients qui ont réservé des voyages dans des pays limitrophes, comme la Pologne, et qui ne souhaitent plus partir à destination ?
Emmanuelle Llop : Dans l’état actuel des choses, ce sont les frais prévus par le contrat signé. Je tiens à alerter ceux qui voudraient annuler des voyages en Pologne ou en Suède par exemple : ces pays ne sont pas en guerre. Tout est question de savoir si le voyage est possible ou non, au moment où il est prévu. En fonction de l’évolution de la situation, peut-être que des ajustements au cas par cas seront faits. Mais, pour l’instant, il n’y a aucune raison d’annuler sans frais un voyage prévu dans ces destinations. Sauf si, encore une fois, un accord est trouvé entre un client et un professionnel du voyage. Mais on ne peut pas obliger un tour-opérateur ou une agence à rembourser sans frais un voyage prévu dans un pays limitrophe.
36 compagnies aériennes, dont Air France, ont été bannies du ciel russe. Quelles sont les obligations de remboursement de ces compagnies aériennes ?
Emmanuelle Llop : Comme le prévoit la loi européenne, les compagnies aériennes ont une obligation de remboursement sous 7 jours. Dans l’aérien, on parle de « circonstances extraordinaires » plutôt que de « circonstances exceptionnelles et inévitables ». Dans les deux cas, ces circonstances ne sont jamais précisées : le texte ne dit pas s’il s’agit d’une guerre, d’une catastrophe naturelle ou d’une pandémie par exemple. Si le vol est annulé à cause de ces circonstances extraordinaires, alors les compagnies aériennes ont une obligation de remboursement du client sous 7 jours. C’est le règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004 qui encadre ces situations. Ainsi, comme pendant la pandémie, les compagnies aériennes doivent rembourser leurs clients.
Avez-vous un conseil particulier à donner aux professionnels du voyage, pour les aider à accompagner leurs clients dans cette nouvelle situation de crise ?
Emmanuelle Llop : Malheureusement, on pourrait demander conseil aux professionnels du tourisme, tant ils ont pris l’habitude de gérer des crises de toute sorte. Quoiqu’il en soit, je leur recommande de faire preuve d’une transparence totale avec leurs clients. Ils doivent exposer la situation telle qu’elle est factuellement, juridiquement, avant d’envisager, pourquoi pas, de trouver une solution commerciale. Mais toujours avec une très grande transparence. Il est important que les clients sachent qui fait quoi, à quelle date. Il faut assumer ces informations, même quand on ne les a pas, auquel cas il faut être transparent et le dire aux clients. Evidemment, personne n’ignore la situation en Ukraine. Mais les clients, et c’est compréhensible, s’inquiètent aussi pour leurs vacances, l’argent qu’ils ont déjà dépensé. Seul un échange d’informations précises et actualisées permettra d’améliorer la compréhension entre les clients et les opérateurs dans ce genre de situation.
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