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SNCF contre e-agences : l’autre bataille du rail

Karavel et lastminute reprochent à la SNCF de bloquer l'accès au système de vente de billets de train et ont saisi le tribunal de commerce de Paris. Les différends avec le transporteur se multiplient. L'ouverture du marché ferroviaire à la concurrence pourrait amplifier le phénomène.

La SNCF devra s'y habituer : compte tenu de la fonte rapide des profits obtenus par le TGV depuis deux ans, le transporteur rivera son oeil, avec toujours plus d'inquiétude, sur son baromètre des ventes de billets de trains. L'activité Voyageurs, qui a été presque sa seule source de bénéfices au cour des années de profits 2007 et 2008, s'avère hautement stratégique, autant que la maîtrise des produits proposés. Pour accroître son chiffre d'affaires, elle a ainsi décidé, à partir de 1993, d'ouvrir son offre à la distribution. Mais sans en perdre le contrôle, notamment tarifaire, surtout depuis que les agences ont commencé, en 2006, à fixer des frais de services sur les billets de train. La SNCF surveille donc son offre de près. Normal, diront certains. De trop près répondent Karavel et Lastminute.com. Les deux groupes ont engagé, cet été, une procédure contre la société nationale auprès du tribunal de commerce de Paris, et réclament 74 ME (46 ME pour le premier et 28 ME pour le second) pour réparation d'un préjudice commercial subi depuis 2002, occasionné par un « abus de position dominante dans les ventes de billets de train en ligne », reconnu par une décision de l'Autorité de la concurrence du 5 février 2009. « Cette décision n'est pas une condamnation, justifie Valérie Assayag, directrice des ventes Groupes à la SNCF. Nous avons proposé des solutions pour rendre le marché encore plus équitable sur notre propre initiative. »

 

« LES CONDITIONS NE SONT PAS RÉUNIES »

 

Un « Petit Poucet » du Web, l'agence de voyages Capitainetrain.com a pris la SNCF au mot et a donc décidé de lancer son projet. Mais rapidement, un dialogue de sourds s'est installé. « Dix-huit mois auront été nécessaires pour créer un accès réel au produit Ravel* Gold, pourtant commercialisé par la même SNCF », rappelait son responsable, Valentin Surrel en juin dans nos colonnes (L'Écho touristique n°2946). Une campagne virale sur le Net plus tard, le précieux rendez-vous est obtenu en moins de 24 heures et le contrat envoyé dans la foulée. Malgré ce premier pas prometteur, Capitainetrain.com déchante vite. « Les conditions tarifaires et techniques ne sont toujours pas réunies, nuance Valentin Surrel. Nous ne pouvons pas accéder au système central Résarail, certaines fonctionnalités ne sont pas disponibles, alors qu'elles le sont sur Voyages-sncf.com, les frais d'accès sont élevés et rendent difficiles les conditions de rentabilité et enfin, nous sommes obligés de passer par un prestataire technique, VSC Technologies, une filiale de notre principal concurrent en ligne… Voyages-sncf.com ! » Sous couvert d'anonymat, des directeurs d'importantes agences en ligne confirment que le mal persiste : le marché de la vente de billets de train auprès du grand public a été concentré de fait dans les mains de Voyages-sncf.com. Tous ont tenté, au début des années 2000 ou plus récemment, après la décision du Conseil de la concurrence, d'intégrer le produit train dans leur production. « D'autres produits ont nourri notre développement, nous avons abandonné le train », ajoute un autre responsable. C'est, en substance, ce qu'a souligné la décision en rappelant que « l'entente anticoncurrentielle [entre la SNCF et Expedia, ndlr] a affecté le marché français », « en dissuadant les agences de voyages en ligne de distribuer des billets de train », ce qui a eu « un effet structurant ». « Mais des opérateurs comme Karavel ou lastminute nous vendent très bien, dénonce Valérie Assayag. Nous avons voulu les associer à nos innovations comme l'e-billet en leur demandant d'être agences pilote, mais nous n'avons jamais reçu de réponse ». Et elle évoque une procédure opportuniste de la part de Karavel et lastminute. Pourtant l'abus de position dominante dénoncé par l'Autorité de la concurrence ne concerne pas seulement les agences en ligne. La juridiction précise : « les titulaires de la licence Ravel ont été gênés dans la distribution de certains billets de train et ont réduit le nombre de transactions qui auraient pu être conclues ». Une pierre lancée dans le jardin du Syndicat national des agents de voyages (Snav), à qui la SNCF a garanti l'accès total de son offre via Ravel, mais qui n'a pas défendu les titulaires des licences face à ce manque à gagner ? Pas vraiment. Selon le transporteur, seules 250 agences ont choisi cette solution, dont une poignée pour les versions les plus évoluées. « Elle est présentée comme non évolutive par la SNCF », confirme un expert. En revanche, le Snav s'est montré plutôt discret dans son soutien aux agences de voyages en ligne contre la SNCF. Pour lui, la solution est peut-être ailleurs…

 

DES SERVICES À COÛTS ÉLEVÉS

 

Le salut des e-agences viendra probablement des GDS. En effet, la SNCF s'était engagée à définir avec eux les conditions d'un accès direct à Résarail, et donc à fournir aux intermédiaires une alternative à Ravel. Le pas a été franchi avec Sabre et Amadeus. Si la SNCF était déjà disponible sur les GDS, son accès n'était pas des plus souples. En fournissant l'accès à Résarail, les GDS peuvent développer des Web services. « Grâce à nos développements sur cette brique technologique nous avons été les premiers à faire un affichage comparé entre l'avion et le train pour le portail loisirs de Selectour », explique Claire Gagnaire, directrice de Sabre en France. Pour Amadeus, ce sont aussi ces Web services qui permettent « l'intégration des dossiers rail dans un seul et même PNR », ajoute Arnaud Debuchy, PDG d'Amadeus France, dont la solution Rail sera intégrée sur le portail Afat. Déjà proposés par la SNCF, ces services présenteraient un coût trop élevé à développer par ses services comme par les distributeurs. « Nous avons l'expertise technologique pour le faire », surenchérit Arnaud Debuchy. Charge aux GDS d'appliquer leur schéma tarifaire basé sur le nombre de transactions réalisées et de trouver la bonne formule commerciale. De plus, dans la perspective de l'ouverture internationale des marchés ferroviaires, les sociétés de chemin de fer ont tout intérêt à intégrer les systèmes globaux pour diffuser rapidement leurs produits sur les mêmes circuits que ceux de leurs concurrents. Dans ses conditions, l'avenir de Ravel pourrait bien ressembler à celui du Minitel. « L'évolution récente du marché va nous pousser à mener des évolutions sur tous les canaux de distribution », reconnaît la SNCF. Mais les agences de voyages resteront un canal de distribution important, au moins autant qu'aujourd'hui. » Les e-agences ne demandent que ça.

* Ravel : Réservation des agences de voyages en ligne, le système qui permet aux agences de voyages de vendre le train sur leurs sites Internet.

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