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Dans le secret du lobbying européen

Les associations représentatives de l'industrie touristique ont leurs entrées à Bruxelles. Malgré un lobbying actif, beaucoup de pédagogie, de persévérance et de diplomatie, elles peinent à faire entendre leur voix. Illustration avec la directive Voyages à forfait.

C'est un travail au long cours, et son résultat est encore flou. L'adoption, le 4 décembre, par le Conseil européen d'une orientation générale portant sur la révision de la directive Voyages à forfait a nécessité plus d'un an et demi de négociations entre les professionnels du voyage et les instances politiques communautaires. Et le travail législatif n'est pas achevé : cette proposition de directive (56 pages en anglais) va faire l'objet, au premier trimestre 2015, de négociations en trilogue avec la commission européenne et le parlement. Motivée par le développement des ventes en ligne et par la libéralisation du secteur aérien, la directive doit clarifier la protection des voyageurs et la responsabilité des professionnels dans la vente de forfaits ou de prestations de voyages assistées. Le process législatif européen sera couronné, au mieux, en 2018 avec la transposition de la directive dans les droits nationaux des 28 États membres. Mais, pour l'heure, les acteurs de l'industrie touristique ne sont pas satisfaits.

La responsabilité du vendeur fait débat

« Depuis que les négociations ont commencé mi-2013 au niveau européen, nous avons toujours été attentifs à la notion de la responsabilité du vendeur », rappelle Raoul Nabet, président de l'APST. « Des industriels du tourisme allemands et britanniques souhaiteraient la transférer au producteur. En France, nous défendons un autre point de vue parce que nous tenons à réduire le risque en cas de grosse faillite », explique-t-il. « Grâce à nos actions de lobbying, nous espérons que les différents systèmes continueront de cohabiter selon les habitudes de chaque pays ». À Bruxelles, c'est l'Egfatt (Association européenne des fonds de garantie voyages), qui représente les intérêts de l'APST et de ses homologues belge, néerlandaise, irlandaise, suisse et britannique. Alain Verwilghen, son secrétaire général, est l'un des 4 982 lobbyistes accrédités auprès du Parlement européen. Le 12 mars 2014, quand l'assemblée parlementaire définit sa position, Alain Verwilghen était dans les travées à Strasbourg. La journée était déjà cruciale pour l'industrie du tourisme. La rapporteure, l'élue allemande PPE (Parti populaire européen) Birgit Collin-Langen, présentait un texte modifié par 435 amendements, reflets des priorités des groupes politiques et des lobbies actifs auprès des instances européennes. 141 amendements ont été adoptés, au terme d'un débat complexe.

Le texte n'est pas satisfaisant

Les enjeux défendus par l'Egfatt et l'APST ont été entendus. Mais les négociations ont continué d'achopper sur le degré d'harmonisation souhaité au sein du marché unique, défini dans son article premier : le texte n'est pas jugé satisfaisant. « Les députés sont pourtant assez demandeurs de nous rencontrer », confie Alain Verwilghen. Comment rendre les élus sensibles à ses arguments, rédiger des amendements et trouver les porte-parole qui sauront les défendre ? « J'ai travaillé en 2013 avec Philippe Juvin, l'élu du PPE, membre de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, et avec la socialiste Bernadette Vergnaud », raconte le secrétaire général de l'Egfatt. « Cette dernière n'a pas été réélue cette année, au mois de mai. Il faut nouer le contact avec les successeurs qui reprendront le dossier dans les commissions au parlement. Il va encore falloir faire preuve de pédagogie avant la publication de la version définitive de la directive, que j'estime possible en juin 2015 », résume Alain Verwilghen.

Un secteur méconnu

« Le chantier de la révision de la directive de 1990 est ouvert depuis quatre ou cinq ans », rappelle Valérie Boned, secrétaire générale déléguée du Snav, en charge des affaires juridiques. « Notre industrie a évolué mais elle n'est pas tellement connue par les députés européens. Nous continuons d'organiser des rencontres pour leur faire part de notre inquiétude. Le Snav, l'APST et le Seto se sont coordonnés pour parler d'une seule voix et signer des courriers en commun. Une autre technique, efficace, consiste à passer par les instances du ministère en France, qui constituent un lien pérenne avec la représentation permanente de la France à Bruxelles », rapporte Valérie Boned. Du côté des tour-opérateurs, la puissante association bruxelloise Ectaa (European Travel Agents and Tour Operators Association) a assuré une veille politique au second semestre 2014. Avec une bonne dose de réactivité. « Tout a été adopté très vite », observe Benoît Chantoin, juriste salarié de l'association. « Les Italiens ont provoqué des réunions à un rythme hebdomadaire, en apportant à chaque fois de nouveaux éléments qui risquaient de déséquilibrer l'ensemble de l'ouvrage ». Résultat, une déception collective : le 4 décembre, l'Ectaa déplorait un accord « précipité et dommageable pour l'ensemble de l'industrie touristique, par défaut d'études d'impact sur les nombreuses décisions prises ces dernières semaines ». « Ce texte risque de ne pas contribuer à la compétitivité de l'industrie touristique », a regretté Lars Thykier, président de l'Ectaa. L'Hotrec, l'association qui représente, au niveau européen, 42 syndicats professionnels nationaux de l'hôtellerie, des restaurateurs ou des cafetiers, a fait le même constat. « Le compromis proposé par la présidence italienne interdit, de fait, certaines offres promotionnelles, qui ne sont pas considérées comme des forfaits par la directive de 1990 », critique Christian de Barrin, président de l'Hotrec.

Le problème de la présidence tournante

Au Conseil européen, les présidences tournantes tous les six mois présentent un risque pour les lobbyistes : tout devoir recommencer à chaque fois. « Les Italiens n'ont pas beaucoup consulté les consommateurs ni les industries. Matteo Renzi, président du Conseil, a simplement donné la consigne de boucler le dossier avant fin décembre », regrette Benoît Chantoin. Le front commun organisé par les 70 000 entreprises européennes du tourisme, avec cette instance représentative fondée en 1961 et dotée d'un budget évalué à 400 000 euros, peut encore jouer en sa faveur. « Le parlement aura un pouvoir d'amendement limité en 2015, sur ce texte qu'il a déjà voté en mars 2014 », rappelle Benoît Chantoin. « Il y a plusieurs grands sujets sur lesquels les professionnels du tourisme doivent rester attentifs : le niveau d'harmonisation, le champ d'application de la directive, la garantie de protection financière, la responsabilité du vendeur, la définition de la force majeure. Si on accepte le compromis italien, le texte définitif ne sera pas assez clair ».

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