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Assurance : la tentation du B2C

Constat : Marges en baisse, sinistralité en hausse… : les résultats financiers des assureurs se sont fortement dégradés ces dernières années.Contexte : La distribution des assurances voyage est majoritairement aux mains des professionnels du tourisme, dont les niveaux de rémunération sont très élevés.Question : Pour gagner davantage, les assureurs lorgnent de plus en plus vers la vente directe. Mais à quel prix ?

Après trois ans de crise économique, le cri d’alarme des compagnies d’assurance voyage se fait désormais strident. Ventes en baisse, marges compressées, hausse de la sinistralité… : les résultats financiers sont partout décrits comme en forte dégradation. « On a atteint les limites de l’exercice, résume Nicolas Delorme, directeur commercial d’Axa Assistance France. Il faut désormais revenir à de meilleurs équilibres. » Il ne suffit pas de pousser très loin la conversation pour comprendre que les équilibres dont parlent les assureurs ne portent pas seulement sur le rapport entre ce qu’ils gagnent (les primes perçues) et ce qu’ils paient (les sinistres), mais aussi sur la répartition entre leurs marges et celles de leurs distributeurs, à commencer par les agences de voyage « Ces derniers font peser depuis quelques années une très grosse pression tarifaire sur les assureurs », reprend Nicolas Delorme. Résultat : les intermédiaires empochent entre 40 et 70 % du prix d’un produit d’assurance, qu’il s’agisse de commissions versées par les compagnies ou de marges fixées par eux-mêmes lorsque leurs fournisseurs vendent en prix nets. Un niveau de rémunération qu’aucun autre produit n’est capable de générer dans le monde du tourisme.

Mais ce qui était acceptable dans un contexte économique plus avantageux ne l’est plus aujourd’hui. « Alors que les assureurs ont rogné leurs prix, les tarifs publics pratiqués par les intermédiaires, eux, n’ont pas baissé, et l’on s’interroge sur la capacité des clients à acheter à de tels prix », dénonce Céline Chopin, directrice commerciale de Mondial Assistance. À trop vouloir gagner, les distributeurs seraient-ils donc en train de tuer la poule aux oeufs d’or ? Charles-Henri de Laporte, directeur commercial de l’Européenne d’Assurances, est plus nuancé : « Les intermédiaires veulent aussi faire du volume, donc ils n’ont aucun intérêt à ce que les assurances soient trop chères. » Chez Europ Assistance, la question de la rémunération des revendeurs est même évacuée d’un revers de main. « On n’a pas de problème là-dessus », promet Sylvain Rouffaud, directeur commercial et marketing d’Europ Assistance France.

Reste que tous les assureurs ont désormais engagé un mouvement de renégociation des contrats. L’heure est au mieux au rééquilibrage, au pire à la dénonciation des moins rentables. Mais de là à croire que les compagnies sont en passe de reprendre la main face à leurs revendeurs, il y a un pas. Car les professionnels du tourisme contrôlent aujourd’hui la quasi-totalité de la distribution d’assurance voyage en France, maintenant leurs fournisseurs dans une position de grande dépendance. « La preuve, c’est que tous les assureurs continuent à se ruer sur le moindre appel d’offres », remarque Matthieu Drouet, directeur général du courtier TMS-Contact.

Incapables de faire le coup de force face à leurs clients B2B, les compagnies d’assurance ont donc décidé de desserrer l’étau par un biais détourné : le canal B2C. Même si le mouvement n’est pas encore pleinement engagé, la quasi-totalité d’entre elles reconnaissent travailler au développement de leurs ventes directes. Seule Groupama Assistance Voyages dit pour l’instant ne pas vouloir s’y mettre, bien qu’Arnaud Visbecq, son directeur général, avoue qu’il « vendrait beaucoup plus en passant par le B2C ». À l’inverse, Europ Assistance fait partie des plus volontaristes en la matière. Fruit de son histoire, la compagnie a toujours été présente sur ce segment, mais la création, en juin dernier, d’une direction « Ventes directes et réseaux » témoigne de la volonté de la marque d’accélérer le mouvement. « Nous avons une base de clientèle fidèle et demandeuse, attachée à la marque, et qui doit donc être en mesure de trouver chez nous une offre individuelle », justifie Sylvain Rouffaud.

Pour Matthieu Drouet, de TMS-Contact, ce mouvement est inéluctable. « On sera tous forcés d’y aller un jour ou l’autre parce qu’il y a une génération croissante de voyageurs qui ne passent pas par les agences », prédit-il. Sauf que pour l’instant, c’est via le canal B2B que la majorité des ventes se font. D’où un véritable casse-tête pour les assureurs. « Les professionnels du voyage ont créé chez les consommateurs cette habitude qui consiste à acheter une d’assurance comme une extension à l’achat d’un voyage, explique Nicolas Delorme, chez Axa Assistance. Donc il est très difficile de positionner l’assurance comme un produit à part entière. » En clair, les assureurs mesurent qu’en se lançant sur le B2C, ils vont devoir affronter la concurrence directe de leurs propres clients B2B. Au risque, donc, de voir les gains de marges qu’ils auront réalisés en s’affranchissant des intermédiaires être engloutis en dépenses de communication pour exister sur le marché. « Le B2C est un canal très consommateur en termes d’investissement marketing, confirme à ce propos Nicolas Delorme. Même avec une marque reconnue, il faut alimenter en permanence la visibilité. » Chez Axa Assistance, on préfère donc, pour l’instant, ne pas engager de dépense somptuaire. Dans un premier temps, le site B2C de la marque restera non-marchand et c’est sur la force de frappe de sa maison mère, l’assureur Axa, doté d’un site marchand et d’un réseau d’agences physiques, que l’assisteur compte s’appuyer pour pousser les ventes directes.

Mais pour éviter la concurrence frontale avec le canal B2B, certains assureurs envisagent aussi d’actionner d’autres leviers, notamment en jouant sur la différentiation des produits. Le sujet est par exemple en cours de réflexion chez l’Européenne d’Assurances. « On regarde de manière forte vers le B2C mais on sait qu’on n’a pas une très grande notoriété auprès du grand public, donc on cherche les bons ingrédients, confie Charles-Henri de Laporte. On se demande en particulier s’il faut vendre en direct les mêmes produits qu’en B2B, au risque de nous mettre en porte-à-faux vis-à-vis de nos distributeurs, ou s’il vaut mieux proposer des produits de niche. » Offrir en B2C quelque chose de différent, c’est aussi ce que cherche à faire Europ Assistance. La rénovation du site marchand de l’assureur, l’an dernier sur la partie loisirs et cette année pour le marché affaires, va dans ce sens : permettre la construction de produits sur-mesure, avec des types et des niveaux de garanties pouvant être définis par l’acheteur lui-même. « On constate qu’un client B2C sur deux modifie le produit standard qui lui est proposé et dans 70 % des cas, c’est pour l’étoffer, se réjouit Nicole Pochat, directrice marketing et communication de la marque. C’est le genre de souplesse plus difficile à faire passer en agences de voyages car l’acheteur n’a pas directement la main et le vendeur ne veut pas passer beaucoup de temps sur la vente d’assurance. »

Mais quelle que soit la stratégie adoptée, il y a une constante à laquelle les compagnies risquent de ne pas pouvoir échapper : la sur-sinistralité qu’ont tendance à générer les ventes via le canal B2C. « Le client qui fait l’effort de venir acheter en direct son assurance est un utilisateur : au moindre problème il consomme le produit et fait jouer les garanties », explique Matthieu Drouet. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, que le déploiement du B2C, présenté comme un remède pour rétablir les marges, a aussi ses coûts. Mal préparé, il a toutes les chances de tourner à la fausse bonne idée.

Les distributeurs seraient-ils donc en train de tuer la poule aux oeufs d’or ?

En se lançant sur le B2C, les assureurs vont devoir affronter la concurrence directe de leurs propres clients B2B.

Pour éviter la concurrence frontale avec le canal B2B, des assureurs envisagent d’autres leviers : la différentiation des produits.

Les consommateurs s’estiment couverts par leurs cartes bancaires.

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