Touristes français bloqués au Costa Rica : quels enseignements en tirer, selon l’avocate E. Llop
Contaminés, des retraités sont restés bloqués au Costa Rica. Quels enseignements en tirer pour les agences et les voyageurs ? L’avocate Emmanuelle Llop répond, à travers une tribune.
La mésaventure malheureuse de ce groupe au Costa Rica, bloqué à cause de la pandémie, nous donne l’occasion de faire un point sur les obligations d’information et d’assistance et la responsabilité des agences de voyages. Je précise à ce propos que l’agence concernée, d’après toute la presse que j’ai lue, me paraît irréprochable et très professionnelle aussi bien pour la phase précédant le départ de ses clients que pendant la gestion de la crise, qui semble-t-il n’est pas terminée.
1. Quels enseignements tirer, pour le métier d’agence et les voyageurs ?
Je rappelle que, de manière générale, les professionnels doivent à leurs clients voyageurs une obligation générale de sécurité, qui est une obligation de résultat s’illustrant à tous les stades du contrat de voyage : information préalable, exécution des prestations, transport (j’évoque surtout les forfaits ici). La responsabilité qui accompagne cette obligation est une responsabilité de plein droit, c’est-à-dire sans que le voyageur n’ait besoin de prouver une quelconque faute de son agence.
Du point de vue des agences, comme des tour-opérateurs d’ailleurs, mon conseil en cette période troublée, où l’on progresse par à-coups , avancées, reculades et volte-face depuis près d’un an, est d’une part de se tenir bien informé de la situation du transport et de l’accueil des voyageurs à destination. Les vols sont-ils maintenus ? Quelles sont les conditions sanitaires pendant le transport et sur place ? Modifient-elles ou empêchent-elles la bonne exécution des services prévus au contrat de voyage ?
Les agences ajoutent souvent à ces informations les conditions de retour en France ainsi que les recommandations du Quai d’Orsay sur les motifs impérieux pour se déplacer hors Union Européenne, qui ne facilitent certainement pas les prises de décision en ce moment il faut le reconnaître.
Quant aux voyageurs, à part être prudents avant leur départ, éviter les réunions, et peut-être se tester 72h avant (avec une bonne assurance en cas de test positif), il leur faudra respecter les obligations sanitaires.
2. Quel est le devoir d’assistance de l’agence en pareille situation (quarantaine) et sa responsabilité ?
Pour développer ce que j’évoque plus haut, le devoir d’assistance est détaillé dans le Code du tourisme depuis la réforme du 1er juillet 2018, aux articles L. 211-17-1 et R.211-11 : les professionnels doivent apporter une aide appropriée aux voyageurs en difficulté y compris en cas de retour rendu impossible à cause de CEI (Circonstances Exceptionnelles et Inévitables). Dans ce cas, le professionnel doit prendre à sa charge au maximum trois nuitées de catégorie équivalente.
L’aide consiste notamment, selon ces textes, à fournir des informations utiles sur les services de santé, les autorités locales et l’assistance consulaire et d’aider le voyageur à effectuer des communications de longue distance et à trouver d’autres prestations de voyage. Clairement, dans un cas comme celui des touristes bloqués au Costa Rica, je m’aperçois que l’agence remplit parfaitement son obligation, peut-être même sans savoir que ces articles de loi existent ! Voilà un des atouts majeurs des professionnels du voyage : le professionnalisme, le suivi et l’assistance.
Et la prise en charge des frais d’assistance me direz-vous ? L’article R .211-10 précise que le professionnel est en droit de facturer raisonnablement son aide si la difficulté est causée de façon intentionnelle par le voyageur ou sa négligence, sans dépasser les coûts réels donc. Malgré cette étrange formulation qui semble exclure que le professionnel facture les coûts au client quand les difficultés ne sont pas causées par la faute de ce dernier, je ne suis pas d’avis de laisser ces coûts à la charge du professionnel hormis les trois nuitées d’urgence. La meilleure solution consiste, comme le fait si bien l’agence des touristes au Costa Rica, à échanger avec les voyageurs et les autorités locales et les autorités consulaires pour réduire ces coûts au mieux.
3. Quelles précautions les agences doivent-elles prendre pour éviter autant que possible une telle situation ?
Franchement, le cas de ces touristes montre que malgré toutes les précautions prises avant le départ, le pire peut arriver : tests faussement négatifs, indisponibilité des tests antigéniques, quarantaine indéfinie, changement de conditions du pays d’escale …
Cependant, conseiller les clients dont les conditions de voyage a priori sont remplies (pays de destination accessible, vol ouvert etc.) demeure indispensable : exigence des tests PCR ou antigéniques au départ et / ou à l’arrivée, infrastructures de tests disponibles sur place et coût, précautions sanitaires pendant le voyage telles que les masques, la distanciation, l’organisation des visites et de la restauration etc.
Les sources d’information sont multiples, comme les sites du MEAE ou des ambassades (quand il est à jour …), le Seto et les TO, les réceptifs ou encore les groupes d’entraide comme le très réactif Helpdesk Officiel des Pros du Tourisme sur Facebook.
Enfin, grâce aux partenaires assureurs, je conseille de proposer aux voyageurs l’assurance « Covid » la plus complète possible et de bien noter dans les échanges si le client la refuse.
4. Faut-il recommander un test PCR avant le départ, même si la destination ne le requiert pas ?
Les professionnels du tourisme ne font pas partie du corps médical et il me semble hasardeux de leur demander de recommander un test avant départ quand la destination ne le demande pas. Sauf peut-être si l’assurance-voyage en fait une condition – je l’ignore à ce jour. Je sais cependant que certains voyageurs s’y soumettent volontairement, un peu comme lorsqu’à la période des fêtes de fin d’année les gens ont pris cette précaution avant d’aller dans leur famille.
Pour autant, je crois qu’au-delà d’un test qui peut parfois être faussement négatif, les fameux gestes barrières sont indispensables pour pouvoir continuer à vivre – et voyager – en attendant que ceux qui le souhaitent puissent être vaccinés et se munir du futur carnet sanitaire Covid.
Emmanuelle Llop, avocate au sein du cabinet Equinoxe Avocats