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« Les imaginaires touristiques sont assez pauvres, et incompatibles avec les défis écologiques »

Une plage de sable fin fait toujours rêver les Français, plus que toute autre image. Doit-on, et surtout peut-on changer les imaginaires touristiques ? C’est la question que nous avons posée à Marie Stutzmann, anthropologue spécialiste des transformations et de l’innovation.

Vous avez mené une mission sur les imaginaires touristiques pour l’Agence régionale du tourisme (ART) Grand Est en interrogeant des habitants*. En quoi consistent ces imaginaires et comment évoluent-ils ?

Marie Stutzmann : Les imaginaires touristiques sont les représentations mentales – images et éléments de langages – qui façonnent et conditionnent la manière dont nous percevons le monde et donc les destinations. En travaillant sur le sujet pour l’ART, j’ai été frappée de constater que les imaginaires touristiques collectifs restent assez pauvres. Il se résument souvent à un soleil lointain, à une plage de sable fin, avec une chaise longue. Les vacances de rêve demeurent synonymes de voyages aux Seychelles ou à Bali. En ce sens, le tourisme a créé dans son développement une sorte de diktat dans lequel les gens sont enfermés. Nous restons bloqués, comme engourdis dans les années 70 et 80, avec des images du tourisme stéréotypées, même s’il y a un désir de vacances plus proches et de tourisme plus responsable. Il y a d’ailleurs un décalage entre la vision des professionnels du tourisme et la réalité de la demande.

Nous rêvons avant tout de partir loin.

Pour vous, ces imaginaires touristiques sont-ils ringards ?

Marie Stutzmann : Ils sont en tout cas incompatibles avec les défis écologiques actuels. Au fond, j’ai quasiment les mêmes imaginaires touristiques que mon fils et que ma mère. Nous rêvons avant tout de partir loin. Nous ne sommes pas trop nombreux (il n’y a pas de surtourisme). Mais nous avons tous les mêmes aspirations et les mêmes rêves inconscients.

Marie Stutzmann

Peut-on faire évoluer ces imaginaires touristiques ? 

Marie Stutzmann : Il est impossible de les changer rapidement, comme un logiciel. Les imaginaires touristiques évoluent par toutes petites vagues. Comment ? En créant de nouvelles expériences. En travaillant sur l’hybridation des offres, soit des offres de transition via de nouvelles expériences, de nouveaux récits de voyage.

Comment ?

Marie Stutzmann : Au delà du déclaratif, les Français ont envie de partir loin en avion même s’ils se déclarent écolos. Ils aspirent néanmoins à sortir du diktat de la société. J’ai décrypté trois besoins latents, qui sont comme des territoires de valeurs : la reconnexion à leurs proches et au territoire, la diminution de la pression sociale, le développement d’un autre rapport au monde. C’est intéressant de travailler sur des offres qui répondent à de telles attentes encore inconscientes afin de libérer les consommateurs des imaginaires collectifs. J’ai vu le retour à la vacance poindre, ne rien faire sauf se reposer. On peut ainsi aider les voyageurs à sortir, par exemple, du diktat de la performance. Et évoluer vers un tourisme qui prend soin de l‘environnement, plus protecteur, un tourisme régénératif.

Le tourisme régénératif prend corps quand une entreprise prend conscience de la pression qu’elle exerce sur les ressources.

Quelle est pour vous la définition du tourisme régénératif ?

Marie Stutzmann : Le tourisme a en partage un paysage et un territoire qui est souvent de plus en plus fatigué par la fréquentation et les aménagements. Le tourisme régénératif prend corps quand une entreprise prend conscience de la pression qu’elle exerce sur les ressources. Alors, elle décide de faire évoluer son modèle économique pour créer de la valeur autrement, afin de non seulement limiter l’impact négatif et laisser souffler le territoire pour qu’il se régénère.

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*La fabrique des imaginaires est une étude issue d’un travail collaboratif mené sur toute l’année 2023. Cette publication de l’ART décrypte les imaginaires touristiques. La destination l’a commandée à l’anthropologue Marie Stutzmann, fondatrice d’Angle 9 (intervenante à la convention EdV Grand Est 2023), dans le cadre de sa démarche sur la prospective. Retrouvez l’intégralité de l’étude ici.

A lire aussi : Prospective : que sera l’industrie du tourisme et du voyage en 2050 ?

1 commentaire
  1. Anonyme dit

    Très intéressant ! Merci. Ces offres de vacances, « slows » notamment, existent déjà… Mais peut être ne sont elles pas assez mises en avant dans l’offre globale d une destination ? Ou peut être pas de la bonne façon ? Utiliser le même type de communication pour une offre classique est déjà, peu ou prou, connue, et pour une offre différente, nouvelle, d un tout autre genre, n est peut être pas le bon moyen de changer ces clichés sur ce que sont de « bonnes vacances »? Changer d offre et changer de communication… Peut être ? Perso, je crois beaucoup à l audio… Et vous ?

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