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Les alliances atteignent leurs limites

Avec un maillage devenu global, les alliances sont presque arrivées à maturité. Mais l’intérêt des compagnies semble prendre le pas sur celui des passagers. Les éventuelles fusions risquent de rendre ces alliances caduques.

Alors qu’elle avait connu une pause ces dernières années, la course aux alliances chez les compagnies aériennes a trouvé un nouvel élan. Entre China Southern chez Skyteam, Air China, Shanghai Airlines et Turkish Airlines chez Star Alliance, et Malev, JAL et Royal Jordanian chez Oneworld, ce ne sont pas moins de sept compagnies qui vont faire leur entrée dans ces groupements mondiaux de transporteurs en 2007.

Mais à l’avantage de qui ? Celui des passagers, ou celui des compagnies, engagées depuis 2001 dans une recherche continuelle d’économies et de réductions de coûts ?

Contourner la réglementation

La création des alliances est apparue avec la libéralisation du transport aérien, depuis les années 80. Afin de répondre au développement du trafic et faire face à la concurrence entre compagnies, ces dernières ont voulu fidéliser leurs clientèles, surtout les voyageurs d’affaires, très contributifs. Pour rendre plus attrayants les programmes de fidélisation et améliorer l’offre, il fallait donner au passager la possibilité de joindre un maximum de destinations, sans faire exploser les coûts inhérents au lancement de nouvelles lignes.

C’est dans ce but, et pour contourner la réglementation limitant la concurrence sur certains axes, que les compagnies américaines ont donné l’impulsion à la création des grandes alliances que sont Skyteam (autour d’Air France et Delta), Star Alliance (United Airlines et Lufthansa) et Oneworld (American Airlines et British Airways). A elles trois, elles se partagent plus de 60 % du trafic aérien mondial. Ces alliances sont d’autant plus importantes que les opérations de croissance externe dans le transport aérien sont toujours limitées, des actionnaires étrangers ne pouvant détenir plus de 49,9 % du capital d’une compagnie européenne, pour des raisons de droits de trafic entre autres. Cette participation est même limitée à 24,9 % pour les compagnies américaines.

Grâce aux réseaux globaux (poussés à l’extrême par Star Alliance), les passagers peuvent profiter de meilleures correspondances, de vols sans attente avec des transferts facilités et des horaires harmonisés. Les temps de correspondance sont également améliorés à travers le regroupement des membres d’une même alliance dans un seul terminal. Star Alliance a ainsi débuté le rassemblement de ses compagnies à CDG1 suite à un accord signé avec Aéroports de Paris en 2005. Et Oneworld va peu à peu réunir ses partenaires dans les halls A, B et D du terminal 2 de Roissy. Enfin, les passagers ont aussi la possibilité d’accroître leurs points de fidélisation et de les dépenser plus facilement grâce à la réciprocité des programmes.

Un nivellement par le bas

Après les annonces de nouveaux membres en 2007, Star Alliance se tourne maintenant vers l’Inde et la Russie, déçue de s’être fait souffler Aeroflot par Skyteam. Nous avons pris des contacts avec Air India, en train de se rapprocher d’Indian Airlines. Nous attendons aussi de voir comment va évoluer la consolidation dans ce pays, après l’échec du rachat d’Air Sahara par Jet Airways, explique Markus Ruediger, porte-parole de Star Alliance.

Au-delà de ces recherches pour multiplier le nombre de correspondances, l’alliance a été la première à créer un cercle de compagnies associées, de taille plus modeste et qui n’ont pas les mêmes obligations que les membres officiels, avec Adria Airways (Slovénie) et Croatia Airlines, parrainées par Lufthansa. Elles ne siègent pas au conseil de direction, mais y sont représentées par des membres officiels. Skyteam n’est pas en reste et a créé son deuxième cercle, avec Air Europa (Espagne) couplée à Air France, Copa Airlines (Panama) alliée à Continental, Tarom (Roumanie) avec Alitalia et Kenya Airways avec KLM. Plus récemment, c’est Middle East Airlines (MEA) et Portugalia qui ont frappé à la porte de Skyteam, avant que Tap Portugal annonce qu’elle rachetait sa rivale portugaise. Royal Air Maroc, Tunisair et Air Mauritius aimeraient-elles aussi obtenir ce statut.

Quant à Oneworld, elle reste un peu à la traîne. Nous ne proposons pas de statut d’associés, mais nous travaillons régulièrement avec les partenaires des membres officiels, précise Jacques Alonso, DG France d’American Airlines. C’est le cas de LAN Chile, qui est devenue LAN. La compagnie a créé des filiales dans plusieurs pays sud-américains, comme LAN Ecuador et LAN Argentina, qui ont intégré Oneworld en tant que partenaires.

Côté produits, Star Alliance a été la première à harmoniser les avantages liés aux cartes de fidélité sur son réseau, et à lancer la prime permettant aux passagers d’échanger une partie de leurs miles contre un surclassement. En juillet, United fut le neuvième transporteur à proposer cette offre, après ANA, Asiana, Austrian, LOT, Lufthansa, Singapore Airlines, TAP et Thaï Airways. Pour en bénéficier, il suffit de posséder une réservation confirmée, puis de faire une demande de surclassement par le biais du centre d’appels ou du site Internet de la compagnie.

Un accès facilité aux salons constitue aussi un progrès pour la clientèle affaires. Même s’il n’est pas sûr que le partage d’un salon entre transporteurs d’une même alliance aille dans le sens d’un meilleur service au passager. L’uniformisation qui existe dans les alliances constitue un nivellement par le bas, estime Jean-Luc Grillet, DG France d’Emirates. Nous ne souhaitons pas intégrer un groupement. Nous sommes déjà une compagnie globale, liée au développement de notre hub à Dubaï et nous ne voulons pas être satellisée. Nous préférons jouer sur la qualité de service et la différenciation, avec des salons qui ofrent le même niveau de confort dans toutes nos escales, ce qui est loin d’être le cas pour les compagnies membres d’une alliance.

Lourdeurs bureaucratiques

En pointe en termes de services, la compagnie dubaïote est ainsi une des seules à proposer un service de limousines à ses passagers affaires et première. Certes, nous proposons à nos clients des salons communs. Mais il vaut mieux disposer d’un grand espace avec une capacité importante, que des petites surfaces pas rentables, se défend Markus Ruediger, porte-parole de Star Alliance. Chez Skyteam, chaque compagnie reste maître de sa politique. Pour ses escales internationales, en l’absence de salon Skyteam, ou lorsqu’il ne convient pas totalement, Air France choisit le salon le plus conforme à sa recherche de qualité, ou d’économies, précise Patrick Bianchis, directeur des alliances chez Air France.

Reste que les alliances apparaissent de plus en plus comme des groupements de circonstance, qui servent d’abord les intérêts des compagnies. Pour Air France, les synergies Skyteam se chiffrent à plusieurs dizaines de millions d’euros par an. Mais pour la très grande majorité, il s’agit de synergies de recettes ou de réseau plutôt que de coûts, confirme Patrick Bianchis. Il est vrai qu’au-delà des économies dans les aéroports, les achats communs d’avions et de carburant sont quasiment impossibles, dans la mesure où les besoins sont très différents d’un transporteur à l’autre. Quoi qu’on en dise, le rapport entre les investissements demandés aux nouveaux membres d’une alliance [par exemple pour harmoniser les systèmes de réservation, ndlr] et les économies qu’ils peuvent en retirer est très faible, nuance Jean-Luc Grillet. Sans parler des lourdeurs bureaucratiques liées au nombre (21 chez Star Alliance), qui peuvent freiner les prises de décision.

Du coup, malgré ces synergies, Oneworld est la seule alliance bénéficiaire, si l’on additionne les résultats de ses membres. Ensemble, ils ont dégagé un bénéfice de 5 milliards de dollars pour le dernier exercice, alors que Skyteam a perdu 5 milliards de dollars et Star Alliance 20 ! Si l’on considère les problèmes financiers que traversent certaines compagnies (Delta et Alitalia chez Skyteam, Varig chez Star Alliance), il est évident qu’une alliance peut néanmoins être perçue comme une sorte d’amortisseur de crise.

Fusion ou alliance ?

Reste qu’avec la dérégulation qui progresse, de plus en plus de compagnies pourraient être tentées de remettre en cause leur politique d’alliance. Aer Lingus, très attaquée par les low cost, a revu sa stratégie commerciale et devrait quitter Oneworld à la fin de l’année. Plus récemment, US Airways (Star Alliance) a déclenché une OPA contre Delta, fondateur de Skyteam. De quoi ébranler cette dernière. Et le responsable financier d’Iberia, Enrique Dupuy de Lôme, déclarait récemment que la compagnie espagnole n’excluerait pas une alliance avec Air France/ KLM ou Lufthansa, malgré son appartenance à Oneworld (British Airways) . Il est vrai que les intérêts capitalistiques d’une fusion peuvent primer sur les intérêts d’une alliance commerciale, reconnaît Patrick Bianchis, chez Air France. Les synergies que nous retirons de la fusion avec KLM sont bien supérieures à celle que l’on peut espérer de Skyteam.

Cette dynamique de consolidation, loin d’être achevée en Europe comme aux Etats-Unis, pourrait remettre en cause le périmètre des alliances actuelles. Elles pourraient d’autant plus voler en éclats que l’accord de ciel ouvert entre les Etats-Unis et l’Europe se profile. Avec, à la clé, une dérégulation rendant obsolète les regroupements, tous nés pour contourner les règles mises en place sur l’axe transatlantique.

Des regroupements de circonstance qui contribuent à améliorer les recettes.

Une alliance peut apparaître comme un amortisseur de crise.

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