Marseille est née au bout de cette piscine plantée de voiliers. Ici, le « jardin des Vestiges » brandit les tours et les quais du temps que Massalia parlait la langue d’Homère. Au nord, sous un des immeubles signés de l’architecte Fernand Pouillon, baillent d’énormes amphores à blé : les docks romains. L’immortel marché aux poissons s’agite à la bouche du métro le plus proche. C’est là que les pêcheurs ont inventé la bouillabaisse, plat antique qu’on retrouve à Tarente, plat de miséreux tambouillé non pas avec rascasses et rougets, mais avec les invendus. Dans le prolongement file la Canebière – un nom qui désigne une exploitation de chanvre… pour les cordages. Le fort Saint-Jean était le QG (quartier général) des futurs chevaliers de Malte, grands chasseurs de Turcs : en attendant de servir de carburant pour les galères, leurs prisonniers étaient entreposés sur l’actuelle place aux Herbes. Ils y avaient même leur mosquée. En 1905, on a monté un pont transbordeur à l’entrée de la rade : un cadre en Meccano pour le joli tableau de la mer. Le pont a été ferraillé, mais il reste le « ferry-boîte » cher à Panisse et Pagnol, qui fait toujours la navette entre les boutiques d’accastillage et les bars à cocktails. Au rythme de la houle et de la techno, c’est là que se « défibrille » le coeur de Massalia l’éternelle.