Retrouvez l'actualité du Tourisme pour les professionnels du secteur tourisme avec l'Echo Touristique : agences de voyages, GDS, prestataires spécialisés, voyagistes

Croisière, pourquoi la France est à la traîne

Les compagnies de croisières ont annoncé ces dernières semaines plusieurs commandes de paquebots. De nouveaux géants des mers destinés au marché européen. Mais la France peine à suivre la croissance.

Après le Musica de MSC il y a quelques jours à Saint-Nazaire, c’est au tour de Costa de baptiser en grande pompe le 5 juillet à Gênes son nouveau bateau : le Concordia. Ces géants des mers (3 013 passagers pour le premier, 3 780 pour le second) sont les premiers d’une longue série de commandes passées par les deux compagnies, livrables d’ici 2010 : quatre paquebots + une option pour MSC, trois + une option pour Costa. Elles parient en effet sur une croissance du marché européen de la croisière qui, de 3 ,21 millions de passagers en 2005 (+13 %/2004) devrait passer le cap des 4,5 millions en 2012.

Fortes de ces prévisions et des études réalisées, les compagnies estiment le potentiel de croisiéristes en France à 1,5 million. Las, le marché semble toutefois ensablé avec 233 000 clients l’an dernier, soit une petite progression de 5 %, inférieure à celle du nombre de forfaits vendus par les TO membres de l’Association de tour-opérateurs/ Ceto (+6,5 %/2004). La France occupe désormais la cinquième place en Europe, derrière l’Espagne et l’Italie (avec respectivement +26 % et +28 %, pour 379 000 et 514 000 croisiéristes en 2005), l’Allemagne (+10 %, à 639 000) et la Grande-Bretagne. Et, si le rythme de croissance diminue outre-Manche (+4 %/2004), la croisière y a séduit plus de 1,07 million de Britanniques, représentant près de 10 % du marché des vacances !

Pour les vieux et les riches

Alors que chacun reconnaît la nécessité de développer les ventes tourisme dans les agences, les compagnies ne ménagent pourtant pas leurs efforts pour présenter leurs produits, et mettre en avant la diversité des canaux de distribution (sites professionnels, Amadeus Cruises…), la satisfaction du client (le taux de fidélisation avoisine les 85 %) et surtout les commissions, appliquées sur des sommes loin d’être anodines. En 2005, le prix moyen du forfait s’est ainsi élevé à 1 232 E chez Costa, et 2 460 E pour la Compagnie internationale de croisières (CIC), qui commercialise notamment le Queen Mary 2. Les agences ne sont pas assez prescripteurs, regrette Corinne Renard, directrice commerciale de CIC. Si le client n’entre pas avec l’intention d’embarquer sur un paquebot, le vendeur n’aura pas le réflexe de lui proposer ce produit. On trouve pourtant aujourd’hui des croisières pour tous les types de clientèle avec des bateaux et des thématiques variés.

Les opérateurs ne désespèrent également pas de tordre un jour le cou aux préjugés, selon lesquels la croisière, c’est pour les vieux et les riches. On a encore du travail, mais c’est plus facile qu’il y a deux ou trois ans, considère Nicolas Sharp, directeur commercial de MSC, qui a fait de la formation et des éductours ses priorités. Costa fait valoir pour sa part qu’elle a investi le créneau de la croisière économique grâce à sa nouvelle tarification Prima, et rappelle que 62 % de ses clients ont moins de 54 ans. Est-ce que les agences sont capables de tout vendre ?, s’interroge de fait Patrice Régnier, directeur marketing de Costa France. Ne devraient-elles pas plutôt se spécialiser sur les acteurs principaux du marché, et laisser la commercialisation des opérateurs plus pointus aux agences spécialisées, confie-t-il. Outre les vendeurs, il faut de surcroît convaincre les responsables d’agences pour créer une vraie dynamique dans les réseaux, ajoute Corinne Renard. La distribution doit jouer le jeu et accompagner les politiques de développement des compagnies sinon, nous serons obligés de nous tourner vers d’autres canaux de distribution, menaçait encore récemment Georges Azouze, DG de Costa Croisières (leader en France avec 50 % du marché), dont les produits sont uniquement commercialisés via les agences. Plus de 3 100 points de vente nous revendent, soit 75 % des agences tourisme. Il n’est pas question de vendre via Internet car cela ne nous permettrait pas de conquérir de nouveaux clients, tient cependant à rassurer Patrice Régnier. MSC se défend également de toute évolution en se sens.

La mer discrète sur la Toile

En attendant, cette politique fait les beaux jours des agences spécialisées croisières, et plus particulièrement de celles présentes sur la Toile (QCNS Cruises, ABCroisière, croisiere.net…). Ces distributeurs assurent désormais 10 % du chiffre d’affaires de Costa France. Il nous reste en revanche à convaincre les grands opérateurs du Net, constate Georges Azouze. Curieusement, Lastminute, Expedia ou Ebookers sont peu tentés par l’appel de la mer, alors que les sites américains réalisent 20 à 30 % de leurs ventes avec la croisière, un marché qui pèse 9,7 millions de clients outre-Atlantique !

Peu de TO ont le pied marin

Outre la faible réactivité de la distribution traditionnelle, il convient de rappeler que, hormis Costa et MSC qui ont enregistré respectivement des progressions de 12,6 et 85 % du nombre de leurs passagers en 2005, le reste du marché stagne, quand il n’est pas en berne ! La faute à une absence d’investissements pour augmenter l’offre de la part des Club Med, Plein Cap, Compagnie des îles du Ponant, Regent Seven Seas Cruises et autres Star Clippers, tous positionnés sur des marchés de niche.

Ou à l’américain Royal Caribbean/Celebrity qui a fermé son bureau en France, ne jugeant pas ce marché prioritaire (Latitude Sud fait office d’agent général). Sans oublier la disparition en 2003 de Royal Olympic Cruises et de Festival, dont les 40 000 passagers français n’ont toujours pas été compensés par MSC (qui en espère 30 000 cette année).

Enfin, rares sont les TO qui osent prendre la mer. Fram a fait machine arrière au dernier moment. Look Voyages et Nouvelles Frontières ont préféré jeter l’éponge, après quelques saisons difficiles. Seuls Marsans/ Transtours, Kuoni/Scanditours et Rivages du Monde affrètent à ce jour un navire. Alors qu’en Grande-Bretagne, et surtout en Espagne, c’est l’arrivée de TO comme Thomson et First Choice pour le premier, Marsans, Pullmantur, Iberojet pour le second, qui ont permis de développer le marché, avec des offres à petit prix. En Allemagne aussi, la croisière pourrait connaître une nouvelle dynamique avec l’entrée en jeu de TUI. Le TO doit prendre sa décision d’ici la fin de l’année.

Rien de tout cela à l’horizon dans l’Hexagone. Du coup, la position de Costa devrait se renforcer dans les prochaines années. La compagnie, qui dépense des millions d’euros en publicité (elle est le deuxième annonceur tourisme en télévision derrière le Club Med) devrait atteindre les 167 000 passagers en 2007, loin devant son challenger MSC (50 000). Une situation qui n’est saine pour personne : ni pour Costa, ni pour les autres armateurs, ni pour les agences…

%%HORSTEXTE:1%%

Laisser votre commentaire (qui sera publié après moderation)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Dans la même rubrique