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Une entreprise du voyage peut-elle imposer la vaccination à ses clients ? L’avis de l’avocate E. Llop

Nous avons posé la question à l’avocate Emmanuelle Llop, alors que Ponant ajoute une obligation de vaccination contre le Covid-19 à son protocole de sécurité sanitaire.

Des destinations commencent à imposer le vaccin à des touristes étrangers : les Seychelles, la Grèce, l’Islande, l’Israël… L’Union européenne le préconise aussi, à l’égard des voyageurs américains. Quid des entreprises privées ? La compagnie de croisières Ponant a franchi le pas. Pour rouvrir plus rapidement ou sereinement, des établissements comme des parcs de loisirs, paquebots, hôtels-clubs et autres lieux rassemblant des publics nombreux pourraient être tentés de lui emboiter le pas. Dans quelle mesure et dans quelles conditions peuvent-ils le décider ? Nous avons interrogé Emmanuelle Llop, avocate au sein du cabinet Equinoxe Avocats.

L’Echo touristique : Comme Ponant, tout entreprise du voyage peut-elle imposer la vaccination à ses clients ? 

Emmanuelle Llop : Cette prise de décision (de Ponant) procède d’une politique privée de l’entreprise, puisque le vaccin n’est pas obligatoire en France. C’est donc le choix d’un opérateur privé, qui s’engage dans la voie de la protection sanitaire des passagers et des salariés. Le message est fort, de bien remplir son obligation de sécurité vis-à-vis des clients et du personnel. Il n’est pas interdit d’en faire autant pour tout établissement touristique, face à son obligation juridique de sécurité, de surcroît dans un contexte pandémique. A condition de bien l’expliquer aux voyageurs en amont de la vente. Le secteur de la croisière a très tôt mis en place des mesures sanitaires fortes. Il faut le rappeler, la gestion des risques liés à la santé n’est pas simple pour des bateaux de croisières. Il s’agit d’espaces clos, parfois en pleine mer, avec une capacité limitée de mise en quarantaine.

Cette décision ne revient-elle pas à un refus de vente ?

Emmanuelle Llop : C’est effectivement un point qui concerne le consommateur, qui pourrait reprocher le refus au professionnel. Cependant, le refus de vente qui est une infraction pénale, cède devant un motif légitime. Et en la matière, à commencer par assurer la sécurité des voyageurs dans des lieux clos (avion, hôtel, bateau, restaurant etc…), on pourrait trouver des motifs légitimes pour justifier le refus. Mais comme la pandémie est une nouveauté, je ne dispose pas de décisions judiciaires comparables. 

Quel est le risque ?

Emmanuelle Llop : On ne peut pas exclure l’hypothèse que des personnes s’insurgent de l’obligation de vaccin, notamment parce qu’elles sont anti-vaccin. Des clients déterminés pourraient se plaindre d’être privés d’une croisière, et donc de la liberté de voyager. Il existe peu d’obligations vaccinales s’appliquant dans le monde. Mais aujourd’hui, par exemple, personne ne s’oppose à l’obligation de vaccin contre la fièvre jaune pour certains pays d’Afrique et d’Amérique notamment.

Certes, mais ce sont des pays qui imposent le vaccin contre la fièvre jaune. En outre, ce vaccin est disponible, alors que celui contre le Covid ne l’est pas encore largement. Des clients pourraient invoquer une approche discriminatoire tant qu’il ne l’est pas à toutes les tranches d’âge, non ?

Emmanuelle Llop : Cet accès limité au vaccin anti-Covid est un petit point d’achoppement, temporaire. Cela peut être une déception morale de ne pas pouvoir voyager. Mais le risque de discrimination reste limité. En cas de contentieux, la volonté pour un opérateur de protéger les clients et le personnel est prise en compte comme argument fort et réputationnel. Le bénéfice sécuritaire dépasse largement un éventuel risque sanitaire.

Des clients peuvent disposer d’avoirs, qu’ils aimeraient utiliser dès cet été, et ne pourront pas le faire parce qu’ils ne sont pas vaccinés. Autre cas de figure : des grands-parents qui veulent partir avec leurs petits-enfants, par définition non-vaccinés…

Emmanuelle Llop : L’opérateur de voyage peut décider d’imposer la vaccination aux personnes âgées de 18 ans au minimum. Il est aussi possible d’envisager une étude de cas particuliers de personnes exemptées de vaccins, pour des raisons de santé par exemple. Alors, l’entreprise pourrait les accepter avec des demandes plus classiques, comme la présentation d’un test PCR négatif. S’agissant des avoirs, s’ils ne sont pas consommés, ils seront au terme de leur validité remboursés.

Que faut-il faire, concrètement, pour bien informer ses clients, si l’on veut imposer la vaccination ?

Emmanuelle Llop : Cela peut donc s’appliquer à des hôtels, des bateaux, des parcs de loisirs… Ces opérateurs du secteur ont mis en place des protocoles sanitaires depuis l’été 2020. L’information peut être précisée dans les conditions générales de vente ou bien dans un document à part entière. Il ne faut pas oublier que des pays restreignent l’accès à leur territoire à des visiteurs étrangers vaccinés, les bulles sanitaires se développent. On commence à dire que seuls les Américains vaccinés pourront venir en France et en Europe. Cette idée qui vient des gouvernements ne choque plus l’opinion publique. Elle fait son chemin à mesure que la vaccination avance dans chaque pays. Ceux qui vont mettre en place l’exigence de vaccin sont des précurseurs, mais ils sont dans la tendance.

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