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« Le tourisme n’intéresse pas les politiques », selon un lobbyiste

Lors de la convention des Entreprises du Voyage (EDV) Ile-de-France organisée en Laponie suédoise, la question du lobbying a occupé une place de choix. Le syndicat souhaite que le secteur du tourisme s’organise pour accroître son poids sur les décisions politiques.

« Le congrès Entreprises du Voyage de Madère s’est déroulé il y a 50 jours maintenant. Depuis, Corsair a été racheté, ADP vendu, les Boeing 737 MAX sont cloués au sol, Google vend des hôtels, la responsabilité de plein droit a fait la navette parlementaire etc, a introduit Lionet Rabiet, le président d’EDV Ile-de-France, lors de son discours d’ouverture de la convention. Quand on voit le nombre de facteurs qui impactent notre marché (la sécurité, la géopolitique, l’environnement, les taxes etc.), je pense qu’aucun autre ne subit cela. »

C’est pourquoi, plus que jamais, l’économie du tourisme a besoin d’être présente dans les arcanes décisionnaires. « Je pense que nous devons nous adapter, nous institutionnaliser. Notamment en travaillant sur le lobbying », a confirmé Valérie Boned, la secrétaire générale des EdV.

Le tourisme, parent pauvre de la politique

Parfois détestés, les lobbyistes sont malgré tout nécessaires. Particulièrement pour l’industrie du tourisme français. Car « le tourisme n’intéresse pas les politiques, a d’emblée clarifié Georges Pham Minh, un conseiller en affaires publiques spécialisé dans le lobbying touristique, qui conseille notamment les EdV. Ce n’est pas un sujet pour eux. Aucun ne souhaite faire sa carrière dans la politique touristique, et c’est pour cela qu’aucun ne se spécialise. Il n’y en a pas plus d’une dizaine à l’assemblée nationale. »

Par voie de conséquence, le secteur n’a pas de ministre du tourisme, il est rattaché au ministre des Affaires étrangères. Ce qui entraîne une administration éclatée entre la Direction Générale des Entreprises à Bercy, et le Quai d’Orsay, « qui se détestent cordialement », précise le lobbyiste. Autre difficulté, ce qui intéresse les politiques c’est l’incoming, jamais l’outcomming. « Ils se fichent des 10 millions de français qui vont à l’étranger », assène Georges Pham Minh.

Des politiques guidés par leur réélection

Alors comment le lobbying peut-il aider la profession ? « Il faut savoir que le boulot quotidien des décideurs, c’est de recevoir des groupes de pression. C’est le BA-BA », précise le lobbyiste. « Il y a des patrons du tourisme qui ont financé la campagne d’Emmanuel Macron. En se disant que cela pourrait les aider. Mais en réalité, on ne peut pas avoir confiance en politique. Le personnel politique est guidé par l’objectif de la réélection ».

La valeur ajoutée des lobbyistes, est donc dans un premier temps d’identifier les décideurs. « C’est plus simple quand on a eu une carrière politique avant, car on en comprend les ressorts de décision dans l’esprit du politique. Quand les chefs d’entreprise me soumettent des argumentaires contre une décision, je les reprends pour toucher la carte mentale des politiques. Les lobbyistes savent comment les politiques parlent et pensent. Quand on écrit des amendements, on les écrit de manière à ce qu’il n’ait pas à changer un mot ou une virgule, juste à signer. »

Des textes de loi illisibles

Le lobbyiste accompagne donc les clients dans les méandres de la vie politique. Valérie Boned pointe un autre rôle des lobbyistes. « Il faut savoir que les amendements sont très techniques. C’est illisible. Même pour les juristes. Le métier des lobbyistes c’est de lire entre les lignes puis de nous dire avec qui il faut prendre rendez-vous. » Pour cela, Georges Pham Minh, le fondateur de GPM Conseil, fait « des notes de veille tous les mois ».

Les Entreprises du Voyage souhaitent encore davantage « professionnaliser » leur action de lobbying, engagée depuis 10 ans.  « Nous étions embryonnaires il y a 10 ans, mais désormais nous avons une voix commune avec le Seto et l’APST », explique Jean-François Michel, en charge du lobbying au sein d’EDV.

Les adhérents EDV doivent aussi participer

Le fondateur de Cap Monde raconte la lutte contre l’amendement qui prévoyait de taxer toutes les aides que versent les entreprises à un salarié. « Pour beaucoup d’entreprises de notre secteur, c’était la mort annoncée. Dès le lendemain matin, nous avons eu une réunion de crise pour voir comment nous allions riposter. Nous travaillons les éléments de langage. Nous avons visé les syndicats en disant que leur budget allait être divisé par deux. Ça a été un des éléments qui a touché. En deux jours, l’ensemble des sept ou huit ministres concernés ont été prévenus par mail de la gravité de la situation. Nous avons gagné quand les journaux télévisés nationaux ouvraient leur édition sur ce sujet. En une semaine, nous avons réussi à retourner la situation. «

Voilà donc la périmètre d’action du lobbying. Mais Valérie Boned souhaite aller plus loin. « Le lobbying c’est l’affaire de tous. C’est pourquoi je vais créer un fichier afin que chacun renseigne les personnalités politiques qu’il connait. Que ce soit de près ou de loin, afin d’être plus efficace. Les députés sont sensibles aux chefs d’entreprise de leur circonscription ».

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