La détresse psychologique des pros du voyage n’est pas prise à la légère
Les Entreprises du Voyage, des réseaux volontaires et des TO sont mobilisés pour aider leurs troupes malmenées par la crise, d’une simple écoute jusqu’à la proposition de séances de coaching et d’aide psychologique. La question de la formation devient en outre cruciale en prévision de la reprise espérée alors que les salariés sont en chômage partiel depuis des mois et que certains se détournent du secteur.
Avec la crise du Covid-19 qui a mis à genou l’industrie touristique, le moral des professionnels est mis à rude épreuve. Notamment au sein des agences de voyages, où 30% des emplois auraient déjà disparu depuis un an.
Pour accompagner ses adhérents, les Entreprise du Voyage (EdV) ont mobilisé depuis la rentrée 2020 les services du cabinet Axis Mundi afin de proposer une cellule d’aide aux chefs d’entreprise comme à leurs salariés. « Nous sommes l’une des rares fédérations à offrir ce service composé d’heures de coaching ou du soutien psychologique, souligne Valérie Boned, la secrétaire générale des EdV. Quelque 60 heures ont été utilisées, aux deux-tiers par les employés et un tiers par les patrons. Si les premiers sont confrontés à l’inactivité, au chômage partiel, à l’absence voire à l’agressivité de clients, les seconds souffrent d’une perte de repères, de solitude dans la prise de décision et d’interrogations sur l’avenir. « Nous finissons par perdre même les plus optimismes avec la longueur et l’intensité de cette crise. Le cabinet les aide à valoriser les ressources en eux dans le but de retrouver optimisme et dynamisme », ajoute-elle.
Arrivés au terme du contrat avec Axis Mundi, les EdV étudient les conditions du renouvellement de cette assistance personnalisée. « Ce service est complémentaire des autres actions menées par le syndicat afin d’être le plus réactif et efficace pour aider nos adhérents », assure Valérie Boned.
L’attitude parfois menaçante des clients
Les réseaux ne sont pas en reste. TourCom recourt ainsi à un cabinet privé de coaching et d’aide psychologique depuis mars 2020. « Une nécessité pour les agents de voyages face à l’attitude menaçante des clients suite à l’octroi d’avoirs. Certains se sentent fautifs de n’avoir pu les rembourser », explique le président Richard Vainopoulos qui précise que près de 60 dirigeants ont également bénéficié des conseils de la cellule RH du réseau. » Il n’est pas rare que certains chefs d’entreprises craquent lors de réunions en visioconférence, confie le président du réseau volontaire. Ils sont stressés et angoissés face à l’avenir. Nous les conseillons pour obtenir les aides de l’Etat et mobilisons les différents services de TourCom : aide juridique, SAV… »
Beaucoup n’oseraient toutefois pas faire part de leur détresse. Au Cediv, le contact est maintenu quotidiennement par Zoom ou des réseaux sociaux avec les patrons et les conseillers voyages qui le souhaitent. « Nous n’abandonnons personne », se félicite sa présidente Adriana Minchella. Et d’expliquer : « deux groupes ont été créés pour qu’ils se sentent moins seuls, l’un destinés aux vendeurs où ils peuvent échanger entre collègues, l’autre pour préparer l’avenir car beaucoup d’entrepreneurs se sentent perdus, y compris parfois sur des questions professionnelles lambda « . Un focus est de fait porté à la formation en visio au travers d’une thématique différente déclinée chaque semaine.
« Si la reprise est forte, les entreprises aurons besoin d’équipes engagées et en compétence. Il ne faut pas relâcher l’effort en matière de formation », conseille Valérie Boned.
« Il faudra reformer les équipes »
« Il faut de l’énergie pour se remettre au travail. Beaucoup de réflexes ont été perdus. Il faudra reformer les équipes aux destinations et aux outils comme les GDS », confirme Guillaume Linton, le patron d’Asia, dont les équipes sont à 10% de temps travaillé. « Nos salariés gardent ainsi le contact avec l’entreprise et leurs collègues. Asia organise également une réunion mensuelle en visioconférence pour tous. Ce rendez-vous permet de faire le point sur l’activité et de fêter les petites victoires qui apportent du baume au cœur et un peu de visibilité ». Chez lui aussi, il a fallu venir en aide à des collaborateurs. « Il est difficile de passer à zéro activité du jour au lendemain », concède le PDG.
Chez les distributeurs comme les TO, les individus les plus dynamiques ne sont pas restés inactifs trouvant des jobs d’appoint, suivant une formation ou reprenant des études. Certains donnent de ce temps libre subi à des associations caritatives telles cette hôtesse d’Air France ou cette salariée de Kuoni France croisées à l’antenne des Lilas (93) des Restos du Coeur. Quelques-uns enfin quittent le tourisme ne croyant plus en l’avenir du secteur. « Un phénomène nouveau », selon Guillaume Linton. « Beaucoup sont partis tenter leur chance dans l’immobilier », observe Richard Vainopoulos chez TourCom. Un pessimisme partagé par nombre d’entrepreneurs qui ont déjà baissé le rideau malgré les aides de l’Etat. « Des dirigeants qui étaient proches de la retraite ont aussi préféré fermer », complète Adriana Minchella. Cette inquiétude n’est pas prête de se dissiper alors que la visibilité reste des plus incertaines quant à une reprise prochaine des voyages. Et ce malgré le début de la vaccination en France et dans le monde.
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