EDITO. Marioupol transformé en station balnéaire, sérieusement ?

Créer une station balnéaire à Marioupol ? A la rédaction de L’Echo, c’est un projet que l’on trouve carrément indécent et lunaire. C’est pourtant bel et bien ce qu’a annoncé le leader séparatiste Denis Pushilin, comme le rapporte CNN.

Indécent puisque Marioupol est une ville martyre de l’Ukraine, endeuillée pour longtemps. Plusieurs centaines de personnes auraient péri mi-mars dans le seul bombardement du théâtre de Marioupol.

Lunaire parce que 90% de la ville a été détruite. Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans ce port du Donbass, il ne reste rien à prendre pour la Russie… à part son aciérie. Poser sa serviette près d’un champ de ruines serait aussi indécent et cynique qu’improbable. Il faudrait mieux créer un resort à Marioupol dans le métaverse… Mais bon, pas sûr que cela séduise les oligarques russes en mal de soleil, désormais indésirables dans plein de pays dans le monde.

Pushilin, lui, a déjà choisi son spot. La « station balnéaire » serait aménagée dans l’usine sidérurgique Azovstal, a-t-il déclaré le 9 mai, rapporte CNN. « La Russie est ici pour toujours », a aussi déclaré Pushilin, impérialiste. Sauf qu’il oublie un détail : pour l’instant, le Donbass appartient toujours à l’Ukraine. C’est un peu mettre la charrue – et même le char – avant les boeufs…

Le tourisme incarne des valeurs comme la paix, pas la guerre ni le non-respect des droits de l’Homme, comme l’a rappelé l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) en poussant Moscou vers la sortie…

Nous ne vivons vraiment pas dans le même monde que le chef du Kremlin et sa garde rapprochée. C’est ce qu’expliquait très bien l’éditorialiste Ulysse Gosset au récent congrès des Entreprises du Voyage. A telle enseigne que pour Poutine – raconte-t-il – il n’y a pas de « guerre » en Ukraine. Juste une « intervention spéciale » en Ukraine. On croit rêver, ou plutôt cauchemarder…

S’il faut créer des emplois dans le tourisme, en tout cas, c’est bien ailleurs qu’à Marioupol, surnommé parfois l’Alep ukrainien… La Russie et l’Ukraine sont bien sûr en pause forcée dans notre secteur. Après deux années de crise du Covid-19, le reste de l’Europe, lui, est en surchauffe. Le tourisme crée d’ailleurs de nombreux emplois, ce qu’il est utile de rappeler aux Cassandre du secteur. Près de huit millions de nouveaux emplois devraient être créés en Europe dans le secteur au cours de la prochaine décennie, d’après le World Travel & Tourism Council (WTTC). Maintenant, il faut trouver les candidats… Et là, ce n’est pas gagné !