« Certares nous demande d’aller à l’international » – Arnaud Abitbol (Marietton)
Dans cette interview exclusive, Arnaud Abitbol partage avec L’Echo touristique les ambitions du groupe intégré Marietton Développement, très puissant en France, et prêt à s’internationaliser. Le vice-président exécutif du groupe lyonnais évoque aussi les chantiers prioritaires de la franchise Havas Voyages qu’il dirige.
L’Echo touristique : Avant de parler de Marietton Développement, où en est la franchise Havas Voyages que vous coiffez au sein du groupe ? En 2021, vous aviez 270 agences franchisées parmi lesquelles 109 avaient adopté la franchise de marque.
Arnaud Abitbol : Le réseau n’a pas tellement changé. Nous avons 271 agences de voyages franchisées, entre la franchise de marque, celle de moyen et les mandataires. 93 arborent la marque Havas Voyages, soit un peu moins qu’en 2021. C’est le choix de l’agence ou le nôtre de faire tomber cette marque. Naturellement, nous avons eu quelques sorties et quelques entrées. Nous n’avons presque plus de mandataires : 7 contre 12 en 2021. Avec le réseau intégré de 213 agences, Havas Voyages totalise 484 points de vente.
Dans le business travel, nous (Havas Voyages) étions plutôt positionnés mid-market. Maintenant, nous sommes identifiés comme une vraie TMC.
Quel est le bilan de l’année 2024 pour la franchise Havas Voyages ?
Arnaud Abitbol : Dans l’ensemble, 2024 s’inscrit dans la continuité de 2023, qui était déjà exceptionnelle. Les ventes des agences franchisées ont atteint 390 millions d’euros en 2024, après 395 millions d’euros en 2023. La moitié vient de l’aérien, le reste des TO, des centrales hôtelières…
Les investissements que nous avons effectués ont porté leurs fruits. La demande a été forte dans le loisir comme dans le voyage d’affaires. Dans le business travel, nous étions plutôt positionnés mid-market. Maintenant, nous sommes identifiés comme une vraie TMC. Nous pouvons aller chercher des grands comptes, de plus de 5 million d’euros. Nous avons gagné des appels d’offre importants, prouvant que nous pouvons jouer dans la cour des grands. Néanmoins, nous pensons que 2025 sera plutôt difficile, compte tenu de l’instabilité politique et fiscale ainsi que les crises dans le monde.
Sans tout dévoiler, sur quels projets travaillez-vous pour les franchisés en 2025, que vous présenterez lors de la convention, en Afrique du Sud ?
Arnaud Abitbol : Nous allons apporter aux franchisés un outil unique pour piloter au quotidien leurs prises de commandes, leurs revenus, leurs marges. Cette solution interne, innovante, sera présentée à la convention.
Combien de personnes réunissez-vous en Afrique du Sud ?
Arnaud Abitbol : Nous attendons environ 90 participants, avec 80% de patrons présents ou représentés. C’est moins gros qu’un congrès Selectour, qui est devenu la référence dans la distribution. Notre dernière convention, organisée sur le Commandant Charcot, remonte à 2023. Deux ans, c’est long. Aussi, j’envisage d’organiser en alternance une convention à l’étranger et une autre en France. C’est intéressant de se voir tous les ans, et c’est un peu dans l’air du temps. Maintenant, il ne faut pas être hypocrites. Nous assumons pleinement le fait de vendre des voyages carbonés. Et si l’avion est souvent pointé du doigt, il est utile de rappeler qu’il représente 3% à 5% des émissions de CO2. C’est important, mais il faut arrêter de faire culpabiliser les voyageurs, le tourisme apporte du PIB localement.
Vous parliez d’outils pour les agences. Avez-vous un projet autour de l’IA ?
Arnaud Abitbol : C’est un vrai sujet, dans toutes les industries du monde ! Pas mal d’agences s’en servent, moi aussi à titre personnel, ce qui me fait gagner un temps fou. A la convention, nous aborderons le sujet avec des experts, pour explorer les opportunités et les risques. L’IA peut-elle remplacer l’agence de voyages ? Je ne le crois pas du tout. Nous allons l’intégrer dans nos outils. Déjà, dans la plateforme B2B TravelExplorer, il y a une fonction IA pour aider des conseillers à créer un parcours dans une destination. Cet outil a fait sa preuve de marché pour Voyamar et Héliades, les agences l’ont rapidement pris en main.
Il faut internationaliser le groupe Marietton. C’est aussi un levier de diversification géographique.
Au sein de Marietton Développement, vous êtes en charge des acquisitions, avec Arnaud Fontanille. Travel Europe, en très grande difficulté, pourrait-il intéresser Marietton ? Laurent (Abitbol) ne cache pas son envie d’expansion à l’étranger, et votre actionnaire américain Certares vous y encourage.
Arnaud Abitbol : Il faut bien rappeler que c’était le groupe autrichien Travel Europe avait fait la demande d’être en redressement. Pas sa filiale Visit Europe qui est un partenaire Gold (dans le référencement du GIE Asha, Ndlr).
Nous connaissons Travel Europe. Nous avons discuté avec ses dirigeants Helmut et Anton Gschwentner, à la fin 2024. Mais il ne s’agissait que de discussions, nous n’avons pas donné suite pour l’instant*. Nous regardons tous les dossiers. Mais encore une fois, je n’ai pas d’annonces à faire, c’est Laurent (Abitbol) qui fait les annonces.
Chez Marietton, nous partageons toutes les informations en board. Avec Arnaud, nous présentons, nous défrichons, puis Laurent décide. Jusqu’à maintenant, nous n’avons jamais fait d’achat de TO à l’étranger. Mais nous ne nous interdisons rien.
En 2018, le fonds américain Certares est votre actionnaire de référence. Pourrait-il se désengager dans un avenir proche ?
Arnaud Abitbol : Certares possède 49% du capital de Marietton. C’est un fonds, avec comme toujours la volonté de sortir avec une plus-value. Soit il décide de vendre sa participation à d’autres fonds via un LBO soit il choisit de rester et de réinvestir. Certares nous dit que Marietton est le meilleur investissement qu’il ait réalisé ces dernières années. D’ailleurs, Greg O’Hara (fondateur de Certares, Ndlr) a récemment dit que Laurent (Abitbol) était un grand chef d’entreprise, parce que Marietton a su faire de la croissance rapide. Certares peut très bien décider de rester et de réinvestir. Je crois que c’est ce qui se dessine. Son équipe est très compétente, connaît très bien le tourisme. C’est agréable de travailler avec elle.
Que vous demande Certares ? La croissance en Europe ?
Arnaud Abitbol : Ils nous disent merci pour notre rythme de croissance depuis six ans et la qualité de la gestion de l’entreprise, malgré la pandémie. Depuis 25 ans, Marietton s’est toujours renforcé après les crises comme le 11 septembre 2001, le printemps arabe qui a fait pivoter Voyamar, le Covid. Nous avons toujours faire preuve de résilience et de rebond. Toutefois, nous devons rester humbles, nous sommes sur des métiers fragiles avec de petites marges. Nous le savons tous. Nous ne faisons pas les coqs, nous restons prudents.
C’est intéressant, mais je n’ai toujours pas ma réponse à la question : « Que vous demande Certares ? » (rires)
Arnaud Abitbol : Certares dit que Marietton a atteint une taille importante en France comme groupe intégré. Il nous demande de regarder à l’international. Il faut internationaliser le groupe. C’est aussi un levier de diversification géographique. Nous devons aller voir du côté de l’Espagne. Et peut-être d’autres pays comme la Belgique ou la Suisse. On reçoit des dossiers que nous étudions et on ne s’interdit rien.
L’international, c’est donc un objectif à trois ans ?
Arnaud Abitbol : Il y a encore de belles choses à faire en France, où le marché reste atomisé. Nous avons déjà effectué beaucoup d’acquisitions en 2024, dont Premium Travel de Bruno Berrebi avec qui nous partageons les mêmes valeurs.
Mais oui, il faut à un moment commencer à mettre un pied à l’international. C’est un objectif à moyen terme, dans les prochaines années.
*propos recueillis vendredi 24 janvier
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