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Philippe Sangouard (Boomerang Voyages) : « Le Revenge Travel semble s’estomper »

Boomerang Voyages poursuit sa croissance dans un marché qui retrouve ses repères. Entretien avec Philippe Sangouard, son directeur général.

L’Echo touristique : Après un exercice 2022 record, Boomerang Voyages a commencé l’année sur les chapeaux de roue. Avez-vous maintenu cette dynamique ?

Philippe Sangouard : 2022 a été une année extraordinaire, c’est vrai. Et, depuis le début de l’exercice 2023 (le 1er novembre 2022, NDLR), nous enregistrons des rythmes de croissance très importants. De novembre à février, Boomerang était sur des tendances de réservation de l’ordre de +45% par rapport à 2022. Mais la croissance s’est ralentie à partir du mois de mars. Jusqu’à, parfois, réaliser le même niveau de vente que l’année dernière, notamment au mois de mai. Mais nous l’avions anticipé, et nous demeurons en croissance. Nous finirons sans doute l’exercice avec une croissance de l’ordre de 20%.

Le marché s’est remis en place. Il y a beaucoup plus de concurrence, de destinations ouvertes, de produits disponibles.

Vous maintenez donc votre objectif de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires ?

Philippe Sangouard : Notre objectif est toujours d’actualité, et nous devrions l’atteindre. En fait, l’extraordinaire succès de l’exercice 2022 est presque trompeur, sur un marché normal. Nous avons enregistré, au printemps 2022, des croissances inédites. Nous finissions certaines semaines avec 120% de croissance en termes de prise de commandes ! En 2023, le contexte n’est plus le même. D’abord, l’effet « Revenge Travel » semble s’estomper. Ensuite, le marché s’est remis en place. Il y a beaucoup plus de concurrence, de destinations ouvertes, de produits disponibles. L’année dernière, nous étions les seuls, ou presque, à n’avoir jamais arrêté notre activité. Nous avons fermé, rouvert, fermé, rouvert… Mais nous n’avons jamais stoppé les voyages. La distribution s’en est rappelée et nous a récompensé. Mais l’été 2023 est différent.

L’effet « Revenge Travel » qui s’estompe, ça veut dire que les budgets se resserrent ?

Philippe Sangouard : Disons que nous observons des différences dans le comportement des clients. L’année dernière, la tendance était plutôt à la dépense. Les gens s’offraient une ou deux nuits en plus, des activités supplémentaires… Cette année, je pense que le contexte de l’inflation invite tout le monde à la prudence. Par exemple, en termes de départ, l’avant (juin) et l’arrière-saison (septembre-octobre) cartonnent. La clientèle de Boomerang se rend bien compte des différences de prix qu’il y a avec le pic de saison (juillet/août) et adapte ses congés pour pouvoir partir en voyage. L’inflation entre forcément en compte. Les voyages coûtent environ 10 à 12% de plus que l’été dernier. Donc le contexte rend les gens plus attentifs à leurs dépenses. D’ailleurs, notre nombre de pax au global est en légère baisse.

Il faut trouver où mettre le curseur entre le bon prix qui permet de ne pas être hors marché, et la bonne marge.

Vous rencontrez des difficultés pour vendre le fameux pic de saison ?

Philippe Sangouard : Le cœur de l’été, qui est aussi le moment où nous pouvons le mieux soigner nos marges, demeure très demandé. Les grandes destinations, comme la Grèce ou la Crète, sont au rendez-vous. L’Espagne fonctionne un peu moins bien, sans doute parce que c’est là que les prix des voyages ont le plus augmenté par rapport à l’été dernier. Et puis, il y a des destinations qui opèrent un retour remarquable comme la Tunisie, le Maroc ou la Croatie. La Turquie reprend son rythme de croisière, Chypre tire son épingle du jeu grâce aux vols directs, le Monténégro reprend sa percée sur le marché français, l’Albanie émerge… C’est en ce sens que je dis que le marché se remet en place. Toutes ces destinations n’étaient pas totalement ouvertes toute l’année 2022. Mais le gâteau reste le même… Donc la concurrence entre les destinations – mais aussi les voyagistes – en est renforcée.

Cette concurrence accrue, dans un contexte d’inflation, n’incite pas à revoir les prix à la baisse ?

Philippe Sangouard : Il faut trouver le juste équilibre. On voit bien que les clients font attention. Ils choisissent des catégories hôtelières moins élevées, ou privilégient un club international plutôt qu’un club labellisé, etc… Et, en même temps, tous les acteurs du tourisme veulent se remettre à flots, financièrement, après la crise sanitaire éprouvante que nous avons traversée. Si nous n’augmentons pas nos prix en juillet et en août pour réaliser de la marge, quand le ferons nous ? C’est sur ce pic de saison que repose le modèle économique de notre secteur. Donc, il faut trouver où mettre le curseur entre le bon prix qui permet de ne pas être hors marché, et la bonne marge, y compris pour nos partenaires de la distribution. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de participer à cette course qui mène, toujours, à baisser le prix.

Quitte à être moins visibles dans les outils de référencement utilisés par les agents de voyages ?

Philippe Sangouard : Boomerang Voyages fait partie du groupe NG Travel, qui est un groupe indépendant. Nous n’avons pas la même latitude que d’autres voyagistes adossés à de grands groupes. Alors, bien sûr, nous sommes là pour faire du chiffre, du volume. Mais nous ne devons jamais oublier d’être rentables.

Comment répondre à cette concurrence sans baisser vos prix ?

Philippe Sangouard : Nous avons utilisé d’autres leviers. Par exemple, nous pouvons « délabéliser » un hôtel de façon temporaire. Sur certains produits, et à certaines périodes, comme la première semaine de juillet, nous avons constaté que les ventes avaient du mal à décoller. Alors nous avons enlevé la marque Kappa ou Coralia, seulement sur cette semaine, pour nous permettre de réduire différentes dépenses (animations, excursions incluses…). Et donc, de faire baisser le prix de vente final, en vendant le produit comme un club traditionnel, sans perdre nos engagements. C’est une parade qui a bien fonctionné.

Même si la saison est au bassin méditerranéen, est-ce que le long-courrier montre aussi des signes de retour à la normale ?

Philippe Sangouard : C’est l’un des autres signes positifs que nous observons ces dernières semaines. La saison hivernale, en long-courrier, est déjà lancée. Il y a des destinations emblématiques, comme la Thaïlande ou l’Île Maurice, qui sont totalement rouvertes et accessibles. Et les Français en profitent. Le Mexique est aussi en pleine croissance. La destination profite directement de la baisse d’attractivité de la République dominicaine. Ces trois destinations sont déjà en très forte progression même si nous parlons de chiffres qui sont, bien sûr, incomparables avec ceux de la saison estivale.

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