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Les petites compagnies sous influence

Les compagnies aériennes Air Atlantique, Airlinair, Hex’Air et Twin Jet exploitent des lignes à faible trafic. Mais elles peinent à se faire connaître et ne survivent que grâce à des accords d’assistance technique et commerciale avec Air France.

Le 27 septembre, à l’occasion du salon Top Resa, la compagnie Air Atlantique faisait sensation en transportant gratuitement vers Deauville les agents de voyages en provenance de La Rochelle, Nantes et Saint-Etienne. Au-delà du coup promotionnel, cette opération a permis de rappeler l’existence de petites compagnies françaises, souvent méconnues des distributeurs. De création récente, elles se sont installées sur des lignes abandonnées par les compagnies plus importantes, qui ne disposent pas d’une flotte adéquate pour y gagner de l’argent. Outre Air Atlantique, trois petits transporteurs opèrent en France : Airlinair, Hex’Air et Twin Jet. Au total, ils ont fait voyager 184 761 passagers en 2002, selon la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Paradoxalement, les difficultés rencontrées par Aéris et Air Littoral montrent que ce type de compagnie peut subsister, profitant des miettes laissées par leurs grandes soeurs, et qu’il est préférable de rester dans sa niche plutôt que de vouloir se faire plus grosse que le boeuf.

Reste que si ces petites compagnies résistent, c’est dans un environnement particulier. En plus des quelques liaisons qu’elles ont pu récupérer après le naufrage d’Air Lib, elles assurent la plupart du temps des lignes de niches ou des lignes régionales subventionnées par le Fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien (Fiata) dans le cadre de l’aménagement du territoire.

Seule une gestion rigoureuse permet d’espérer la viabilité

Ce système de subventions leur assure un revenu minimum indispensable à leur survie. Elles ont souvent aussi une activité annexe et sont sous la coupe d’Air France qui les assiste aux plans informatique ou commercial. Un équilibre dans lequel chacun trouve son compte. Air France garde ainsi un oeil sur un marché qu’elle ne peut exploiter, et les petites compagnies peuvent accéder au marché sans que leurs coûts commerciaux n’explosent. Pourtant les disparitions d’Air Provence International, Air Bretagne et Air Normandie dans le passé et la liquidation récente d’Air Jet rappellent que la viabilité de ces microcompagnies reste aléatoire et qu’elles doivent s’astreindre à une gestion rigoureuse.

Avec 100 000 passagers transportés en propre sur ses lignes en 2002, Airlinair est le membre le plus important de ce club fermé. Créée en 1999 et détenue par la holding Financière LMP, elle est dotée d’un capital de 1 ME et a tout de suite misé sur des appareils turbopropulseurs, pour limiter ses coûts de production. Elle dispose d’une flotte de 18 appareils (15 ATR 42-72 et 3 Beechcraft) et opère cinq lignes au départ d’Orly (Aurillac, Bergerac, Brive, Castres-Mazamet, Périgueux) en plus de la transversale Tours-Lyon. Elle a préféré abandonner Paris-Epinal en juin dernier.

Avant de lancer une activité régulière, Airlinair était une compagnie d’affrètement pour le compte d’Air France et d’Air Lib. Elle maintient aujourd’hui cette activité parallèle – avec Air France mais aussi avec la compagnie cargo Europe Air Post – qui lui permet de limiter ses risques. Au total, Airlinair a réalisé un chiffre d’affaires de 41,5 ME en 2002 et prévoit une hausse de 17,6 % cette année. Présente dans les GDS, elle a passé un accord d’agent général (GSA) avec Air France pour la revente de ses vols et fait bénéficier ses clients du programme de fidélité Fréquence Plus de la compagnie nationale. C’est vraiment très utile. Les petites compagnies comme nous ne disposent pas de budget de communication pour se faire connaître, explique Lionel Guérin, PDG d’Airlinair. Les voyageurs d’affaires, qui constituent l’essentiel de notre clientèle, apprécient de pouvoir accumuler des miles.

Qualité et proximité, les deux clés de la réussite

Mais la clé d’un fonctionnement efficace reste la qualité de service et la proximité. Beaucoup de nos clients font l’aller-retour dans la journée, poursuit Lionel Guérin. Nous sommes obligés d’avoir une ponctualité irréprochable. Comme nous avons souvent les mêmes passagers dans nos avions, des liens particuliers se créent.

Une rigueur reconnue par les agences. Nos clients nous renvoient une bonne image d’Airlinair, se félicite Marie-Chantal Capdevielle, chef d’agence chez Thomas Cook (ex-Havas Voyages), à Brive. Elle n’a jamais fait de problèmes pour rembourser ou modifier des billets suite à une erreur. Même son de cloche à Aurillac. A Orly, la compagnie souffre parfois de ne pas être prioritaire pour la gestion des slots ce qui peut entraîner quelques retards, explique Delphine Roquesalane, chef de comptoir chez Stac Voyages. Mais en général, nos clients ont une très bonne image. Les commerciaux d’Airlinair sont très présents et toujours disponibles pour répondre à nos questions.

Une perte de confiance depuis la liquidation d’Air Lib

Opérant également à Orly-Sud, Hex’Air, créée en 1991 pour reprendre la ligne Paris-Le Puy, abandonnée par Air Littoral, est elle aussi privée. Fondée par Bernard Guichon, elle est dotée d’un capital de 250 000 E. Elle exploite les lignes Paris-Le Puy et Lyon-Rodez-Castres, avec trois avions (deux Beechcraft de 19 places et un Embraer de 37 places). Ses volumes de trafic sont eux aussi très faibles (24 861 passagers en 2002 pour un chiffre d’affaires de 7,5 ME), ce qui complique sérieusement la commercialisation. Curieusement, les agences de Paris ont du mal à nous trouver, alors que nous sommes présents dans les GDS, regrette Didier Billard, son responsable commercial. La clientèle a un peu perdu confiance depuis la liquidation d’Air Lib, poursuit-il. Pourtant, s’il existe des lignes pérennes, ce sont bien les lignes subventionnées. Car en échange d’une aide de l’Etat, nous sommes tenus de respecter un cahier des charges strict. Nous ne pouvons pas annuler plus de 3 % des vols, et nous avons une ponctualité quasi parfaite, ajoute-t-il.

Cette efficacité est saluée par les rares agences qui revendent le transporteur. Chez Hex’Air, le moindre souci est réglé très vite, précise Lydia Rozière, de Touromed Voyages-Selectour à Rodez. Un jour, un client n’avait pas son billet. Il a pu embarquer malgré tout, après une intervention du commercial. La compagnie n’hésite pas non plus à attendre ses passagers s’ils sont perdus dans les embouteillages ! Un service à la carte qui ne compense pas un handicap majeur : Hex’Air ne dispose pas d’accord avec Air France pour Fréquence Plus. Résultat : alors qu’elle avait repris la ligne Orly-Chambéry en avril 2002, elle a été obligée de jeter l’éponge. La clientèle, principalement des hommes d’affaires, préférait prendre l’avion à Lyon pour accumuler des miles sur Air France, quitte à perdre du temps sur la route pour rejoindre l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry.

La commercialisation est extrêmement difficile

Créée en juillet 2001 par Olivier Manaut, Twin Jet a pour sa part effectué son premier vol régulier en 2002 entre Orly et Cherbourg, une ligne qui a été par la suite prolongée jusqu’à Jersey. Peu après le naufrage d’Air Lib, en février dernier, le transporteur a aussi repris les liaisons au départ de Metz-Nancy vers Marseille et Toulouse. Dotée d’un capital de 300 000 E, Twin Jet emploie 25 personnes et exploite quatre Beechcraft de 19 places, tous loués à Regional. Mais, là encore, le transporteur peine à se faire connaître. Pour une compagnie, l’exploitation n’est rien. C’est toujours la commercialisation qui est extrêmement difficile, explique Olivier Manaut. C’est donc à l’ombre d’Air France que Twin Jet travaille, bénéficiant d’une assistance informatique à 100 % et du programme Fréquence Plus. Nous devons rester sur notre créneau, insiste Olivier Manaut. Nous ne devons pas gêner la compagnie nationale et nous devons rentrer dans sa stratégie. Les petits transporteurs qui n’ont pas compris cela sont morts avant de naître.

Cette attitude très conciliante est positive, au moins dans les résultats. Dès son premier exercice, Twin Jet a été bénéficiaire. Après un chiffre d’affaires de 4,5 ME l’an dernier, elle prévoit d’atteindre 8 ME cette année, pour un trafic total de 40 000 passagers (dont 15 000 sur la liaison Metz/Nancy-Marseille et 10 000 sur Metz/Nancy- Toulouse).

Collectivités actionnaires et concurrence jalouse

Reste le cas particulier d’Air Atlantique. Cette compagnie basée à La Rochelle ne faisait que de l’affrètement. Rachetée pour 7,6 ME en novembre 2002 par une société d’économie mixte créée par les conseils généraux de Seine-Maritime et du Calvados, elle s’est lancée dans le transport régulier. Dotée d’un capital de 3,5 ME, elle emploie 92 personnes et dispose d’une flotte de cinq ATR, dont un est utilisé pour des opérations de type événementiel, notamment le transport de l’équipe de football du Havre. Le transporteur est sur le point de déménager au Havre et a relancé depuis la ville normande des lignes vers Toulouse, Amsterdam et Bruxelles, toutes abandonnées par Regional en l’an 2000. Clientèle visée : les cadres des entreprises locales.

Air Atlantique a par ailleurs parfait son réseau en reprenant une partie de l’activité d’Air Jet, récemment liquidée, en particulier les lignes Paris-La Rochelle et Paris-Saint-Etienne. La compagnie, présente dans le GDS, se défend de voler grâce à de l’argent public. Nous ne fonctionnons pas par subventions, les collectivités locales sont seulement actionnaires, s’insurge Christian Plaisance, DG adjoint. Nous avons l’obligation d’être à l’équilibre pour la troisième année d’exploitation. La compagnie, qui transporte 6 000 passagers par mois, table sur un chiffre d’affaires de 20 ME pour l’année en cours.

Reste que ce fonctionnement atypique est parfois montré du doigt par les autres petites compagnies, qui lui reprochent de ne pas jouer la libre concurrence.

Elles ont beau jeu. Car au final, toutes sont largement assurées du soutien d’organismes publics d’aménagement du territoire. Et leur existence, nécessaire pour désenclaver certaines régions, est encadrée par Air France. Car si ces petits transporteurs gardent une indépendance de façade par rapport à Brit Air ou Regional, en réalité, leur fonctionnement est déjà celui de compagnies satellisées.

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