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La réservation en ligne décolle doucement

Avec le passage à la commission zéro, les entreprises privilégient de plus en plus les outils de réservation en ligne mis à leur disposition par les agences. Objectif clairement affiché : réduire leurs budgets voyages.

Vendredi 13 mai, 20 h 30. Depuis son bureau, Gé-rard Buannic pianote sur son ordinateur en quête d’un vol Paris-Nice. Au lieu d’attendre lundi l’ouverture de l’agence de voyages qui sert son entreprise, ce jeune cadre s’est connecté au portail Internet dédié spécialement aux déplacements professionnels. Après avoir saisi ses codes d’accès personnels, il effectue lui-même sa réservation en ligne. Le tout dans le respect de la politique voyages de son entreprise. Le dossier basculera ensuite automatiquement sur le terminal de l’agence qui lui délivrera son billet d’avion. Gérard Buannic est le voyageur d’affaires de demain. Un cadre rompu aux technologies, qui n’hésite pas à utiliser le self-booking tool (SBT), un nom barbare pour ces nouveaux outils de réservation automatiques proposés aux entreprises par les agences de voyages, devenus courant aux Etats-Unis. En France, leur développement est plus lent.

Le tout-électronique favorise les économies

Pourtant, de nombreuses études prédisaient que les entreprises ne résisteraient pas longtemps aux chants de sirènes du SBT. Au moins deux raisons justifiaient cet optimisme : un important verrou technologique a sauté avec l’ajout de la réservation en ligne du train (qui représente la moitié des transactions dans le voyage d’affaires). Par ailleurs, la recherche d’économies, qui s’est amplifié ces dernières années, plaidait en faveur du tout-électronique. La réservation en ligne permet à une société d’économiser 5 à 20 % sur son budget voyages, affirme KDS, filiale à 14 % de Carlson Wagonlit Travel (CWT). Pour les agences, le gain de productivité est également important. En se déchargeant des tâches les plus simples (recherche tarifaire, réservation), elles peuvent concentrer leurs efforts sur d’autres missions plus rémunératrices (conseils, suivi statistique…).

Des commandos pour conquérir les PME

L’automatisation a pourtant connu des accidents de parcours dans le voyage d’affaires. Même les spécialistes de l’Internet ont dérapé. Les Travelprice, Anyway et autres Promovacances ont tous créé des services destinés aux petites et moyennes entreprises, avant de jeter l’éponge. Expedia Corporate Travel (ex-Egencia) est la seule agence en ligne à avoir tenu la distance. N’en déplaisent à ses Cassandre, cette jeune pousse a trouvé son public. Quatre ans après sa création, elle revendique plus de 1 000 clients en Europe. En passant dans le giron d’Expedia, elle a encore accéléré son offensive, en envoyant de vrais commandos afin de conquérir des PME, persifle un concurrent. Des clients déçus sont déjà revenus à leurs premières amours, leur agence de quartier, ajoute- t-il. Info ou intox ? Toujours est-il qu’en 2003 (derniers chiffres communiqués), Expedia Corporate Travel annonçait un volume d’affaires de 50 ME dans l’Hexagone.

Malgré ces difficultés, il n’en reste pas moins que les déplacements professionnels ont entamé leur révolution française. Selon le baromètre d’American Express Voyages d’Affaires, 14 % des sociétés déclarent utiliser un SBT.

Le mythe, c’est toutefois de croire que toutes les entreprises françaises ont basculé, ou sont en train de le faire, nuance Charles Régnier, responsable des solutions technologiques au sein du département conseil de Carlson Wagonlit Travel (CWT) pour l’Europe.

Le couperet de la commission zéro

La réalité est différente. Certes, nombre de sociétés réfléchissent fortement à l’adoption d’un SBT. Mais elles hésitent toujours, conscientes de la lourdeur et du coût. Sur les 30 premiers grands comptes servis par CWT Voyages d’Affaires en France, 25 % sont engagés dans des projets de SBT. Le réseau espère 25 % de réservations en ligne en 2007, au minimum. Cette année, son but est d’atteindre 5 %.

Même objectif chez Amadeus France, avec sa solution Aergo, destinée aux grands comptes. Le GDS vise 10 % à l’horizon 2006. La gestion du changement est longue dans les entreprises françaises, commente Paul Ponçon, directeur d’e-Travel Amadeus. Il a fallu les convaincre que les assistantes ne se transformeraient pas en agents de réservation.

D’après le baromètre d’American Express, 50 % des grandes entreprises comptent utiliser la réservation en ligne d’ici deux ans. Avec le couperet de la commission zéro et la généralisation des frais de services, toute la profession constate d’ailleurs un regain d’intérêt des sociétés envers le SBT, les frais de services perçus par les agences pour les ventes automatiques étant plus faibles.

Régis Chambert, directeur général d’American Express Voyages d’Affaires, veut croire lui aussi à un vrai décollage dans un proche avenir. Sur les quatre premiers mois de l’année, le réseau a atteint 5,5 % de réservations électroniques. Nous tablons sur 20 % en décembre, grâce notamment au coup d’accélérateur que devrait donner l’avènement du billet électronique à la SNCF. Pour l’heure, 2 500 de ses 8 500 clients ont adopté un SBT. Parmi eux, 70 % seraient des PME. Nous récoltons les fruits de nos efforts. Depuis trois ans, nous préparons nos clients à la commission zéro en leur suggérant de privilégier des solutions électroniques. Et Régis Chambert de poursuivre : Nous voulons être reconnus comme la première agence en ligne dans le voyage d’affaires.

Rentabiliser un outil assez onéreux à installer

Dommage que nombre d’agences indépendantes n’aient pas profité de la période d’attentisme ces dernières années pour se familiariser avec ces technologies. Au lieu de s’accrocher à la commission zéro, elles auraient dû plancher plus tôt sur le SBT, regrette Jean-Jacques Lelarge chez Otom Voyages (Afat Voyages). Avec un retard à l’allumage, les réseaux volontaires commencent donc à fourbir à leur tour leurs armes électroniques pour séduire de nouvelles entreprises. Avec plus ou moins de conviction. Manor et Afat Voyages viennent ainsi de signer avec le fournisseur KDS pour développer des solutions.

Le nouveau modèle économique de l’agence, avec une rémunération à l’acte, joue le rôle de catalyseur. C’est en ce moment même que les entreprises se posent des questions par rapport au SBT, estime Gérard Letailleur, le nouveau président de Selectour. La toute nouvelle solution de réservation en ligne du réseau (e-Smile), mise à disposition des adhérents, arrive donc à point nommé. Mais répond-elle à un vrai besoin ? Nous servons des PME qui sont avant tout sensibles à notre service de proximité, s’interroge-t-il. Gérard Letailleur doute plus particulièrement de la pertinence de cet outil électronique dans les petites entreprises, en particulier sur le retour sur investissement.

Même son de cloche chez De Boüard Voyages, l’un des plus gros adhérents de Selectour. L’agence a proposé le SBT à ses clients au moment du passage à la commission zéro. Une suggestion qui a fait chou blanc auprès des 1 000 sociétés en compte, principalement des PME. François-Xavier de Boüard, le PDG, s’en étonne à peine : L’entreprise doit afficher un budget voyages déjà conséquent pour espérer rentabiliser un outil qui reste onéreux à installer. Sans compter que si le SBT est efficace pour des réservations simples, l’agence retrouve son rôle de conseiller pour les parcours plus complexes. Pour lui, les grands comptes sont le réel coeur de cible des solutions électroniques.

Grand Large Voyages, autre adhérent Selectour à Nice, partage son avis. L’agence promet à ses entreprises clientes une baisse de 50 % de ses frais de services quand les dossiers sont réservés en ligne. Pourtant, sur les 300 PME en compte, trois sont potentiellement intéressées. Ce n’est pas qu’un problème de coût. Nos clients nous ont justement choisis pour avoir un service personnalisé, de proximité. Or le SBT enlève ce contact humain, observe Nathalie Landier, superviseur affaires.

Eviter le grain de sable fatal

PME ou grands comptes, reste qu’il ne suffit pas de déployer un outil de réservation en ligne dans les sociétés, encore faut-il qu’il soit utilisé. Et sur ce point, d’énormes progrès restent à faire. Quelques mois s’écoulent entre la signature du contrat et les premiers dossiers en ligne, précise Paul Ponçon chez Amadeus. Aux agences d’accompagner leurs clients, avec une formation adéquate, car le retour sur investissement passe par le volume. L’entreprise commence à dégager des économies quand environ 30 % des transactions sont automatisées, note KDS. Il faut souvent compter douze à dix-huit mois avant d’atteindre un tel seuil, car naturellement, les voyageurs et leurs assistantes font parfois de la résistance. Comment se réjouir d’un outil qui les oblige aussi à intégrer, dans un emploi du temps plein comme un oeuf, la gestion de leurs voyages ?

A l’heure des 35 heures, l’argumentaire des agences doit donc être soigneusement ficelé. Et s’ils pataugent face à leurs ordinateurs, ce qui est prévisible au début, les utilisateurs seront tentés de décrocher leur téléphone. Dès qu’il y a un grain de sable, les voyageurs risquent d’abandonner, signale Jean-Pierre Remy, président Europe de Expedia Corporate Travel. Nous devons assurer un important travail d’accompagnement, pour écarter toute embûche susceptible d’entraver le client sur la route de l’automatisation. C’est une nouvelle compétence que doit développer l’agence, en veillant à la bonne utilisation du self-booking tool, voire à la formation des cadres de l’entreprise. Un travail long, mais indispensable…

Au lieu de s’accrocher

à la commission

zéro, les entreprises auraient dû

plancher sur les SBT.

L’adoption du SBT est en bonne voie. 50 % des grandes entreprises françaises comptent l’utiliser d’ici à deux ans.

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