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ÉDITO. Avoirs dans le voyage : un coup de bambou venu de Bruxelles

La mise en demeure de la France est une mauvaise nouvelle pour les professionnels. Le combat de la défense des voyageurs ne devrait-il être ailleurs, sur le terrain du vol sec ?

L’ordonnance du 25 mars 2020 a créé une bouffée d’oxygène pour les entreprises du voyage, préservant leur trésorerie, et limitant du même coup les risques de faillites. Mais d’emblée, les professionnels du secteur à la manœuvre savaient que le texte sur les avoirs valables 18 mois, sur nombre de prestations (vols exclus), serait contraire à la Directive sur les voyages à forfait, comme l’explique l’avocate Emmanuelle Llop. A crise exceptionnelle, mesure exceptionnelle, pensait-on… Caressant l’espoir d’obtenir, dans le même temps, la bienveillance de Bruxelles. Que nenni… La Commission européenne vient de mettre en demeure 10 pays dont la France, qui a deux mois pour répondre.

De leurs côtés, les Entreprises du Voyage ont (déjà) prévu le coup, avec la complicité du secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne. D’où la mise en place prochaine d’une commission sur les avoirs, pour rembourser des clients en situation « d’extrême fragilité » avant les 18 mois prévus par l’ordonnance du 25 mars. Une commission qui fera, à n’en pas douter, partie de la réponse de la France, pour détendre l’atmosphère entre Paris et Bruxelles… Reste à savoir qui portera le dossier dans le nouveau gouvernement, alors que le Premier ministre Jean Castex vient d’être nommé.

Ne se trompe-t-on pas de combat ? Les agences de voyages ont, elles, une garantie financière.

« C’est maintenant que les entreprises vont avoir encore plus besoin du soutien de l’Etat sur ce sujet », explique en off un expert du secteur du voyage. « De fait, comment faire, après avoir aidé les professionnels par cette ordonnance, si la France est sommée de revenir en arrière ? » Une lueur d’espoir subsiste, puisque la saison d’été sera passée d’ici deux mois : « Les délais des actions diverses sont tels que, d’ici là, on espère que la crise sera passée. Mais franchement, les professionnels n’avaient pas besoin de cette nouvelle épée de Damoclès. » En attendant, les agences de voyages et les TO risquent de faire face à de nombreuses demandes et autant de reproches…

« On ne comprend pas cette décision de la Commission européenne, regrette un autre professionnel. C’est purement politique… » Oui, la Commission aime bien rappeler ses ouailles à l’ordre, et dire qu’elle veille à la protection des consommateurs. Et le fait régulièrement. En l’état, ne se trompe-t-on pas de combat ? Les agences de voyages ont, elles, une garantie financière qui joue pleinement son rôle en cas de faillite d’une agence ou d’un TO. La preuve : l’APST, qui couvre 70% des opérateurs de voyage, déboursera 41 à 42 millions d’euros pour venir en aide aux voyageurs lésés par la faillite de Thomas Cook. Une somme colossale, partagée pour l’essentiel entre les rapatriements et les remboursements.

Les compagnies aériennes, elles, n’ont pas de caisse de garantie des fonds déposés. Combien d’années faudra-t-il le répéter ? Aujourd’hui, si une compagnie aérienne dépose le bilan, le consommateur n’a en règle générale plus qu’à s’assoir sur son avoir. Là, un joli combat pourrait être mené par Bruxelles contre ces compagnies aériennes qui imposent des avoirs en violation avec la règlementation en vigueur. Là, de grands trous dans la raquette subsistent, sur le terrain de la protection des consommateurs. Ce terrain que l’Europe aime, soit disant, si bien préserver… Jusqu’à maintenant, Bruxelles n’a fait qu’un gentil rappel à l’ordre à ce sujet, commun aux vols secs et aux forfaits. Le puissant lobbying de l’aérien -et de Iata comme le souligne notre éditorialiste Dominique Gobert– n’est sans doute pas étranger à cette situation.

*L’ordonnance permet aux professionnels du tourisme d’émettre un avoir au lieu de rembourser un client qui aurait réservé un voyage (entre le 1er mars et le 15 septembre 2020) annulé à cause de la crise sanitaire.

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